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09/05/2019 | FRANCE | N°17NC01978

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 17NC01978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

Par un jugement n° 1406424 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2017, et un mémoire complémentaire du 7 février 2018 M.C..., représenté par Me

B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

Par un jugement n° 1406424 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2017, et un mémoire complémentaire du 7 février 2018 M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juin 2017 ;

2°) de prononcer la décharge du rappel d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que les rappels d'imposition en cause ont été effectués par avis d'imposition et non par avis de mise en recouvrement en méconnaissance des dispositions combinées des articles 1658 du code général des impôts et 256 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que l'administration n'a pas admis le caractère déductible de la prestation compensatoire versée à son ex-épouse en application de l'article 156 II 2° du code général des impôts ; en l'espèce, le délai de douze mois prévu par ces dispositions a commencé à courir à compter de la date à laquelle le jugement de divorce initial est passé en force de chose jugée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017 et un mémoire complémentaire du 27 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par Me B...a été enregistré le 15 mars 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a, dans sa déclaration de revenus faite au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2012, entendu déduire de son revenu global une somme de 150 000 euros versée à son ancienne épouse, à titre de prestation compensatoire, en application des dispositions de l'article 156 II 2° du code général des impôts. Par une proposition de rectification du 18 octobre 2013, établie selon la procédure contradictoire, l'administration a remis en cause cette déduction au motif que le versement de la prestation était intervenu moins de douze mois après la date à laquelle l'arrêt par lequel la cour d'appel de Colmar a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse réglant les conséquences financières du divorce était devenu définitif. Le service a estimé que le versement de ladite prestation pouvait, par suite, ouvrir droit non à cette déduction mais uniquement à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 octodecies du code général des impôts. Par la présente requête, M. C...relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 applicable à partir du 1er janvier 2011 : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement". L'article 1659 A du même code dispose que : " Les rôles primitifs des impôts directs locaux ainsi que des taxes directes perçues au profit de certains établissements publics et organismes divers peuvent être mis en recouvrement dans le même délai que les rôles supplémentaires ". L'article L. 253 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code. L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ". L'article L. 256 du même code dispose que : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Son article R. 256-1 prévoit que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ". Enfin, l'article R. 61 A-1 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé : (...) Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement.".

3. Il résulte de l'instruction que le rappel d'imposition consécutif à la procédure de rectification contradictoire litigieuse a fait l'objet d'un avis d'imposition au rôle n°921 A établi le 6 juin 2014. M. C...soutient qu'en application des dispositions précitées de l'article 1658 du code général des impôts, l'imposition supplémentaire qui lui a été réclamée aurait dû lui être notifiée par un avis de mise en recouvrement conforme aux prescriptions prévues aux articles L. 256 et R. 256-1 du livre des procédures fiscales.

4. Si les travaux préparatoires relatifs à l'adoption de l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 2010 dont est issue la modification de l'article 1658 révèlent une volonté, pour des raisons d'efficacité, d'harmonisation des procédures en matière de recouvrement des impositions à la suite de la fusion entre la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des impôts dans le sens d'un recours accru à l'avis de mise en recouvrement pour l'ensemble des impositions supplémentaires recouvrées par la nouvelle direction générale des finances publiques, il ne résulte cependant pas de la lettre de l'article 1658 du code général des impôts, qui est claire, et dont les termes doivent être combinés avec les autres dispositions citées au point 2, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, l'obligation d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait impérativement dû se voir notifier un avis de mise en recouvrement et qu'à défaut il a été privé d'une garantie substantielle.

5. Au surplus, l'avis d'imposition litigieux mentionne le montant supplémentaire en droits et pénalités assigné au titre de l'année 2012, tel qu'indiqué dans la proposition de rectification du 18 octobre 2013, et confirmé par la réponse aux observations du contribuable datée de moins de trois mois à la date de l'avis d'imposition. Il ne saurait être sérieusement soutenu que faute pour l'avis d'imposition de faire expressément référence à la proposition de rectification, le contribuable n'aurait pas été en mesure de contester utilement les rehaussements litigieux, ce qu'il a d'ailleurs fait.

6. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

7. Le régime fiscal de la prestation compensatoire versée en application des dispositions des articles 274, 275, 276 et 278 du code civil est fixé, pour le débiteur de la prestation, par les articles 156 et 199 octodecies du code général des impôts. Aux termes des dispositions de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après (...) 2° (...) versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 du code civil lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée et les rentes versées en application des articles 276, 278 ou 279-1 du même code en cas (...) de divorce (...) ". L'article 199 octodecies du même code, dans sa rédaction applicable à l'année en litige, dispose que : " I. Les versements de sommes d'argent et l'attribution de biens ou de droits effectués en exécution de la prestation compensatoire dans les conditions et selon les modalités définies aux articles 274 et 275 du code civil sur une période, conformément à la convention de divorce homologuée par le juge ou au jugement de divorce, au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu lorsqu'ils proviennent de personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B. / La réduction d'impôt est égale à 25 % du montant des versements effectués, des biens ou des droits attribués, retenu pour la valeur fixée dans la convention de divorce homologuée par le juge ou par le jugement de divorce, et dans la limite d'un plafond égal à 30 500 euros apprécié par rapport à la période mentionnée au premier alinéa ".

8. Il résulte de ces dispositions que les versements de sommes d'argent et l'attribution de biens ou de droits effectués en exécution de la prestation compensatoire en application des articles 274, 275 et 278 du code civil, sur une période au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, ouvrent droit, pour le débiteur, à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 octodecies du code général des impôts sous la réserve, prévue au II de ce même article, de l'absence du versement, en plus de ce capital, d'une partie de la prestation compensatoire sous forme de rente. Par ailleurs, sont déductibles des revenus du débiteur, sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, les versements de sommes d'argent effectués en application des articles 274, 275 et 278 du code civil sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée ainsi que, le cas échéant, les rentes versées en application des articles 276 et 278 du même code.

9. Le tribunal de grande instance de Mulhouse, par jugement du 2 juillet 2004, dont il n'a pas été fait appel et qui est passé en force de chose jugée le 28 août 2004, a prononcé le divorce de M.C.... Par un second jugement du 4 avril 2006, dont il a été relevé appel, la même juridiction a déterminé le montant de la prestation compensatoire. Par un arrêt du 21 mai 2012, la Cour d'appel de Colmar a confirmé le jugement du 4 avril 2006 et aucun pourvoi en cassation n'a été formé à l'encontre de cet arrêt dans le délai de deux mois à compter de sa notification. Le jugement du 4 avril 2006 est donc devenu définitif à l'expiration du délai de pourvoi contre la décision d'appel, soit le 7 août 2012. M. C...soutient qu'en l'espèce, le point de départ du délai de douze mois à compter duquel le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, prévu par les dispositions précitées de l'article 156 II 2) du code général des impôts donnant droit à la déduction des revenus du montant versé, s'apprécie à la date à laquelle le jugement de divorce initial est devenu définitif, soit le 28 août 2004.

10. Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile : " Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ". L'article 500 du même code dispose que : " A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ".

11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le premier jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 2 juillet 2004 n'a statué que sur le principe du divorce et ne s'est pas prononcé sur ses conséquences financières, à savoir le montant et le versement de la prestation compensatoire due à l'épouse de M.C.... C'est le second jugement du 4 avril 2006, devenu, ainsi qu'il a été dit au point 9 précédent, définitif à l'expiration du délai de pourvoi contre la décision d'appel soit le 7 août 2012, qui statue sur le principe de cette compensation et qui est, par suite, seul doté de l'autorité de force jugée sur ce point. C'est donc cette dernière date qui constitue le point de départ du délai de douze mois susmentionné. Or, il est constant que la prestation compensatoire a été versée dès le 16 juillet 2012, avant même la date marquant le point de départ de ce délai. Dans ces conditions, M. C...doit nécessairement être regardé comme ayant effectué ce versement sur une période au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle la décision statuant sur les conséquences financières du divorce est passée en force de chose jugée. Ainsi qu'il a été développé ci-dessus, il résulte clairement des dispositions de l'article 156 du code général des impôts que la déduction prévue par le 2° du II de cet article n'est applicable qu'aux versements de sommes d'argent effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée. Il s'ensuit que ce versement n'était pas déductible sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, mais, comme le soutient l'administration, ne pouvait ouvrir droit, en application de l'article 199 octodecies précité du code général des impôts, qu'à la réduction d'impôt égale à 25 % des versements effectués et des biens abandonnés dans la limite d'un plafond égal à 30 500 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la demande de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

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N° 17NC01978


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