Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 11 avril 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert vers la Hongrie et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1802578 du 3 mai 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux arrêtés, a enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M.A..., dans un délai de quinze jours à compter de la date de lecture du jugement, une autorisation permettant à l'intéressé de séjourner provisoirement en France pendant l'examen de sa demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil dès lors que les documents généraux produits par M. A...n'établissent pas une défaillance systémique de la Hongrie et qu'il ne démontre pas, par les pièces versées au dossier, avoir subi des traitements inhumains et dégradants ;
- si le premier juge a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...d'une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il n'est pas établi que ces frais d'instance aient été effectivement exposés par le requérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) en tout état de cause, d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 11 avril 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de transfert :
- c'est à bon droit que le premier juge a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil en raison de la défaillance systémique de la Hongrie en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs d'asile ;
- la décision de transfert méconnaît l'article 5 de ce règlement dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien effectif ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur la seule circonstance que les autorités hongroises auraient implicitement accepté sa reprise en charge pour considérer que la Hongrie était l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de transfert.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la formation de jugement est susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision de transfert prise à l'encontre de M. A...pour le motif suivant : l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, dont le point de départ est la date de lecture du jugement du tribunal administratif se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale et qu'il devient donc impossible d'exécuter la décision de transfert, ce qui rend sans objet les conclusions du préfet.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 11 avril 2018 par lesquels il a ordonné le transfert de M. A... vers la Hongrie et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, lui a enjoint de délivrer à M.A..., dans un délai de quinze jours à compter de la date de lecture du jugement, une autorisation permettant à l'intéressé de séjourner provisoirement en France pendant l'examen de sa demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la décision de transfert :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 11 avril 2018 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. A...vers la Hongrie est intervenue moins de six mois après la décision par laquelle la Hongrie a donné son accord pour sa reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction par M. A...de son recours présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif Strasbourg du 3 mai 2018 qui a annulé la décision de transfert. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, à la date du 3 novembre 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 3 mai 2018 annulant sa décision de transfert de M. A...vers la Hongrie et lui enjoignant de délivrer à l'intéressé une autorisation lui permettant de séjourner provisoirement en France pendant l'examen de sa demande d'asile sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur la décision d'assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...)1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) "
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
7. Il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2018 du préfet du Bas-Rhin assignant à résidence M. A...après avoir reconnu l'illégalité de la décision de transfert.
8. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
9. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
10. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
11. L'arrêté prononçant le transfert de M. A...vers la Hongrie vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. A...et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. A...a sollicité l'asile. Elle indique également que la consultation du système Eurodac a montré que M. A...était connu des autorités hongroises auprès desquelles il avait sollicité l'asile et que la demande adressée à ces autorités est prise en application du paragraphe 1b) de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Elle précise enfin que cette demande a fait l'objet d'un accord implicite en application de l'article 25 de ce règlement. Par suite, la décision de transfert comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif au droit à l'information : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a remis à M. A...le 1er février 2018, jour du dépôt de sa demande d'asile en préfecture, deux brochures, traduites en langue bengali, qu'il a déclaré comprendre, intitulées " A. J'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et " B. Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent ensemble la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et dont il n'est pas établi qu'ils ne contiennent pas l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de ce règlement doit être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié le 1er février 2018 d'un entretien individuel mené par un agent de la préfecture dans une langue qu'il comprend. Il ressort du résumé de l'entretien que M. A... a pu, lors de cet entretien, faire valoir les éléments liés à sa situation personnelle en cas de retour en Hongrie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
16. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision de transfert contestée que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.A....
17. En cinquième lieu, il résulte des dispositions du paragraphe 1 de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que l'Etat membre requis se prononce sur la demande aux fins de reprise en charge dans un délai de deux semaines lorsque la demande est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac. Et que selon le paragraphe 2 du même article, l'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois équivaut à l'acceptation de la demande de reprise en charge et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée. Il s'ensuit que le préfet du Bas-Rhin en se fondant sur ces dispositions pour ordonner le transfert de M. A...n'a pas commis d'erreur de droit.
18. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 3 du même règlement : " Tout Etat membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ".
19. M. A...soutient qu'il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile en Hongrie. Toutefois, cet Etat est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les documents invoqués par M. A...à l'appui de ses dires, et notamment la procédure d'infraction ouverte par la Commission européenne à l'encontre de la Hongrie le 10 décembre 2015 concernant plus particulièrement la compatibilité de la législation hongroise avec les directives 2013/32/UE relative aux procédures d'asile et 2013/33/UE relative aux conditions d'accueil, les résolutions du Parlement européen des 16 décembre 2015 et 12 septembre 2018, le communiqué du 13 janvier 2016 du Conseil de l'Europe à la suite des constatations faites en Hongrie à la fin du mois de novembre 2015 par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil, le rapport du mois de mai 2016 du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés portant sur les modifications législatives en Hongrie entre les mois de juillet 2015 et mars 2016 et le communiqué de presse du 10 avril 2017 du Haut Commissaire aux Réfugiés pour les Nations Unies, ne suffisent pas à établir l'existence de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que la demande d'asile de M. A... ne sera pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si M. A...soutient qu'il a été détenu pendant deux mois dans un camp pour demandeurs d'asile en Hongrie, qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile, il a été condamné à dix mois d'emprisonnement pour avoir franchi irrégulièrement la frontière, que lors de sa détention il aurait subi des brimades et des humiliations quotidiennes qui se seraient répercutées sur son état de santé et auraient justifié son élargissement, ses allégations qui sont insuffisamment étayées par des éléments de fait précis et concordants ne sont pas de nature à établir qu'il existait, à la date de la décision de transfert, un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 et de celles de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
20. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, et en l'absence d'autre élément invoqué par le requérant, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas lui faire bénéficier des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède qu'à la date à laquelle elle a été prise, la décision de transfert du 11 avril 2018 n'était pas illégale, et que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision assignant à résidence M. A...par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
22. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A...à l'encontre de la décision du préfet du Bas-Rhin du 11 avril 2018 l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
En ce qui concerne l'autre moyen :
23. La décision contestée a été signée par M. Yves Séguy, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin. Par un arrêté du 18 octobre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 20 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à M. D... à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception d'actes ne relevant pas de la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 11 avril 2018 qui a assigné à résidence M. A... pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les frais liés aux instances :
25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
26. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 21 et 24 que les décisions du préfet du Bas-Rhin du 11 avril 2018 n'étaient pas illégales et que M. A... ne pouvait dès lors être regardé comme partie perdante dans l'instance engagée devant le tribunal administratif. Il s'ensuit que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 décidé de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
27. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : II n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 3 mai 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé sa décision du 11 avril 2018 de transférer M. A... vers la Hongrie et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une autorisation lui permettant de séjourner provisoirement en France pendant l'examen de sa demande d'asile.
Article 2 : Le jugement n° 1802578 du 3 mai 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 11 avril 2018 assignant à résidence M. A...et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 800 euros.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2018 l'assignant à résidence et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des mêmes dispositions sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01602