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07/02/2019 | FRANCE | N°18NC00449-18NC00466-18NC00475

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2019, 18NC00449-18NC00466-18NC00475


Vu la procédure suivante :

I - Sous le n° 18NC00449, par une requête enregistrée le 21 février 2018, la société Immochan France, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI Comgaly VS l'autorisation préalable requise en vue d'étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial Cora situé à Villers-Semeuse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI Comgaly VS une somme de 5 000 euros à lui

verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient q...

Vu la procédure suivante :

I - Sous le n° 18NC00449, par une requête enregistrée le 21 février 2018, la société Immochan France, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI Comgaly VS l'autorisation préalable requise en vue d'étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial Cora situé à Villers-Semeuse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SCI Comgaly VS une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de demande n'est pas complet ;

- par suite, l'avis émis par le ministre de l'urbanisme, qui n'a pas eu communication du dossier d'actualisation, n'a pas été régulièrement émis ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation sur les cinq motifs retenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- le quorum était respecté ;

- elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, la SCI Comgaly VS, représentée par MeD..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Immochan France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le magasin exploité par la société requérante est situé hors de la zone de chalandise ;

- elle est également irrecevable comme étant dirigée contre un acte ne faisant pas grief ;

- subsidiairement, le dossier de demande est complet ;

- la consultation des ministres était régulière ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Un mémoire a été produit par la société Immochan France le 3 janvier 2019 après la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.

II - Sous le n° 18NC00466, par une requête et des mémoires enregistrés le 22 février 2018, le 15 octobre 2018 et le 2 janvier 2019, la société Carmila France, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI Comgaly VS l'autorisation préalable requise en vue d'étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial Cora situé à Villers-Semeuse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ont pas été régulièrement convoqués et n'ont pas reçu l'ensemble des documents prévus par l'article R. 752-35 du code de commerce dans un délai raisonnable ;

- l'autorisation méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- la société Comgaly VS n'a pas démontré que le terrain d'assiette du projet était situé dans un secteur rendu constructible avant la loi du 4 juillet 2003, ainsi que le prévoit l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme pour les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 13 avril et 18 octobre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le quorum était respecté ;

- elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, la SCI Comgaly VS, représentée par MeD..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Carmila France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme dirigée contre un acte ne faisant pas grief ;

- subsidiairement, la procédure devant la Commission nationale d'aménagement commercial était régulière ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

III - Sous le n° 18NC00475, par une requête et un mémoire enregistrés le 23 février et le 26 novembre 2018, la commune de Charleville-Mézières, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI Comgaly VS l'autorisation préalable requise en vue d'étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial Cora situé à Villers-Semeuse ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Comgaly VS une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le quorum prévu par l'article R. 752-37 du code de commerce a été atteint lors de la réunion de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- l'autorisation méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés le 4 avril 2018, le 13 avril 2018 et le 25 juin 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut :

- au rejet de la requête ;

- au rejet de l'intervention volontaire de l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit qu'elle a pris une décision dès lors qu'elle était à nouveau saisie de la demande de la société Comgaly VS après l'annulation prononcée par la cour administrative d'appel ;

- la condition de quorum était atteinte ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 octobre et 27 novembre 2018, la SCI Comgaly VS, représentée par MeD..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 6 000 euros soit solidairement mise à la charge de la commune de Charleville-Mézières et de l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête et par voie de conséquence l'intervention de l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, est irrecevable comme dirigée contre un acte ne faisant pas grief ;

- subsidiairement, la procédure devant la Commission nationale d'aménagement commercial était régulière ;

- aucun permis de construire n'avait à être demandé ;

- le dossier de demande était complet ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 25 mai 2018, le 16 juillet 2018, et les 13 novembre 2018, l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, représentée par Me A..., conclut :

- à ce que la cour constate la recevabilité de son intervention volontaire ;

- à l'annulation de la décision du 21 décembre 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SCI Comgaly VS à étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial Cora situé à Villers-Semeuse ;

- à ce que soit mise à la charge de la SCI Comgaly VS une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision méconnaît la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 imposant le dépôt d'un permis de construire ;

- la demande d'autorisation était incomplète ;

- l'autorisation méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la SCI Comgaly VS, celles de MeF..., pour la commune de Charleville-Mézières ainsi que celles de Me A...pour l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières.

