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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC01844-18NC01895

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC01844-18NC01895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D..., agissant comme représentants légaux de leur fille mineureF..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Lauterbourg à leur verser une somme de 23 713 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation, en réparation du préjudice subi par leur fille.

La caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit a demandé au tribunal administratif de condamner la commune de Lauterbourg à lui verser une somme

de 74 701,41 euros, augment

e des intérêts et de la capitalisation, correspondant au montant des prestations dont a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D..., agissant comme représentants légaux de leur fille mineureF..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Lauterbourg à leur verser une somme de 23 713 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation, en réparation du préjudice subi par leur fille.

La caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit a demandé au tribunal administratif de condamner la commune de Lauterbourg à lui verser une somme

de 74 701,41 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation, correspondant au montant des prestations dont a bénéficié la jeune F...D....

Par un jugement n° 1505731 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 juin 2018 et le 6 février 2019 sous le n° 18NC01844, M. et Mme D..., agissant en tant que représentants légaux de leur fille mineure F...et représentés par MeE..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1505731 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner la commune de Lauterbourg à leur verser une somme de 23 643 euros, augmentée des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir et de leur capitalisation ;

3°) de déclarer le jugement en commun et opposable à la caisse DAK-Gesundheit ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lauterbourg les dépens ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Lauterbourg une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Lauterbourg est engagée car elle n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage alors que la signalisation mise en place dans le parc n'était pas suffisante ni claire, que les espaces barbecues n'étaient pas sécurisés ni surveillés et que la commune a d'ailleurs interdit les barbecues après l'accident ;

- aucune faute de la victime ne peut être retenue et au demeurant, le défaut de surveillance n'a pas eu de rôle causal dans la survenue du dommage ;

- les préjudices s'élèvent à 23 713 euros dont 3 443 euros au titre des frais de déplacement, 850 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 312,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2, 1 537,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1, 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre du pretium doloris et 2 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, la commune de Lauterbourg, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle apporte la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage dès lors que la signalisation indiquait que les barbecues étaient autorisés uniquement sur les espaces réservés, que ces emplacements sont visibles et en retrait de la plage ;

- la faute de la victime doit être retenue au titre d'un défaut de surveillance de l'enfant par ses parents alors en outre qu'elle souffre d'un handicap ;

- les préjudices ne sont pas justifiés ou sont surévalués.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 4 juillet 2018 et le 6 février 2019 sous le n° 18NC01895, la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit, représentée par MeE..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1505731 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner la commune de Lauterbourg à lui verser une somme de 74 701,41 euros, augmentée des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lauterbourg les dépens ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lauterbourg une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune de Lauterbourg est engagée car elle n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage alors que la signalisation mise en place dans le parc n'était pas suffisante ni claire, que les espaces barbecues n'étaient pas sécurisés ni surveillés et que la commune a d'ailleurs interdit les barbecues après l'accident ;

- aucune faute de la victime ne peut être retenue et au demeurant, le défaut de surveillance n'a pas eu de rôle causal dans la survenue du dommage ;

- les frais de santé s'élèvent à 44 277,83 euros et l'allocation de soins versée aux parents s'élève à 30 423,58 euros

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, la commune de Lauterbourg, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle apporte la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage dès lors que la signalisation indiquait que les barbecues étaient autorisés uniquement sur les espaces réservés, que ces emplacements sont visibles et en retrait de la plage ;

- la faute de la victime doit être retenue au titre d'un défaut de surveillance de l'enfant par ses parents alors en outre qu'elle souffre d'un handicap ;

- les préjudices ne sont pas justifiés ou sont surévalués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- les observations de Me Parrey, avocat de M. et Mme D...et de la caisse DAK-Gesundheit et les observations de Me Lemée, avocat de la commune de Lauterbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 août 2012, la jeune F...D..., alors âgée de 4 ans, s'est rendue avec ses parents dans l'enceinte de la plage des Mouettes exploitée en régie par la commune de Lauterbourg. L'enfant a chuté dans un espace barbecue contenant des braises encore chaudes et a été gravement brûlée. M. et Mme D...ont alors recherché devant le tribunal administratif de Strasbourg la responsabilité de la commune de Lauterbourg dont ils ont demandé la condamnation à leur verser une somme de 23 713 euros en réparation des préjudices subis par leur fille. La caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit a demandé, à titre subrogatoire, de condamner cette commune à lui verser une somme de 74 701,41 euros correspondant au montant des dépenses de santé engagées au bénéfice de la jeuneF.... Par deux requêtes distinctes, enregistrées respectivement sous le n° 18NC01844 et le n° 18NC01895 et qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme D... et la caisse DAK-Gesundheit relèvent appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Sur la responsabilité de la commune de Lauterbourg :

2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, l'usager de cet ouvrage doit démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de son dommage, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que l'espace barbecue à l'origine du dommage n'était pas signalé à ses abords immédiats. Si, à proximité des caisses, les usagers étaient informés de l'existence d'emplacements réservés aux barbecues, leur localisation précise et les dangers résultant de leur configuration particulière n'étaient pas mentionnés. En outre, d'après les photographies produites par les deux parties, les emplacements barbecues en cause, situés sur la pelouse du camping, consistaient en des espaces bétonnés d'environ quatre mètres carrés, délimités par quatre blocs de pierre blanche et au centre desquels les braises étaient abandonnées à même le sol. Il résulte également de l'instruction que ces emplacements étaient difficilement repérables et identifiables par un usager non habitué de la zone de loisirs. Par ailleurs, aucune clôture de protection n'avait été aménagée afin d'éviter les risques de brulures inhérents à cette activité alors que la zone a pour vocation d'accueillir, notamment en période estivale comme en l'espèce, des familles avec de jeunes enfants. Il en résulte que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la commune ne peut être regardée comme démontrant avoir normalement entretenu l'ouvrage à l'origine de l'accident.

