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27/12/2018 | FRANCE | N°18NC00405

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 18NC00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1500873 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 19 février 2018 et le 11 septembre 2

018, M. et MmeB..., représentés par la SCP DGM et Associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1500873 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 19 février 2018 et le 11 septembre 2018, M. et MmeB..., représentés par la SCP DGM et Associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen soulevé en première instance tiré de ce que les dispositions relatives au droit de communication ne permettent pas à l'administration d'exiger des attestations ; les premiers juges ont également omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration n'apporte pas la preuve de la surfacturation de la centrale photovoltaïque en litige ;

- l'administration a méconnu le principe d'égalité des armes résultant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, l'administration et le tribunal ont violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant peser sur le contribuable la charge de la preuve de la réalité de l'investissement alors que celui-ci n'a pas accès aux informations qui lui sont opposées ;

- aucune base légale ou jurisprudentielle n'autorisait l'administration fiscale à utiliser son droit de communication dans le but d'obtenir la production d'attestations auprès de la société EDF, l'administration a exercé irrégulièrement son droit de communication, en méconnaissance des articles L. 81, L. 83 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales ;

- les attestations fournies par la société Electricité de France sont dépourvues de valeur probante dès lors qu'elles sont signées pour ordre sans qu'il soit permis de déterminer si le signataire détenait une habilitation pour établir de telles attestations.

S'agissant de la centrale photovoltaïque exploitée par la SNC GIROFLIERS 02 :

- l'administration ne démontre pas que les centrales photovoltaïques ont été acquises à un prix excessif ;

- les informations obtenues par l'administration pour établir la surfacturation ne sont pas directement opposables aux requérants en raison de l'indépendance des procédures ;

- la méthode de calcul retenue par l'administration, consistant à déterminer le prix d'une centrale photovoltaïque au regard d'un prix moyen par watt-crête et de sa puissance, n'est pas pertinente et a un caractère vicié ; les termes de comparaison utilisés par l'administration sont inadaptés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2018, M. et MmeB..., représentés par la SCP DGM et Associés, concluent aux mêmes fins que la requête et entendent renoncer à certains moyens et invoquer de nouveaux moyens.

Ils soutiennent ainsi que :

- les principes de sécurité juridique et de confiance légitime et l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;

- la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts constitue une aide d'Etat ;

- la modification de l'interprétation du fait générateur de la réduction d'impôt par la décision Adam rendue le 26 avril 2017 par le Conseil d'Etat porte atteinte au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martinez,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeB..., associés de plusieurs sociétés en nom collectif, ont imputé sur le montant de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés dans le département de la Réunion par lesdites sociétés consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale notamment au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Électricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. Après le rejet de leur réclamation par l'administration fiscale, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande de décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement pour un montant total de 36 852 euros en droits et pénalités. L'administration fiscale a admis, en cours d'instance devant le tribunal administratif, le principe de la réduction d'impôt s'agissant de la centrale acquise par la SNC Sundom 14 mais en a réduit le montant au motif que l'investissement concerné avait donné lieu à une surfacturation. M. et Mme B...relèvent appel du jugement n° 1500873 du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif, l'administration fiscale avait prononcé un dégrèvement total de 5 359 euros le 3 décembre 2015 au titre de la réduction d'impôt afférente, ainsi qu'il a été dit plus haut, à la centrale acquise par la SNC Sundom 14. Dans cette mesure, la demande de décharge présentée par M. et Mme B...était devenue sans objet. Le jugement, qui a omis de prononcer ce non-lieu à statuer partiel, est pour ce motif entaché d'irrégularité.

3. Au surplus, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Comme le révèlent les visas et les motifs du jugement attaqué, les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé par M. et Mme B...tiré de ce que l'administration n'apporte pas la preuve de la surfacturation de l'investissement réalisé par la SNC Sundom 14. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requérants relatifs à la régularité du jugement, M. et Mme B...sont fondés à soutenir que ledit jugement est entaché pour ce motif d'irrégularité.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement est irrégulier et doit par suite être annulé. Il y a lieu en conséquence d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Besançon, y compris les conclusions devenues sans objet au cours de la procédure de première instance.