Une note en délibéré présentée par la commune de Charleville-Mézières a été enregistrée le 22 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par la décision attaquée du 21 décembre 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI Comgaly VS l'autorisation préalable requise en vue d'étendre de 3 900 m² la surface de la galerie marchande d'un ensemble commercial à l'enseigne Cora situé à Villers-Semeuse.

2. Les requêtes n° 18NC00449, 18NC00466 et 18NC00475 sont dirigées contre une même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention de l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières :

3. L'association, qui représente les intérêts des commerçants de Charleville-Mézières, a intérêt à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la SCI Comgaly VS :

En ce qui concerne la requête n° 18NC00449 présentée par la société Immochan France :

4. Tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

5. Aux termes du I de l'article R. 752-8 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, ultérieurement reprise à l'article R. 752-3 du même code : " (...) la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale correspond à l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ainsi que de la localisation des magasins exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné ".

6. Il est constant que le commerce exploité par la société Immochan France se situe à Hirson, hors de la zone de chalandise délimitée par la société Comgaly VS dans sa demande et retenue par la Commission nationale d'aménagement commercial. En faisant seulement état d'une étude de 2005, effectuée par la chambre de commerce et d'industrie dans le cadre de l'élaboration du SCOT de Charleville-Mézières, qui au surplus n'était plus en vigueur à la date de la décision attaquée, la société Immochan France, qui n'apporte pas d'autres précisions à l'appui de ses conclusions, ne démontre pas que le projet contesté est de nature à exercer une attraction sur sa clientèle et que Hirson aurait dû faire partie de la zone de chalandise, ni que le projet serait susceptible, en raison du chevauchement des zones de chalandise, d'avoir une incidence significative sur son activité. Par suite, la société Immochan France n'a pas intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée de la Commission nationale d'aménagement commercial. Sa requête doit, dès lors, être rejetée.

En ce qui concerne les requêtes n° 18NC00466 et 18NC00475 :

7. La décision attaquée a été prise après l'annulation par la cour administrative d'appel de Nancy de deux décisions par lesquelles la Commission nationale d'aménagement commercial avait opposé un refus à la société Comgaly VS pour le même projet.

8. La société Comgaly VS soutient qu'après l'annulation de ses précédentes décisions par la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait statuer que dans le cadre de la nouvelle procédure instaurée par la loi du 14 juin 2014 entrée en vigueur le 15 février 2015 et que sa décision doit être regardée comme un avis, insusceptible de recours contentieux direct, sollicité dans le cadre d'une demande de permis de construire.

9. Toutefois, l'annulation contentieuse d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial a en principe pour effet de la saisir à nouveau de la demande d'autorisation initialement formée et non du recours dirigé contre la décision de la commission départementale.

10. En l'espèce, aucun texte ne s'oppose à ce que la dernière annulation prononcée par la cour ait eu pour effet de ressaisir la Commission nationale d'aménagement commercial de la demande initiale de la société Comgaly VS. En effet, ni la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ni les articles 4 et 6 du décret d'application n° 2015-165 du 12 février 2015 portant respectivement mesures transitoires et fixant la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 juin précédent, ni l'article 36 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, relative à la portée des autorisations d'exploitation en cours de validité dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015, ne comportent de dispositions applicables aux décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial prises après annulation contentieuse. De même, l'article 36 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, qui prévoit que l'autorisation d'exploitation en cours de validité dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions, ne peut être utilement invoqué, la décision contestée de la Commission nationale d'aménagement commercial, postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, n'étant pas une autorisation en cours de validité à cette date.

11. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas examiné une nouvelle demande de la société Comgaly VS mais a seulement statué à nouveau sur la demande présentée le 26 novembre 2014, au vu de l'ensemble des règles applicables à la date à laquelle elle s'est prononcée. Elle a alors pris une décision que la société Carmila France et la ville de Charleville-Mézières sont recevables à attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

12. En premier lieu, comme il est dit ci-dessus, en raison de l'annulation prononcée par la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial était de nouveau saisie de plein droit de la demande présentée par la société Comgaly VS le 26 novembre 2014, avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014. Par suite, le moyen tiré par la ville de Charleville-Mézières et l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières de ce que, en application de cette loi, la société Comgaly VS était tenue de présenter une demande de permis de construire et que la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait se prononcer que sur saisine de l'autorité chargée d'examiner cette demande de permis de construire, ne peut être accueilli.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

