Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 16 mars 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est Strasbourg a rejeté son recours contre la décision de la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim du 23 février 2017 prononçant à son encontre une sanction de 10 jours de confinement en cellule dont 5 jours avec sursis actif pendant 6 mois.
Par une ordonnance n° 1702115 du 27 juillet 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2017, M. C...A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1702115 du 27 juillet 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est Strasbourg du 16 mars 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas sursis à statuer dans l'attente de la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle en méconnaissance de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable ;
- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularité car le compte-rendu d'incident ne comporte aucun élément d'identification de son auteur, ce qui ne permet pas de vérifier que ce dernier n'a pas siégé lors de la commission de discipline, comme le prévoit l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale ;
- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularité en ce qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète, alors qu'il maîtrise mal le français.
Par un mémoire, enregistré le 5 septembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Le garde des sceaux soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...est actuellement détenu à la maison centrale d'Ensisheim. Le 8 février 2017, quarante-trois comprimés de valium, deux crochets en fer et trois rouleaux de plastique dur ont été découverts à l'occasion d'une fouille de sa cellule. Le 23 février 2017, la commission de discipline de l'établissement lui a infligé une sanction disciplinaire de 10 jours de confinement en cellule dont 5 jours avec sursis actif pendant 6 mois. Le 16 mars 2017, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est Strasbourg a rejeté son recours préalable contre cette sanction.
2. M. A...relève appel de l'ordonnance du 27 juillet 2017 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de rejet.
Sur la régularité du jugement :
3. Le tribunal a rejeté la demande de M. A...en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative au motif qu'elle était entachée d'une irrecevabilité manifeste, dès lors qu'elle ne comportait aucun moyen assorti de précisions suffisantes en permettant l'examen et que cette insuffisance de motivation n'avait pas été régularisée dans le délai de recours.
4. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : 7° Rejeter (...), les requêtes ne comportant que des moyens (...) qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ". Selon l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Enfin, aux termes de l'article 38 du décret susvisé du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ".
5. S'il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg le 24 avril 2017 était dépourvue de tout moyen, l'intéressé avait, le 19 avril 2017, déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Le 12 mai 2017, il s'est vu accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg a ensuite désigné un avocat chargé de l'assister. Par un courrier du 12 juin 2017, cet avocat a demandé au bâtonnier de le décharger de sa commission d'office, demande à laquelle le bâtonnier a fait droit le 22 août 2017 en désignant un nouvel avocat pour défendre les intérêts de M.A....
6. En application des dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 précité, le délai de deux mois imparti à M. A...pour introduire sa demande auprès du tribunal administratif a été interrompu une première fois lors du dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle et, à supposer que la décision désignant le premier avocat ait été notifiée à l'intéressé, il n'avait, en tout état de cause, pas expiré lorsqu'il a été interrompu une seconde fois à la date à laquelle cet avocat a demandé à être déchargé de sa commission d'office. Il n'a, ensuite, recommencé à courir qu'à compter du 22 août 2017, date à laquelle un nouvel avocat a été désigné. Ainsi, le délai de recours n'avait pas expiré à la date de l'ordonnance attaquée. A cette date, la demande présentée par M. A...demeurait donc régularisable, conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative précité. Dès lors, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable et, par suite, que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
8. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ". Il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement. Toutefois, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle à ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur régional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale.
9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale : " (...) L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires ".
10. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu d'incident établi le 8 février 2017, une demi-heure après la découverte des objets prohibés dans la cellule de M.A..., se borne à mentionner que son auteur est " surveillant ", sans comporter la moindre indication permettant de vérifier sa qualité et son identité, il ressort également des pièces du dossier que l'administration pénitentiaire a pu légalement décider de rendre anonyme ce compte-rendu d'incident afin de protéger la sécurité de l'agent concerné tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur de l'établissement. D'autre part, il ressort des pièces produites par le ministre en appel que l'auteur du compte-rendu n'a pas siégé lors de la commission de discipline qui a prononcé la sanction litigieuse.
11. En second lieu, termes de l'article R. 57-7-25 du code de procédure pénale : " Lors de sa comparution devant la commission de discipline, la personne détenue présente ses observations. Elle est, le cas échéant, assistée par un avocat. / (...) Si la personne détenue ne comprend pas la langue française, n'est pas en mesure de s'exprimer dans cette langue ou si elle est dans l'incapacité physique de communiquer, ses explications sont présentées, dans la mesure du possible, par l'intermédiaire d'un interprète désigné par le chef d'établissement ".
12. Si M.A..., de nationalité serbe, soutient qu'il maîtrise mal la langue française, les éléments qu'il produit à cet égard sont datés de septembre 2011, soit cinq ans et demi avant le déroulement de la procédure disciplinaire litigieuse. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête du 16 février 2017 et de la décision du 23 février 2017, que depuis 2011, son niveau de maîtrise de la langue française a suffisamment progressé pour qu'il ait pu répondre précisément aux questions de l'enquêteur et présenter des observations circonstanciées devant la commission de discipline. Au surplus, il n'allègue pas avoir sollicité l'assistance d'un interprète. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie prévue par l'article R. 57-7-25 du code de procédure pénale précité.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est illégale. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1702115 du 27 juillet 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
2
N° 17NC02424