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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC01806

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC01806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'enjoindre à la société Sirbal de remédier aux malfaçons affectant les équipements de desserte de la zone d'aménagement concerté Hofer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à défaut, de condamner la société Sirbal à lui payer la somme de 274 083,96 euros correspondant au montant des travaux à entreprendre à ce titre, la somme de 18 619,4

8 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 10 000 euros au titre du préj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'enjoindre à la société Sirbal de remédier aux malfaçons affectant les équipements de desserte de la zone d'aménagement concerté Hofer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à défaut, de condamner la société Sirbal à lui payer la somme de 274 083,96 euros correspondant au montant des travaux à entreprendre à ce titre, la somme de 18 619,48 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 84 000 euros au titre du trouble de jouissance.

Par un jugement n° 1604920 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 juin 2018 et le 12 avril 2019, la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas, représentées par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 avril 2018 ;

2°) à titre principal sur le fondement de la garantie contractuelle, d'enjoindre à la société Sirbal de remédier aux malfaçons affectant les équipements de desserte de la zone d'aménagement concerté Hofer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) à défaut, de condamner la société Sirbal à payer la somme de 274 083,96 euros correspondant au montant des travaux à entreprendre à ce titre, la somme de 18 619,48 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 84 000 euros au titre du trouble de jouissance ;

4°) à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale, d'enjoindre à la société Sirbal de remédier aux malfaçons affectant les équipements de desserte de la zone d'aménagement concerté Hofer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

5°) à défaut, de condamner la société Sirbal à payer la somme de 274 083,96 euros correspondant au montant des travaux à entreprendre à ce titre, la somme de 18 619,48 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 84 000 euros au titre du trouble de jouissance ;

6°) de mettre à la charge de la société Sirbal une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement ne répond pas intégralement à leurs conclusions de première instance et ne se prononce pas sur toutes les causes juridiques qu'elles ont invoquées à l'appui de leurs demandes de condamnation de la société, en particulier s'agissant de sa responsabilité contractuelle ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la société Sirbal ne pouvait être qualifiée de constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et qu'il l'a qualifiée de concessionnaire d'aménagement ;

- c'est à tort que le tribunal a mis les frais d'expertise à leur charge ;

- la responsabilité de la société Sirbal est engagée en raison de ses nombreux manquements aux stipulations de la convention et de ses annexes ainsi qu'aux règles de l'art ;

- la responsabilité décennale de la société Sirbal est engagée dès lors que l'ouvrage est impropre à sa destination et que la qualité de constructeur peut être retenue dès lors qu'il a été convenu que la société Sirbal cède l'ouvrage à la fin des travaux ;

- elles sont fondées à obtenir la réparation des préjudices nés des malfaçons et de la non-conformité des ouvrages.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019 la société Sirbal, représentée par CMS Francis Lefebvre Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas soient condamnées aux entiers dépens et au versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier dès lors que la demande de première instance reposait exclusivement sur le fondement de la responsabilité décennale ;

- les appelantes ne sauraient se prévaloir de la qualité d'acquéreur de l'ouvrage dans la mesure où la société Sirbal demeure propriétaire de l'intégralité des ouvrages faute pour la commune d'avoir levé l'option prévue par l'article 2 de la convention qui ne lui ouvrait que la faculté de se voir céder gratuitement les emprises des voies de circulation ;

- le jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit ni de qualification juridique dans la mesure où une convention d'aménagement a effectivement été signée le 18 octobre 2014 entre la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération, la commune de Morschwiller-le-Bas et la société Sirbal ;

- la qualification de concessionnaire d'aménagement est en tout état de cause indifférente pour la solution du litige ;

- elle ne peut être regardée comme constructeur au sens des dispositions de l'article 1792-1 du code civil ;

- les appelantes ne peuvent régulièrement prétendre engager, pour la première fois en cause d'appel, sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle qui constitue une cause juridique distincte de la responsabilité décennale.

