Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL Cebati a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1501406 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, l'EURL Cebati, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761 1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la provision de 18 359,43 euros doit être admise en déduction du résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2011 dès lors que la créance revêtait bien un caractère douteux en 2010 ;
- elle répond aux conditions de l'article 44 octies A du code général des impôts pour bénéficier d'un abattement de 105 000 euros au titre de son exercice clos en 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Cebati ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Cebati, qui avait pour activité la réalisation de travaux de construction et de rénovation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 11 juin 2013, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes. L'EURL Cebati relève appel du jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la provision pour créance douteuse :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) 5°) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante. Elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.
3. L'EURL Cebati a constitué, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, une provision pour créance douteuse au nom de son client, la société AWG, pour un montant de 18 359, 43 euros, représentant 20 % de la somme due par ladite société. L'administration a remis en cause cette provision aux motifs, d'une part, que la seule démarche entreprise par la société requérante pour obtenir le recouvrement de sa créance a consisté en l'envoi de courriers de relance, et d'autre part, que ladite société a évalué sans précision la provision en litige sur la base d'un taux forfaitaire de 20 %. Pour justifier du caractère probable du non-recouvrement de sa créance à la clôture de l'exercice, la société requérante se prévaut des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société AWG et du règlement de la créance effectué le 3 janvier 2017.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable du 19 septembre 2013, que l'administration a constaté que les prestations fournies à la société AWG représentaient seulement 12 % du chiffre d'affaires de l'EURL Cebati au titre de son exercice clos au 31 décembre 2010. Ainsi, en se bornant à faire état des relations privilégiées avec la société AWG, sans apporter aucun élément sur l'importance pour elle de ce client, l'EURL Cebati ne justifie pas de son intérêt à poursuivre ses relations commerciales sans tenter de recouvrer la créance qu'elle détenait sur lui. Par ailleurs, l'EURL Cebati s'est bornée à adresser à la société AWG plusieurs courriers de relance ne comprenant au demeurant pas le rappel du montant dû. La société requérante ne justifie ainsi pas avoir entrepris les diligences nécessaires en vue du recouvrement, même amiable, de la créance. Dans ces conditions, l'EURL Cebati n'établit pas le caractère douteux de sa créance. En outre, comme l'a relevé le service, la méthode utilisée par l'EURL Cebati, fondée sur l'application d'un taux forfaitaire de 20 % au montant de la facture due par la société AWG, ne permet pas, avec une approximation suffisante, de déterminer le montant des pertes qu'elle est susceptible de devoir supporter en cas de non recouvrement de sa créance. Par suite, l'EURL Cebati ne justifie pas du bien-fondé de la provision litigieuse.
En ce qui concerne l'abattement relatif à la zone franche urbaine :
5. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt contesté ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
7. Eu égard à la nature de l'activité de l'EURL Cebati consistant en la réalisation de travaux de construction et de rénovation dans le domaine de l'immobilier, la société requérante est une entreprise non sédentaire. Il s'ensuit que la circonstance qu'elle a disposé d'un bureau loué au 4 rue de Châteauroux à Strasbourg, situé en zone franche urbaine, à partir duquel elle soutient avoir exercé son activité, ne saurait à elle seule établir qu'elle est éligible au dispositif d'exonération prévu par l'article 44 octies A du code général des impôts précité.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 11 juin 2013, qu'au cours de la période en litige l'EURL Cebati a disposé également de locaux au 20 rue de Molsheim à Strasbourg, siège social de la société jusqu'au 9 août 2010. L'administration a également relevé que M.B..., salarié déclaré par la société requérante comme exerçant ses fonctions dans le local loué en zone franche urbaine, a effectué des achats pour le compte de la société en se déplaçant en dehors dudit local et a bénéficié de la prise en charge de frais de déplacements au cours de l'exercice clos en 2010. L'absence ainsi constatée de personnel permanent au 4 rue de Châteauroux à Strasbourg n'est pas utilement contredite par la production par la société requérante de photographies de l'extérieur de l'immeuble au sein duquel le bureau loué serait situé et d'un hangar où serait stocké le matériel de la société. Par ailleurs, l'EURL Cebati n'apporte aucun élément justifiant ses allégations selon lesquelles le véhicule de fonction de la société serait également utilisé en journée par les ouvriers et ne serait pas uniquement affecté à M.B.... Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que M. B...exercerait ses fonctions de manière sédentaire et à temps plein dans les locaux affectés à l'activité en zone franche urbaine. Par ailleurs, il est constant que cette société ne réalisait pas au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 44 octies A du code général des impôts que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération d'impôt litigieuse.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Cebati n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Cebati est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Cebati et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC03029