14. Si la ville de Charleville-Mézières soutient que ces dispositions n'ont pas été respectées, il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 6 décembre 2017 pour la réunion du 21 décembre suivant et que les documents prévus par l'article R. 752-35 étaient disponibles au moins 5 jours avant la réunion sur la plateforme de téléchargement de la commission. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article ne peut être accueilli.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-37 du code de commerce, " la commission nationale ne peut délibérer que si au moins six de ses membres sont présents ". Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise par 10 membres présents. Par suite, le moyen tiré de ce que le quorum prévu par l'article R. 752-37 du code de commerce n'était pas respecté, doit être écarté.

16. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, le dossier de demande présenté par la SCI Comgaly VS était complet.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

17. A la suite de l'annulation contentieuse d'une précédente décision, l'administration doit se prononcer sur la base de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

18. D'une part, aux termes de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable : (...) 4° A l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après la date du 4 juillet 2003, il ne peut être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) ".

19. La société Carmila France soutient que la société Comgaly VS n'a pas établi que le terrain d'assiette du projet était situé dans un secteur rendu constructible avant le 4 juillet 2003 en mentionnant uniquement dans sa demande d'autorisation qu'un ensemble commercial y était édifié depuis 1970. Toutefois, en se bornant à cette argumentation alors que la société pétitionnaire avait indiqué que ce terrain était ouvert à l'urbanisation avant juillet 2003 et était situé en zone Uy du plan local d'urbanisme, la société Carmila France n'assortit pas ce moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme, de précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien fondé.

20. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ".

21. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie applicable au litige : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

22. Selon les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux petites entreprises, la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. A titre accessoire, elle peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. Lorsqu'elle est saisie, la Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 qui se substitue à celui de la commission départementale.

23. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code.

En ce qui concerne le critère de l'aménagement du territoire :

24. Aux termes du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce : " la commission prend en considération : (...) / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ".

S'agissant de la consommation économe de l'espace :

25. Il ressort des pièces du dossier que le projet conduira à la création de 110 places de stationnement supplémentaires, chiffre qui a été réduit par rapport au projet initial afin de réduire l'imperméabilisation du terrain et qui a conduit la direction départementale des territoires à lever les réserves qu'elle avait exprimées dans son avis de 2015. L'extension du parking, qui passe de 1 267 places à 1 377, se fera en bordure de propriété sans modification des limites du terrain d'assiette du centre commercial. Par suite, le projet ne contrevient pas à l'objectif de consommation économe de l'espace.

S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine :

26. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères d'appréciation prévus par la loi. Le moyen tiré de l'évolution de la démographie de l'ensemble de la zone concernée par le projet est donc inopérant et doit être écarté.

27. Il ressort de l'instruction que le projet en litige, qui a reçu l'avis favorable des deux ministres consultés, est relatif à un ensemble commercial existant ouvert en mars 1970 dans la zone commerciale des Aveylles qui totalise plus de 32 000 m² de surface de vente. Le projet permettra la modernisation de la galerie marchande du centre commercial pour la rendre plus attractive et pourra contribuer à maintenir sur place la clientèle en lui offrant une offre complémentaire par rapport à celle des centres villes notamment de Villers-Semeuse et Charleville-Mézières, qui ne comportent pas de nouveaux locaux pouvant intéresser les enseignes susceptibles d'occuper une telle galerie. Dans ces conditions, la circonstance que Charleville-Mézières comporte des emplacements commerciaux abandonnés, que la communauté d'agglomération Ardenne Métropole bénéficie d'une subvention FISAC pour une opération collective de modernisation en milieu urbain et que la société Comgaly VS n'ait pas donné d'indications sur les enseignes éventuellement intéressées par son projet, ce que les textes n'exigent d'ailleurs pas, est sans influence sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Le projet, qui n'est pas éloigné d'une des rues les plus commerçantes de Villers-Semeuse ne créée pas une zone commerciale nouvelle au détriment des commerces de centre-ville de Villers-Semeuse et de Charleville-Mézières. Par suite, il ne ressort pas de ces circonstances que le projet porte atteinte à l'animation de la vie urbaine et rurale. La commission nationale n'a donc pas fait une appréciation erronée de l'impact du projet au regard de ce critère.