- l'action engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle se heurte à la prescription et elle est, en tout état de cause, non fondée ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir de la garantie décennale ;

- les appelantes ne démontrent nullement l'existence d'un préjudice qui serait de nature à engager sa responsabilité.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas, et de MeB..., représentant la société Sirbal.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sirbal est propriétaire de diverses parcelles à vocation commerciale à l'intérieur de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Hofer " située sur le territoire de la commune de Morschwiller-le-Bas. Par délibération du 13 décembre 1993, le conseil municipal de cette commune a décidé de confier à la Société d'Equipement de la Région mulhousienne (SERM) la réalisation, dans le cadre d'une convention d'aménagement, d'une partie des tâches d'aménagement de cette ZAC. Cette société n'ayant pas procédé aux travaux d'aménagement prévus, la commune de Morschwiller-le-Bas et la communauté d'agglomération Mulhouse Sud Alsace, devenue depuis lors la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération, ont conclu le 18 octobre 2004 avec la société Sirbal, une convention portant sur la réalisation des équipements nécessaires à la desserte de la zone UE du plan d'occupation des sols, et plus particulièrement, de l'ensemble immobilier à vocation commerciale dont la société est propriétaire dans la ZAC " Hofer ". A la demande des deux collectivités territoriales, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a désigné le 2 mars 2010 un expert aux fins de constater les malfaçons et non-conformités affectant les équipements de desserte prévus par la convention. L'expert a rendu son rapport le 16 novembre 2011. La communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas relèvent appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Sirbal de remédier aux malfaçons, ou à défaut, à ce que la société Sirbal soit condamnée à leur verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel présentées à titre principal :

2. Il ressort de l'examen des mémoires présentés en première instance par la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas, avant la clôture de l'instruction, que leur demande avait pour fondement exclusif celui de la garantie décennale des constructeurs. Il en résulte que nonobstant le contenu du mémoire qu'elles ont présenté postérieurement à cette clôture, les conclusions tendant, à titre principal, à la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société Sirba doivent être regardées comme présentées pour la première fois en appel et sont, par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas n'ont, en première instance, invoqué avant la clôture de l'instruction, aucun autre fondement que celui de la responsabilité décennale des constructeurs. En ne statuant pas sur la demande qu'elles ont présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans un mémoire enregistré postérieurement à cette clôture, le tribunal administratif qui n'avait au demeurant pas à se placer d'office sur ce terrain, n'a, par suite, entaché son jugement d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Conformément aux principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans à compter de la réception des travaux au titre des désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. En vertu des mêmes principes dont s'inspirent notamment les dispositions de l'article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur débiteur de la garantie décennale, tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. De même, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputée constructeur de l'ouvrage et les acquéreurs successifs d'un ouvrage sont ainsi également fondés à rechercher la responsabilité du vendeur de cet ouvrage au titre de la garantie décennale.

5. Il résulte de l'instruction que la société Sirbal disposait de la maîtrise foncière des parcelles nécessaires à la desserte de la zone d'aménagement concerté " Hofer " et que par la convention conclue le 18 octobre 2004 avec les requérantes, elle s'est engagée à réaliser à ses propres frais les travaux d'aménagements et de voirie. Toutefois, l'acquisition des terrains d'emprise objet de ce contrat était notamment conditionnée à la réception des travaux et à la levée d'option expresse par la commune de Morschwiller-le-Bas. Celle-ci n'ayant procédé à aucune de ces formalités, aucune cession n'est intervenue à son profit, pas plus qu'au bénéfice de la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et ces deux collectivités ne peuvent, par suite, être regardées ni comme les maîtres de l'ouvrage ni comme les acquéreurs des ouvrages. Au surplus, alors que les appelantes ne démontrent pas que le contrat conclu en 2004 a été qualifié à tort par les premiers juges de convention d'aménagement, eu égard à sa portée et à son objet, la société Sirbal, n'est pas, en tout état de cause, en sa qualité de concessionnaire d'aménagement, au nombre des catégories de professionnels qui seraient susceptibles d'être liés au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et il s'ensuit qu'elle ne peut davantage être regardée comme un constructeur débiteur, à ce titre, de la garantie décennale.

6. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Sur les dépens :

7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ".

8. En application des dispositions précitées, les frais d'expertise, provisoirement liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 2 janvier 2012 à la somme de 21 106,59 euros T.T.C., doivent, en l'absence de circonstances particulières, être laissés à la charge définitive de la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et de la commune de Morschwiller-le-Bas qui sont parties perdantes.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Sirbal, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement de la somme que la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre globalement à la charge de ces dernières le versement à la société Sirbal d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et de la commune de Morschwiller-le-Bas est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération et la commune de Morschwiller-le-Bas verseront globalement à la société Sirbal une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Mulhouse Alsace Agglomération, à la commune de Morschwiller-le-Bas et à la société Sirbal.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 18NC01806


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