Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1600530 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2018, M. et MmeB..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 novembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure de vérification de comptabilité de l'EURL est irrégulière dès lors que la Dircofi Est était incompétente territorialement pour la contrôler et que cette irrégularité entraîne celle de sa propre procédure d'imposition ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que M. B...avait appréhendé une partie des sommes correspondant au produit de la taxe sur la valeur ajoutée revenant à l'EURL Wonderful Cars et que ces dernières devaient être regardées comme des avantages occultes ; cette dernière n'a jamais réalisé les opérations litigieuses et ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen d'exploitation ; les opérations en cause n'ont par ailleurs pas été enregistrées en comptabilité ;
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses sont injustifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B...est gérant de l'entreprise unique à responsabilité limitée (EURL) Wonderful Cars, ayant opté pour le régime réel d'imposition et qui a pour activité le négoce de véhicules de tourisme sur internet par le biais de sites de commerce en ligne. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2011, date de sa création, au 31 décembre 2012, et qui a mis en évidence que des recettes de la société avaient été omises dans les déclarations de chiffre d'affaires concernant la vente de véhicules d'occasion. Le service a tout d'abord procédé à la réintégration dans le résultat imposable de l'EURL du montant hors taxes des recettes omises, puis a calculé la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces mêmes recettes et constitutive d'un profit sur le Trésor. Une partie des sommes litigieuses a été considérée comme un revenu distribué sur le fondement de l'article 111c du code général des impôts, imposable au nom, notamment, de son gérant, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Concomitamment à cette vérification de comptabilité, M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2010 à 2012, à l'issue duquel, par proposition de rectification du 8 août 2014, établie selon la procédure contradictoire, l'administration leur a notifié les rehaussements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des revenus présumés distribués concernant les années 2011 et 2012, assortis de la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Par la présente requête, M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses.
Sur l'étendue du litige :
2. S'agissant des contributions sociales mises à la charge de M. et MmeB..., l'administration fiscale a prononcé, par décision du 30 mai 2018, des dégrèvements à hauteur de 4 338 euros, correspondant à la différence entre les prélèvements sociaux et les majorations y afférentes calculés sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré. Les conclusions de la requête de M. et Mme B...sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont, en application du principe d'indépendance des procédures d'imposition, inopérants pour contester la régularité des impositions mises à la charge personnelle de l'un de ses associés ou gérants. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité, à la supposer établie, de la vérification de comptabilité de l'EURL Wonderful Cars est sans incidence sur la régularité de la présente procédure d'imposition et doit être écarté.
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
5. L'EURL Wonderful Cars a déclaré sur la période vérifiée un chiffre d'affaires de 25 479 euros pour l'année 2011 et 843 088 euros pour l'année 2012. Or, à la suite de la mise en oeuvre par l'administration d'une demande d'assistance administrative internationale, il est apparu que cette société a acquis des véhicules d'occasion, entre le 1er mai 2011 et le 31 décembre 2012, auprès d'une société luxembourgeoise, pour un montant total hors taxes de 872 565 euros réglé par des virements bancaires émanant de comptes détenus par M. A...B..., gérant, ou M. D...B..., unique salarié de l'entreprise. Ces acquisitions n'ont pas été mentionnées sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. L'EURL Wonderful Cars n'a par ailleurs pas déposé les déclarations d'échange de biens correspondantes.
6. L'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de la préfecture des Ardennes a permis d'établir que l'ensemble de ces véhicules a été vendu à des résidents français. Toutefois les bons de commandes émis par l'EURL prévoyaient une facturation auprès de sociétés étrangères sises en Belgique, Lituanie et Lettonie. Le chiffre d'affaires réalisé pour ces véhicules, de 829 900 euros au titre de 2011 et 166 300 euros au titre de 2012, n'a pas été porté dans la comptabilité de l'EURL Wonderful Cars. Les documents et données informatiques saisis lors de la visite effectuée au domicile du gérant ont révélé que ces sociétés étrangères étaient en réalité contrôlées par M. A...B.... Par ailleurs, les recettes correspondant à ces ventes étaient encaissées sur des comptes bancaires détenus par le gérant ou le salarié de l'entreprise. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les ventes litigieuses n'auraient pas été effectuées pour le compte de l'EURL Wonderful Cars. C'est dès lors à bon droit que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de cette société les droits de taxe sur la valeur ajoutée éludés sur les ventes de véhicules, après remise en cause du bénéfice du régime de la marge bénéficiaire prévue par l'article 297 A du code général des impôts et de l'application injustifiée sur une partie des ventes du régime des livraisons intracommunautaires. Le service a ainsi procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 136 004 euros pour 2011 et 175 334 euros pour 2012.
7. Ainsi qu'il a été indiqué au point 6, le produit des ventes en cause était directement encaissé sur les comptes bancaires personnels, domiciliés en Belgique et non déclarés à l'administration, du gérant ou du salarié de la société. L'administration était dès lors fondée à imposer une partie de ces sommes sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts relatif aux rémunérations occultes, dans la catégorie des revenus distribués. Les circonstances tirées de ce que les opérations en cause n'ont pas été retracées en comptabilité et que les rehaussements effectués par le service ont conduit, après cascade, à la constatation d'un résultat déficitaire pour les exercices 2011 et 2012, ne sont pas de nature à remettre en cause cette qualification. M. A...B...et M. D...B..., en leur qualité respective de gérant de droit et de gérant de fait, doivent être regardés comme les maîtres conjoints de l'affaire. C'est, par suite, à juste titre que l'administration les a respectivement imposés au prorata de la clé de répartition des encaissements de recettes déterminée à partir de leurs relevés de comptes bancaires personnels et non contestée par les intéressés. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit l'appréhension par M. A... B...d'une partie des sommes correspondant au produit de la taxe sur la valeur ajoutée éludée, à hauteur des montants non contestés de 38 081 euros au titre de l'année 2011 et 26 300 euros au titre de l'année 2012. C'est dès lors à bon droit qu'elle a réintégré ces sommes dans le revenu imposable du foyer fiscal de M.B..., qui n'était alors pas divorcé, au titre des années en cause.
En ce qui concerne les pénalités :
8. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
9. Ainsi qu'il a été développé précédemment, il résulte de l'instruction que M. A...B..., gérant de la société, et M. D...B..., unique salarié, avaient délibérément mis en place un système frauduleux de commerce de véhicules d'occasion en France par un système de facturation faisant intervenir des sociétés étrangères interposées, permettant d'éluder l'acquittement de la taxe sur la valeur ajoutée exigible. Il est constant que les recettes correspondant à ces ventes ont par ailleurs été encaissées sur les comptes bancaires personnels des intéressés ouverts à l'étranger et non déclarés, qu'elles n'ont pas été portées en comptabilité et ont été ainsi volontairement soustraites à l'impôt. L'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve d'agissements délibérés des contribuables destinés à égarer le pouvoir de vérification de l'administration. C'est par suite à bon droit que le service leur a appliqué la pénalité pour manoeuvres frauduleuses prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande relative aux impositions et généralités restant au litige.
Sur la demande de M. et Mme B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur d'un montant de 4 338 euros, correspondant à la différence entre les prélèvements sociaux et les majorations correspondantes calculés sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Mme E...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC00085