Sur l'étendue du litige :

5. Ainsi qu'il a été dit plus haut, postérieurement à l'introduction de la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Besançon, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement de 5 359 euros (4 511 euros en droits et 848 euros de pénalités) le 3 décembre 2015. Dans cette mesure, la demande de décharge présentée par M. et Mme B...est devenue sans objet.

Sur le surplus des conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la procèdure :

6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L.34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ". Il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de permettre à l'administration fiscale, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité. Un document de service au sens des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales s'entend de tout document élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative.

7. Il est soutenu dans la requête qu'en adressant des demandes de communication à EDF de portée générale, l'administration s'est livrée non pas à un contrôle passif et ponctuel de données brutes auprès d'un tiers, mais à une investigation qui, par son ampleur et sa nature, excède les limites du droit de communication. Il résulte toutefois de l'instruction que les demandes adressées à la société EDF se limitaient aux seuls éléments d'information de nature à établir le raccordement effectif des installations concernées au réseau électrique. En outre, les données brutes reportées dans les tableurs fournis par l'administration à la société EDF étaient détenues par celle-ci dans le cadre de ses obligations de service et le contenu des attestations se limitait également à des données issues de documents de service. Ainsi, l'établissement de ces documents, et en particulier des attestations en cause, n'a nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières de la part de l'opérateur. Les dispositions précitées de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales n'interdisaient pas à l'administration fiscale de demander la transmission de telles informations sous la forme de tableurs fournis par elle ou d'attestations délivrées par le destinataire du droit de communication. Par suite, à supposer que les requérants n'aient pas entendu en appel y renoncer dans le dernier état de leurs écritures, le moyen tiré de l'irrégularité du droit de communication ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : que " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". En vertu de ces dispositions, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification concernée, que l'administration a exercé son droit de communication auprès d'EDF, afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt de demandes de raccordement complètes, de réception du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation dont les requérants sont associés. Il est constant que ces éléments d'information mentionnés dans la proposition de rectification, qui comportaient l'identité du tiers ayant communiqué à l'administration les renseignements considérés et étaient d'une précision suffisante, ont été portés à la connaissance des contribuables dès lors que les réponses et attestations d'EDF étaient annexées à la proposition de rectification. Il ne résulte pas de l'instruction que pour établir les motifs et le montant du redressement contesté, l'administration aurait eu recours à d'autres éléments ni qu'elle aurait utilisé d'autres documents obtenus de tiers. Ainsi, en admettant même que les contribuables aient formé une demande de communication avant la mise en recouvrement de l'imposition litigieuse, l'administration n'était pas tenue de leur adresser les attestations EDF jointes à la proposition de rectification non plus que les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder le redressement en cause. En particulier, l'administration n'était pas tenue de communiquer aux intéressés une copie des demandes formulées par le service auprès d'EDF ou du Consuel dès lors qu'il s'agit de documents, revêtant d'ailleurs un caractère préparatoire, qui n'ont pas servi à fonder les rehaussements litigieux. Il s'ensuit que l'administration, qui n'était pas tenue d'indiquer les modalités d'exercice du droit de communication et notamment la date de demande de communication, s'est acquittée de ses obligations d'information au sens des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales tant en ce qui concerne la teneur que l'origine des renseignements utilisés et n'a pas davantage méconnu l'obligation de communiquer aux contribuables les documents ayant servi au redressement litigieux. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales soulevé par les requérants dans le dernier état de leurs écritures doit être écarté.

