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15/06/2017 | FRANCE | N°16NC00125

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16NC00125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté en date du 26 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Wolfisheim a prononcé sa révocation, à titre disciplinaire, à compter du 5 mars 2014.

Par un jugement n° 1401576 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 janvier 2016 sous le n° 16NC00125, le centre communa

l d'action sociale de Wolfisheim, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté en date du 26 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Wolfisheim a prononcé sa révocation, à titre disciplinaire, à compter du 5 mars 2014.

Par un jugement n° 1401576 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 janvier 2016 sous le n° 16NC00125, le centre communal d'action sociale de Wolfisheim, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que l'administration n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour produire ses observations sur le moyen relevé d'office le 5 novembre 2015, avant l'audience du 10 novembre suivant ;

- les manquements reprochés à M. D...sont établis ;

- ils revêtent un caractère fautif de nature à justifier une sanction de révocation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2016, M. E... D..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Wolfisheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appelant a bénéficié d'un délai suffisant pour présenter ses observations sur le moyen relevé d'office par les premiers juges ;

- la majorité des faits reprochés n'est pas établie ;

- les retards constatés dans la remise de documents administratifs, à les supposer fautifs, ne justifient pas une sanction ;

- la sanction présente un caractère disproportionné au regard de la gravité des faits pris en compte par l'administration et de sa situation de santé ;

- il a été sanctionné en raison de sa situation médicale.

II. Par un courrier enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 14 mars 2016, M. E...D..., représenté par MeA..., a demandé à la présidente de la cour d'assurer l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2015 en enjoignant au centre communal d'action sociale de Wolfisheim de procéder à sa réintégration, à la reconstitution de sa carrière et au versement de ses traitements, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de cet établissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un courrier enregistré le 2 mai 2016, le centre communal d'action sociale de Wolfisheim, représenté par MeB..., fait valoir que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2015 n'appelle aucune mesure d'exécution.

Par une ordonnance en date du 4 mai 2016, le premier vice-président de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, enregistrée sous le n° 16NC00797 en vue de statuer sur la demande de M. D... tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2015.

Par deux mémoires enregistrés respectivement le 23 mai 2016 et le 6 octobre 2016, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Wolfisheim de procéder, dans un délai de trente jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à sa réintégration dans son poste de directeur de la maison de retraite " Au fil de l'eau ", de reconstituer sa carrière et de lui verser les traitements qui lui sont dus ;

2°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Wolfisheim une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que les circonstances invoquées par l'administration ne sauraient avoir pour effet de la dispenser d'exécuter le jugement du 26 novembre 2015.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2016, le centre communal d'action sociale de Wolfisheim, représenté par MeB..., conclut au rejet de la demande d'exécution et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre communal d'action sociale fait valoir que :

- les conclusions tendant au versement des traitements sont irrecevables ;

- l'exécution de l'avis du 9 juillet 2014, par lequel le conseil de discipline de recours, saisi de la sanction de révocation, s'est prononcé pour une sanction d'exclusion temporaire de fonctions, a été suspendu par une ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2014 ;

- la réintégration de M. D...est contraire à l'intérêt du service ;

- ce dernier bénéficie d'une allocation de retour à l'emploi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeB..., pour le centre communal d'action sociale de Wolfisheim, et de Me A...pour M.D....

1. Considérant que M.D..., attaché principal, a été nommé le 1er octobre 2008 dans les fonctions de directeur de la maison de retraite du centre communal d'action sociale (CCAS) de Wolfisheim ; que, par un arrêté du 26 février 2014, le président du CCAS a prononcé la révocation de l'intéressé, à titre disciplinaire, à compter du 5 mars 2014 ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le CCAS relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et M. D...demande à la cour d'assurer l'exécution de ce même jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ; que ces dispositions impliquent que, pour permettre aux parties de présenter utilement leurs observations, un délai suffisant doit leur être laissé ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que, par lettre du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 précité, que sa décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office et a donné aux parties un délai de cinq jours pour présenter d'éventuelles observations, avant l'audience prévue le 10 novembre 2015 ; que les parties ont, dans les circonstances de l'espèce, disposé d'un délai suffisant pour leur permettre de faire valoir leurs observations sur ce moyen ; qu'ainsi, le CCAS de Wolfisheim n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

5. Considérant que le CCAS de Wolfisheim a prononcé la révocation de M. D...en raison de manquements et de retards dans l'exécution de ses missions administratives et budgétaires, de défaillances dans ses fonctions de direction, d'encadrement et de coordination au sein de l'établissement et dans les relations de celui-ci avec les familles des résidents, et d'un temps de présence insuffisant au sein du service imputable tant à son manque d'assiduité qu'aux conditions dans lesquelles l'intéressé gère son temps de travail ;

