Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1701727 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour rejeter la demande sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît en outre les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction du territoire pendant deux ans repose sur des faits contestables et n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré du défaut de motivation est irrecevable car nouveau en appel ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., né en 1986, ressortissant du Kosovo, est entré régulièrement en France le 18 décembre 2010. Il a déposé le 21 février 2011 une demande de reconnaissance du statut de réfugié qui a été rejetée l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), respectivement le 20 septembre 2012 et le 31 décembre 2012. Le 29 mars 2013, M. C...a sollicité son admission provisoire au séjour en vue de présenter une demande de réexamen de sa demande de réfugié par l'OFPRA. Après le rejet de cette nouvelle demande d'asile, l'intéressé est reparti au Kosovo le 1er novembre 2014, puis est revenu en France le 20 mars 2015 pour déposer une nouvelle demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'OFPRA, le 3 septembre 2015, puis par la CNDA, le 30 mai 2016. Par lettre du 27 juillet 2016, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en faisant état de ses attaches familiales en France ainsi que d'une promesse d'embauche. Par arrêté du 22 juin 2017, le préfet du Doubs a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... fait appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué précise, en son point 2, que l'arrêté attaqué fait apparaître que le préfet a examiné la possibilité de délivrer au requérant un titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit en se bornant à constater qu'il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du même code n'est pas fondé et ne peut, dès lors, qu'être écarté. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce jugement a ainsi répondu au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'estimant en situation de compétence liée au regard des conditions énoncées à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est, par suite, entaché d'aucune irrégularité à cet égard.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2017 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, devant le tribunal administratif, M. C...n'a soulevé que des moyens de légalité interne. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, qui relève d'une autre cause juridique, est donc nouveau en appel. Par suite, l'intéressé n'est pas recevable à l'invoquer, pour la première fois, en appel.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée (...) au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour (...) se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...). Aux termes de l'article L. 313-10 de ce code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". (...) ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à un examen particulier de la demande de titre de séjour présenté par M. C...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et qu'il ne s'est pas estimé en situation de compétence liée en relevant que l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-10 du code.
8. Si le requérant se prévalait, à l'appui de sa demande, de la présence en France de son frère, de nationalité française, de la durée de son séjour sur le territoire français et de deux promesses d'embauche établies par les sociétés HDS et Espace Concept, ces circonstances ne constituent pas, à elles-seules, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet du Doubs n'a entaché sa décision ni d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'une erreur de droit en refusant de délivrer à M. C...un titre de séjour sur ce fondement.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Si M. C...fait valoir que son frère est présent sur le territoire français et que lui-même y réside depuis 2010, l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Kosovo où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Le requérant n'apporte pas d'élément suffisamment probant qui serait susceptible d'établir qu'il serait exposé, notamment pour des motifs de vengeance privée, à des traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kosovo alors d'ailleurs que la demande d'asile qu'il a présentée en se prévalant de tels risques, a été rejetée à plusieurs reprises tant par l'OFPRA que par la CNDA. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.// Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) ".
14. Il est constant que le requérant a été condamné pénalement le 22 septembre 2014 pour délit de fuite après un accident matériel de la circulation. Toutefois, l'intéressé n'a pas commis d'autres infractions et peut justifier de la présence de son frère sur le territoire français. Par suite en prononçant une mesure d'interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans, le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions précitées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans.
16. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à ce titre par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701727 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du préfet du Doubs du 22 juin 2017 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans et cette dernière décision du préfet du Doubs sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC00771