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des renseignements obtenus auprès de la société EDF, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre de laquelle a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet d'un raccordement au réseau électrique. L'administration a pu sans méconnaître le principe de loyauté de la preuve légalement opposer au contribuable les informations contenues dans les attestations susmentionnées et obtenues régulièrement, ainsi qu'il a été dit plus haut, dans le cadre du droit de communication. Il n'est fait part dans la requête d'aucun élément de nature à infirmer le constat sur lequel s'est fondée l'administration. La circonstance que ces documents étaient signés, pour ordre, par le chef de service commercial et clientèle à EDF Ile de la Réunion, sans mention de l'habilitation dont cet agent a pu bénéficier, n'est pas, en elle-même, de nature à remettre en cause la valeur probante de ces documents. Par suite, à supposer que les requérants n'aient pas entendu y renoncer dans le dernier état de leurs écritures, le moyen tiré de l'absence de force probante des attestations susmentionnées ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, les requérants soutiennent en appel, dans le dernier état de leurs écritures, que la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux Adam rendue le 26 avril 2017 est un revirement de jurisprudence qui ne pouvait pas être anticipé par les contribuables et que l'application de cette jurisprudence traduit une méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Ils soutiennent également que l'application de cette jurisprudence conduit à une violation des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, le redressement contesté portant atteinte à l'espérance légitime du contribuable d'obtenir l'avantage fiscal sollicité.

12. A supposer même que les requérants aient ainsi entendu soutenir que l'application de cette jurisprudence, qui a nécessairement une portée rétroactive, aurait dû être différée dans le temps afin d'assurer le respect du principe de sécurité juridique, cette décision ne pouvant être regardée comme constituant un revirement de jurisprudence, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté. Il s'ensuit également que le moyen, au demeurant difficile à appréhender, tiré de ce que la remise en cause de la réduction d'impôt dont s'agit est assimilable au retrait d'une aide d'Etat intervenu en violation du principe général du droit de l'Union européenne de confiance légitime ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. Enfin, il résulte de ce qui vient d'être dit que faute de remplir les conditions légalement requises pour prétendre à la réduction d'impôt, les requérants ne sauraient, en tout état de cause, utilement soutenir qu'ils justifiaient d'une espérance légitime d'obtenir le bénéfice du régime de faveur sollicité.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Droit à un procès équitable / 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

14. Les stipulations précitées ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Il s'ensuit que le contentieux de l'assiette de l'impôt n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 § 1 précité. Dès lors, dans la mesure où le présent litige se limite, ainsi qu'il a été dit plus haut, à une contestation portant sur l'établissement de l'impôt, à l'exclusion du contentieux propre aux pénalités, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, l'atteinte au principe d'égalité des armes pour critiquer les règles relatives à la charge et à l'administration de la preuve applicables à ce litige. Par suite ledit moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

15. En septième lieu, le principe d'indépendance des procédures d'imposition n'interdit pas à l'administration d'utiliser des documents obtenus par l'exercice régulier du droit de communication auprès des fournisseurs et installateurs de centrales photovoltaïques afin d'apprécier, au stade de la procédure contentieuse, le bien-fondé de la réclamation du contribuable tendant au bénéfice de la réduction d'impôt. S'agissant de la centrale photovoltaïque acquise par la SNC Sundom 14, pour s'opposer aux prétentions des contribuables, l'administration n'était pas tenue de procéder préalablement à la correction de la valeur de l'immobilisation inscrite au bilan de la société ayant réalisé l'investissement dans le cadre d'une procédure de rectification visant ladite société et n'était pas davantage tenue d'informer le contribuable des suites de la vérification de comptabilité engagée à l'encontre de la société SFER chargée de gérer l'ensemble du programme d'investissements. Par suite, et en tout état de cause, le moyen fondé, selon les requérants, sur le principe d'indépendance des procédures d'imposition et tiré de l'inopposabilité au contribuable de la vérification de comptabilité de la société SFER, des propositions de rectification adressées aux sociétés concernées et notamment la SNC Sundom 14, et des factures de fournisseurs de centrales photovoltaïques, ne peut qu'être écarté.