6. Considérant qu'il ressort du rapport de l'inspection conduite par l'agence régionale de santé d'Alsace les 4 et 5 octobre 2012 que M.D..., qui a été autorisé à exercer ses fonctions dans le cadre d'un temps partiel de 80 %, organise son temps de travail en effectuant des semaines de travail complètes et en récupérant sous forme de congés supplémentaires le temps travaillé chaque semaine au-delà de ce qu'exige en principe son temps partiel ; que si une telle gestion du temps de travail occasionne de longues absences de M.D..., à l'origine de dysfonctionnements au sein du service, il ressort des pièces des dossiers que cette organisation a reçu l'assentiment du président du CCAS de Wolfisheim le 23 avril 2008 avant que l'intéressé ne prenne ses fonctions de directeur ; que par ailleurs, le CCAS ne produit à l'instance que des tableaux de congés revêtus de la signature de l'autorité hiérarchique et ne justifie pas que l'intimé aurait pris ses congés sans autorisation, notamment au cours de périodes d'augmentation de la charge de travail ; que dans ces conditions, le motif tiré de ce que M. D...assure la gestion de son temps de travail, et notamment de ses congés, dans des conditions inadaptées au regard des contraintes du service ne présente pas de caractère fautif ;

7. Considérant en revanche qu'il ressort des pièces des dossiers, et notamment du rapport d'inspection précité, que des manquements sont imputables à M. D...dans la confection et la mise à jour de documents imposés par la réglementation, tels le registre légal des résidents, le projet d'établissement, le règlement de fonctionnement de la maison de retraite, le plan de formation des agents ou le projet d'animation ; que selon les conclusions du rapport précité, corroboré sur ce point par plusieurs courriers produits à l'instance, l'intéressé procède de façon récurrente à la transmission tardive des documents budgétaires nécessaires aux services de l'agence régionale de santé et du département du Bas-Rhin ; que les inspecteurs de l'agence régionale de santé ont relevé les défaillances de M. D... dans l'exercice de ses fonctions de direction et d'encadrement, imputables en partie à son manque d'assiduité lorsqu'il est présent dans le service ; qu'il ressort encore des pièces des dossiers que l'intimé est à l'origine de négligences dans la gestion budgétaire de la maison de retraite et, notamment, a engagé des dépenses pour le compte de l'administration sans bénéficier d'aucune délégation ; que ces faits présentent un caractère fautif et sont de nature à justifier une sanction ;

8. Considérant toutefois qu'il n'est pas contesté que M.D..., qui a été nommé attaché d'administration le 1er février 1984, n'a jamais été sanctionné avant le 26 février 2014 ; qu'il n'est pas établi que les faits reprochés à l'intéressé, dont les supérieurs hiérarchiques ne pouvaient ignorer l'existence, auraient fait l'objet d'observations de la part de ces derniers avant l'inspection conduite par l'agence régionale de santé, et notamment de la part de la vice-présidente du CCAS, sous l'autorité de laquelle il était directement placé ; que dans ces conditions, en retenant la sanction de révocation, laquelle appartient au quatrième groupe, l'autorité disciplinaire a, dans les circonstances de l'espèce, pris une sanction disproportionnée à l'encontre de M. D... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de Wolfisheim n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 26 février 2014 prononçant la révocation de M. D...;

Sur l'exécution du jugement attaqué :

10. Considérant que l'annulation d'une décision ayant irrégulièrement évincé un agent public impose à l'autorité compétente de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé à la date de cette décision, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière et, à défaut d'une nouvelle décision d'éviction, de prononcer sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction si cet emploi présente un caractère unique ou, à défaut d'un tel caractère, dans un emploi correspondant à son grade ;

11. Considérant que par un avis rendu le 9 juillet 2014, le conseil de discipline de recours, saisi par M. D...de la sanction de révocation litigieuse, s'est prononcé pour qu'une sanction moins élevée soit prononcée à son encontre ; que si le CCAS de Wolfisheim fait valoir que l'exécution de cet avis a été suspendue par une ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2014, ni cette circonstance, ni celles que la réintégration de M. D...serait contraire à l'intérêt du service ou que ce dernier bénéficierait d'une allocation de retour à l'emploi ne peuvent faire obstacle à l'exécution du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ladite sanction de révocation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du juge administratif prononçant l'annulation de cette sanction de révocation implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au CCAS de Wolfisheim de procéder, de façon rétroactive, à la réintégration juridique et à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux dont M. D...aurait bénéficié s'il n'avait pas été illégalement évincé, depuis la date de son éviction illégale le 5 mars 2014, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en outre, dans la mesure où l'emploi de directeur de la maison de retraite du CCAS que M. D...occupait avant son éviction présente un caractère unique, il y a également lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à la réintégration effective de l'intéressé dans cet emploi, dans le même délai ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'assortir ces mesures d'injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ; qu'en revanche, et en l'absence de service fait, M. D...ne saurait obtenir le versement de ses traitements entre la date de son éviction et celle à laquelle interviendra sa réintégration effective ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le CCAS de Wolfisheim demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du CCAS de Wolfisheim le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par le CCAS de Wolfisheim dans l'instance n° 16NC00125 et les conclusions présentées par le CCAS, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'instance n° 16NC00797, sont rejetées.

Article 2 : Il est enjoint au CCAS de Wolfisheim de procéder rétroactivement à la réintégration juridique et à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. D...depuis le 5 mars 2014 et de procéder à la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi de directeur de la maison de retraite, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Article 3 : Le CCAS de Wolfisheim versera à M. D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Wolfisheim et à M. E... D....

2

N° 16NC00125, 16NC00797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00125
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-06-15;16nc00125 ?
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