La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2019 | FRANCE | N°18NC01906

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 18NC01906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Wolfisheim a prononcé sa révocation, à titre disciplinaire, à compter du 5 mars 2014.

Par un jugement n° 1401576 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 16NC00125 et 16NC00797 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre

ce jugement par le CCAS de Wolfisheim, a enjoint à celui-ci de procéder rétroactivement à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Wolfisheim a prononcé sa révocation, à titre disciplinaire, à compter du 5 mars 2014.

Par un jugement n° 1401576 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 16NC00125 et 16NC00797 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre ce jugement par le CCAS de Wolfisheim, a enjoint à celui-ci de procéder rétroactivement à la réintégration juridique et à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. D...depuis le 5 mars 2014, ainsi qu'à la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi de directeur de la maison de retraite, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et a mis à la charge de l'administration une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par deux mémoires enregistrés les 22 mars 2018 et 22 juin 2018, M. E... D..., représenté par MeA..., demande à la présidente de la cour de prendre les mesures que nécessite l'exécution de l'arrêt du 15 juin 2017, de procéder à la liquidation de l'astreinte et de mettre les dépens à la charge du CCAS de Wolfisheim, ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2018, le CCAS de Wolfisheim, représenté par Me C..., fait valoir que l'administration a procédé aux mesures exigées par l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 15 juin 2017.

Par une ordonnance du 5 juillet 2018, la présidente de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de M. D... tendant à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 16NC00125 du 15 juin 2017.

Par deux mémoires enregistrés les 9 août 2018 et 18 décembre 2018, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre au CCAS de Wolfisheim de justifier du respect des mesures d'injonction décidées par la présente cour, notamment en ce qui concerne la reconstitution de ses droits sociaux ;

2°) d'enjoindre à l'administration de lui assurer le bénéfice d'une mutuelle identique à celle dont il profitait avant sa révocation et de lui verser les traitements et primes qui lui sont dus à compter du mois de septembre 2017 ;

3°) de prononcer provisoirement la liquidation de l'astreinte en condamnant le CCAS de Wolfisheim à lui verser la somme de 45 800 euros ;

4°) de mettre les dépens à la charge du CCAS de Wolfisheim, ainsi qu'un somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que :

- le CCAS de Wolfisheim n'a procédé ni à la reconstitution de sa carrière depuis le 5 mars 2014, ni à sa réintégration effective ;

- l'administration n'a pas respecté le délai de trois mois prévu par l'arrêt de la cour du 15 juin 2017 pour son exécution ;

- les traitements lui sont versés sur la base d'un temps partiel et non d'un temps plein ;

- les bulletins de paie ne lui sont pas adressés ;

- l'administration ne justifie pas de la reconstitution de ses droits sociaux ;

- elle n'a pas procédé à sa réintégration effective.

Par deux mémoires enregistrés le 8 novembre 2018 et le 20 mars 2019, le CCAS de Wolfisheim, représenté par Me C..., conclut au rejet de la demande d'exécution et à ce que les dépens soient mis à la charge de M.D..., ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CCAS de Wolfisheim fait valoir que :

- la réintégration effective de M. D...est subordonnée à un avis favorable du comité médical ;

- l'intéressé ne s'est pas présenté aux opérations d'expertise médicale ;

- il a été procédé à la reconstitution des droits sociaux de M. D...à l'égard de la CNRACL de la RAFP et de l'URSSAF ;

- il appartient à l'agent de formuler une demande d'inscription à un organisme mutualiste ;

- M. D...exerçait ses fonctions à temps partiel à la date de son éviction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2016-1798 du 20 décembre 2016 ;

- le décret n° 2016-1799 du 20 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le CCAS de Wolfisheim.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., attaché principal territorial, a été nommé le 1er octobre 2008 dans les fonctions de directeur de la maison de retraite du centre communal d'action sociale (CCAS) de Wolfisheim. Par un arrêté du 26 février 2014, le président du CCAS a prononcé sa révocation à titre disciplinaire à compter du 5 mars 2014. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401576 du 26 novembre 2015. Par un arrêt n° 16NC00125 et 16NC00797 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre ce jugement par le CCAS et, saisi d'une demande d'exécution par M.D..., a enjoint à l'administration de procéder rétroactivement à la réintégration juridique et à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de l'intéressé depuis le 5 mars 2014 et de procéder à sa réintégration effective dans son emploi de directeur de la maison de retraite, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard. M.D..., qui estime que le CCAS de Wolfisheim n'a pas pris l'ensemble des mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt du 15 juin 2017, demande à la cour de pourvoir à cette exécution et de liquider l'astreinte prévue par cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu le jugement d'en assurer l'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".

Sur l'exécution de l'arrêt n° 16NC00125 et 16NC00797 :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la date de son éviction, le 5 mars 2014, M. D... était classé au 10ème et dernier échelon du grade d'attaché principal territorial, pourvu d'un indice brut 966, avec une ancienneté conservée au 20 mai 2011. En application de l'article 1er du décret n° 2016-1799 du 20 décembre 2016 modifiant le décret n° 87-1100 du 30 décembre 1987 portant échelonnement indiciaire applicable aux attachés territoriaux, le grade d'attaché principal a été réduit à neuf échelons, le 9ème et dernier échelon étant pourvu d'un indice brut 979 à compter du 1er janvier 2017. Conformément à l'article 27 du décret n° 2016-1798 du 20 décembre 2016 modifiant le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux, les attachés principaux précédemment classés au 10ème échelon de leur grade sont reclassés, à la date du 1er janvier 2017, au 9ème échelon du nouvel échelonnement indiciaire prévu par le décret n° 2016-1799, avec une ancienneté acquise.