4. Il est vrai que si l'enfant a pu accéder à l'espace barbecue où se trouvaient des braises encore chaudes, l'accident dont elle a été victime doit être également regardé, alors qu'elle est affectée d'un léger retard de développement et que le parc connaissait, ce jour, une forte affluence, comme imputable à un défaut de surveillance des parents de nature à exonérer partiellement la commune de sa responsabilité dans les conséquences dommageables de l'accident. Eu égard à l'importance respective des fautes commises par les parties, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du partage de responsabilités en fixant à 75 % la part imputable à la commune de Lauterbourg.

Sur la réparation :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :

S'agissant des dépenses de santé :

5. Il ressort du décompte de la caisse de sécurité allemande DAK-Gesundheit que celle-ci a pris en charge des frais de santé à hauteur de 44 277,83 euros et des allocations de soins à hauteur de 30 423,58 euros. Contrairement à ce que soutient la commune, ces frais ont été exposés en raison des seules blessures occasionnées à l'enfant ainsi que le révèlent les détails des justificatifs fournis dans le cadre de la procédure d'appel dont il ressort qu'ils se rapportent en particulier aux frais de transport sanitaire, d'hospitalisation, de bandage et de pharmacie. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'autonomie de l'enfant a été lourdement entravée par les brulures subies ce qui a justifié le versement par la caisse d'une allocation de soins. Eu égard au partage de responsabilité, la part du préjudice dont la réparation incombe à la commune de Lauterbourg s'établit à la somme de 56 026,06 euros qu'il y a lieu d'allouer à la caisse de sécurité allemande DAK-Gesundheit.

S'agissant des frais divers :

6. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D...justifient de frais de déplacement à hauteur de 3 443 euros relatifs aux visites à l'hôpital, aux consultations médicales et à l'expertise. Compte tenu du partage de responsabilité retenu, il y a lieu de condamner la commune de Lauterbourg à verser aux intéressés la somme de 2 582,25 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 26 mars 2015

du docteurC..., désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 décembre 2014, qu'à la suite de son accident, la jeune F...a subi une gêne temporaire totale au titre de la période du 19 août 2012 au 21 septembre 2012, une gêne temporaire partielle de classe 2 au titre de la période du 22 septembre 2012 au 10 novembre 2012 et une gêne temporaire partielle de classe 1 au titre de la période du 11 novembre 2012 au 19 août 2014. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire supporté par la victime en l'évaluant à la somme de 2 700 euros.

Quant aux souffrances endurées :

8. L'enfant a supporté des souffrances physiques évaluées, selon l'auteur du rapport, à 3 sur une échelle de 0 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 5 000 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

9. La jeune F...présente depuis le 19 août 2014, date de sa consolidation, un déficit fonctionnel permanent évalué à 3% par l'expert. Dans cette mesure, eu égard à ce taux et à l'âge de la victime, ce chef de préjudice doit être évalué à 5 000 euros.

Quant au préjudice esthétique :

10. La victime présente un préjudice esthétique évalué, selon l'expert, à 2 sur une échelle de 0 à 7. Ce préjudice doit être évalué à une somme de 2 000 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices personnels de la jeune F...s'établit à la somme de 14 700 euros. Compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu d'allouer à M. et Mme D...une somme de 11 025 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lauterbourg doit être condamnée à verser à M. et MmeD..., une somme totale de 13 607,25 euros et à la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit la somme totale de 56 026,06 euros.

Sur les intérêts :

13. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Par suite, les conclusions tant de M. et Mme D...que de la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit tendant à ce que les sommes qui leur ont été allouées par le présent arrêt portent intérêts à compter de sa date de lecture sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens".

15. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lauterbourg, partie perdante, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 410 euros, par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg,

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme D...et de la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues aux dépens, le versement de la somme que la commune de Lauterbourg demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière le versement à M. et Mme D...d'une somme de 1 500 euros et de la même somme à la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1505731 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La commune de Lauterbourg est condamnée à verser la somme de 13 607,25 euros à M. et MmeD....

Article 3 : La commune de Lauterbourg est condamnée à verser la somme de de 56 026,06 euros à la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit.

Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 410 euros sont mis à la charge de la commune de Lauterbourg.

Article 5 : La commune de Lauterbourg versera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros à M. et Mme D...et une somme de 1 500 euros à la caisse de sécurité sociale DAK-Gesundheit.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D..., à la caisse de sécurité sociale allemande DAK-Gesundheit et à la commune de Lauterbourg.

2

N° 18NC01844-18NC01895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01844-18NC01895
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc01844.18nc01895 ?
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