S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement :

28. Contrairement à ce que soutient l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des études précises produites par la société Comgaly VS, à l'appui de sa demande initiale comme du complément fourni en 2017, qui portent sur les flux maximaux prévisibles, que les voies d'accès au projet, larges et bien aménagées, sont saturées, le centre commercial se situant en bordure d'une route départementale. En ajoutant seulement 18 boutiques au centre existant, le projet ne conduira pas à un accroissement important de la circulation, alors, au surplus, que la majorité de la clientèle de la galerie marchande sera celle du centre commercial.

29. La zone commerciale dans laquelle se trouve la galerie marchande est desservie par une ligne de transport en commun qui la relie aux centres villes de Villers-Semeuse et de Charleville-Mézières, de 7 heures à 20 heures, avec une fréquence de passage importante, un arrêt se trouvant au droit du supermarché Cora. Les trottoirs de la RD 764 relient le centre du bourg des Aveylles au centre commercial, qui se trouve à environ 300 mètres des habitations les plus proches et les piétons peuvent accéder à la galerie depuis le centre de Villers-Semeuse. En outre, une allée pour les piétons et les cyclistes, ainsi qu'un parking pour les deux roues seront aménagés sur le parc de stationnement.

30. Par suite, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne l'impact du projet contesté sur les flux de transports et l'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement dits doux.

En ce qui concerne le critère du développement durable :

31. A ce titre, la commission prend en considération, selon l'article L. 752-6 du code de commerce : " a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) ".

32. Contrairement à ce que soutient la société Carmila France, le projet de la société Comgaly VS ne comporte pas des mesures imprécises en ce qui concerne sa qualité environnementale. Il prévoit un système de récupération des eaux de toiture dans une cuve de 10 000 litres dont la société Carmila France n'indique pas en quoi elle serait insuffisante au regard de la taille et des caractéristiques du bâtiment. En outre, sont prévus d'autres aménagements relatifs au chauffage, aux équipements électriques ainsi que l'emploi de matériaux durables et de proximité, l'implantation d'arbres d'essences locales sur le parc de stationnement. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation sur la qualité environnementale du projet.

En ce qui concerne la protection des consommateurs :

33. A ce titre, la commission prend en considération, selon l'article L. 752-6 du code de commerce : " d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. ".

34. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, la société Comgaly VS a pris en considération les risques d'inondation et le plan de prévention du risque d'inondation en faisant réaliser une étude hydraulique afin d'adapter le projet aux nécessités de l'écoulement des eaux en cas de crues en ce qui concerne notamment les matériaux, les installations et la végétation implantée. Le moyen tiré de ce que la zone comporterait un risque tenant à une servitude de stockage de gaz n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour de l'apprécier.

35. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé l'autorisation préalable sollicitée par la société Comgaly VS.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

36. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Comgaly VS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Immochan France, à la commune de Charleville-Mézières et à l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. De même, les conclusions dirigées contre l'Etat par la société Carmila France au titre des mêmes frais ne peuvent être accueillies.

37. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Immochan France, de la société Carmila France chacune une somme de 500 euros à verser à la société Comgaly VS au titre des mêmes frais. Il y a également lieu de mettre solidairement à la charge de la commune de Charleville-Mézières et de l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières, le versement d'une somme de 500 euros à la société Comgaly VS.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 18NC00449, 18NC00466 et 18NC00475 sont rejetées.

Article 2 : La société Immochan France et la société Carmila France verseront chacune une somme de 500 (cinq cents) euros à la société Comgaly VS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la commune de Charleville-Mézières et l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières verseront solidairement une somme de 500 (cinq cents) euros à la société Comgaly VS au titre des mêmes dispositions.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Immochan France, à la société Carmila France, à la commune de Charleville-Mézières, à la société Comgaly VS, à la Commission nationale d'aménagement commercial et l'association Les Vitrines de Charleville-Mézières.

2

N° 18NC00449 - 18NC00466 - 18NC00475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00449-18NC00466-18NC00475
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure - Commission nationale d`aménagement commercial.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : WILHELM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-07;18nc00449.18nc00466.18nc00475 ?
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