4. Pour assurer l'exécution de l'arrêt du 15 juin 2017 dont il a reçu notification le 19 juin 2017, le CCAS de Wolfisheim a pris, le 15 septembre 2017, un arrêté se référant au classement dont bénéficiait M. D...à la date de son éviction, tel qu'il résultait d'un arrêté du 9 mai 2011, et procédant à son reclassement au 9ème échelon du grade d'attaché principal territorial, avec une ancienneté conservée de cinq ans, sept mois et onze jours, conformément aux dispositions des décrets n° 2016-1798 et n° 2016-1799. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. D..., le CCAS a procédé à la reconstitution de sa situation administrative.

5. En deuxième lieu, le CCAS de Wolfisheim produit à l'instance trois mandats de paiement établis les 1er août 2018 et 6 novembre 2018, pour des montants de 55 125 euros, 28 044,60 euros et 10 366 euros, en vue de régulariser la situation de M. D...de 2014 à 2017 à l'égard de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et du régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP). Si M. D...met en doute les calculs auxquels a procédé l'administration pour déterminer les sommes versées aux organismes précités, il n'apporte sur ce point aucun élément permettant de démontrer que les montants versés ne suffiraient pas à une régularisation de sa situation au titre de la période d'éviction. Il n'appartient pas au CCAS de justifier d'une ré-affiliation de l'intéressé à un organisme mutualiste, alors que l'adhésion à un tel organisme ne présente pas de caractère obligatoire pour les agents des collectivités territoriales. Par suite, le CCAS de Wolfisheim doit être regardé comme ayant pris les mesures nécessaires à la reconstitution des droits sociaux de M.D....

6. En troisième lieu, lorsqu'une décision de justice enjoint à l'administration de réintégrer un agent illégalement évincé sur l'emploi même qu'il occupait antérieurement et que l'autorité compétente prend une décision en ce sens, le juge de l'astreinte ne peut conclure à la non-exécution de l'injonction que s'il constate que la décision ordonnant sa réintégration n'a manifestement pas été suivie d'effets. En dehors de ce cas, la contestation par l'intéressé des modalités de sa réintégration et par là même du caractère effectif de sa réintégration constitue un litige distinct dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître.

7. Il résulte de l'instruction que le CCAS de Wolfisheim a pris l'arrêté précité du 15 septembre 2017 afin d'assurer la réintégration juridique de M. D...et lui verse ses traitements depuis le mois d'octobre 2017. Si M. D...reproche à l'administration de n'avoir pris aucune mesure permettant son retour effectif dans son emploi de directeur de la maison de retraite qu'il occupait avant son éviction, il n'est pas contesté que l'intéressé, qui était en congé de longue maladie à la date de cette éviction, a demandé à bénéficier d'un tel congé par un courrier du 3 mai 2018. Saisie de cette demande, l'administration a diligenté les 31 juillet, 21 septembre et 22 octobre 2018 les mesures d'expertise destinées à éclairer le comité médical chargé de se prononcer sur sa situation. M.D..., qui reconnaît avoir " sollicité en mai 2018 un arrêt de longue maladie au regard de sa situation médicale réelle ", ne conteste pas sérieusement que son état de santé fait obstacle à une réintégration effective dans son emploi de directeur. A cet égard, le comité médical s'est prononcé le 25 janvier 2019 en faveur d'un congé de longue maladie à compter du 25 avril 2018, que l'administration a accordé au requérant par un arrêté du 1er février 2019. Dans ces conditions, le CCAS de Wolfisheim a pris à l'égard de M.D..., au moins depuis juillet 2018, des mesures visant à la gestion de sa situation administrative et à sa réintégration au sein du service, quand bien même ces mesures ne se sont pas concrétisées par un retour immédiat dans les fonctions précédemment occupées compte tenu de l'état de santé de l'intéressé. Par ailleurs, si M. D... conteste encore les conditions dans lesquelles il a été réintégré, notamment son niveau de rémunération, son placement à temps partiel conformément à sa situation antérieure et le non versement de primes, cette contestation constitue un litige distinct.

Sur la liquidation de l'astreinte :

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration a procédé le 6 novembre 2018 seulement à l'exécution complète de l'arrêt du 15 juin 2017, qui lui a été notifié le 19 juin suivant. Les dernières mesures rendues nécessaires par l'exécution de cet arrêt ont été prises par l'administration après que M. D...a saisi la cour d'une demande visant à la liquidation de l'astreinte le 22 mars 2018. Il y a donc lieu de procéder à la liquidation définitive de l'astreinte pour la période courant du 20 septembre 2017, date de fin du délai imparti pour exécuter les mesures ordonnées par la cour, au 6 novembre 2018. Toutefois, il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, de modérer le montant de cette astreinte et de fixer le montant de la somme due à ce titre par le CCAS à M. D...à 5 000 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le CCAS de Wolfisheim demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Wolfisheim une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le CCAS de Wolfisheim est condamné à verser une somme de 5 000 euros à M. D....

Article 2 : Le CCAS de Wolfisheim versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. D...sont rejetées pour le surplus, ainsi que les conclusions du CCAS de Wolfisheim présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...et au centre communal d'action sociale de Wolfisheim.

2

N° 18NC01906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01906
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07-01-04 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Astreinte. Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS KIHN-DIHARTCE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-23;18nc01906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award