16. En huitième lieu, l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, est en droit de substituer à cette fin une base légale nouvelle à celle initialement retenue pour la liquidation des impositions dès lors que le contribuable peut contester ce nouveau fondement, de manière contradictoire, dans le cadre de la procédure contentieuse devant la juridiction administrative saisie du litige et que, dans le cas où l'imposition primitive a fait l'objet d'une procédure de rectification, les garanties de la procédure d'imposition afférentes à la nouvelle base légale ont été respectées. En outre, dans le cas où l'administration a utilisé des documents ou des renseignements obtenus de tiers pour fonder une rectification ou maintenir une imposition au titre de la nouvelle base légale dont elle se prévaut au cours de la procédure contentieuse, il lui appartient, lors de l'instance devant le juge saisi pour la première fois de la demande de substitution de base légale ou, le cas échéant, lors de l'instance d'appel, et au cas où cette obligation n'aurait pas déjà été satisfaite au cours de la procédure d'imposition, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur de ces documents ou de ces renseignements, dans des délais permettant à l'intéressé d'en demander, le cas échéant, la communication et le mettant à même, après celle-ci, de présenter utilement ses observations avant la clôture de l'instruction.

17. L'administration, dans son mémoire en défense présenté au cours de l'instance d'appel, a produit en tant que pièces jointes les factures qui lui ont servi à fonder le redressement relatif à l'investissement réalisé par la SNC Sundom 14 et à limiter le montant de la réduction d'impôt à la valeur de l'immobilisation qui n'excédait par le prix normal du marché. M.et Mme B...ont par suite été mis en mesure de présenter leurs observations sur ces documents dans le cadre de la procédure contentieuse, ce qu'ils ont fait dans un mémoire en réplique enregistré le 11 septembre 2018 au greffe de la cour. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, l'administration est fondée à soutenir qu'elle peut valablement opposer la substitution de base légale dont elle a fait application à propos de la réduction d'impôt concernant la centrale acquise par la SNC Sundom 14.

En ce qui concerne la surfacturation :

18. Le I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 16 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer prévoit que " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. (...) Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts prévoit que les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B sont " les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que le montant des investissements productifs à prendre en compte pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier un associé d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 du code général des impôts est en principe calculé à partir de la valeur pour laquelle l'immobilisation en cause est inscrite au bilan de cette société en application de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code. Toutefois, l'administration peut apporter la preuve que cette valeur est surévaluée par rapport au prix normal du marché. Elle peut dans ce cas se fonder sur la valeur de l'immobilisation rectifiée, non seulement pour remettre en cause la déductibilité du montant des amortissements pratiqués par la société qui en est propriétaire, mais aussi pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier l'associé de la société en application de l'article 199 undecies B.

20. L'administration, après avoir exercé son droit de communication auprès de plusieurs fournisseurs et installateurs de matériels photovoltaïques sur l'île de La Réunion un droit de communication, a déterminé à partir de nombreuses factures d'achat de centrales photovoltaïques établies en 2010 le prix moyen pratiqué par watt-crête pour des centrales de gammes et de puissance comparables commercialisées dans le département. Pour déterminer la valeur vénale des centrales acquises par les SNC considérées, le service a multiplié ce prix moyen par le nombre de watts-crête desdites centrales. Le prix moyen en résultant de 4, 54 euros hors taxes par watt-crête correspond à un montant nettement inférieur à celui facturé aux sociétés dans lesquelles le requérant a investi. Ce faisant, eu égard aux termes de comparaison retenus, qui ne sont pas sérieusement contestés, l'administration, a suffisamment justifié de la réalité de la surfacturation alors, au demeurant que les requérants, se bornent à critiquer la méthode retenue par l'administration et la précision des éléments qu'elle a produits sans apporter d'éléments justifiant cette différence de prix ni proposer de méthode de calcul plus pertinente. Par suite, à supposer que les requérants n'aient pas entendu renoncer à soulever ce moyen dans le dernier état de leurs écritures d'appel, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve d'une surfacturation.

21. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 consécutivement à la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : Il n' y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Besançon à concurrence du dégrèvement d'un montant total de 5 359 euros (4 511euros en droits et 848 euros de pénalités) prononcé le 3 décembre 2015.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de la requête de M et Mme B...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00405
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DGM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;18nc00405 ?
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