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13/12/2018 | FRANCE | N°17NC00821

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 17NC00821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les délibérations nos 20 et 26 du 13 novembre 2014, par lesquelles le conseil municipal de Brunstatt a décidé, respectivement, l'appropriation des parcelles section 30 n° 9, section 41 no 200 et de la parcelle section 41 n° 58, et a autorisé le maire à prendre l'arrêté constatant leur incorporation dans le domaine communal.

Par un jugement nos 1500150 et 1500151 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a a

nnulé les délibérations attaquées.

Procédure devant la cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les délibérations nos 20 et 26 du 13 novembre 2014, par lesquelles le conseil municipal de Brunstatt a décidé, respectivement, l'appropriation des parcelles section 30 n° 9, section 41 no 200 et de la parcelle section 41 n° 58, et a autorisé le maire à prendre l'arrêté constatant leur incorporation dans le domaine communal.

Par un jugement nos 1500150 et 1500151 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les délibérations attaquées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 avril et 3 octobre 2017, la commune de Brunstatt-Didenheim, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1500150 et 1500151 du 8 février 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner M. F...à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Brunstatt-Didenheim soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en ne vérifiant pas la qualité de propriétaire de M. F...et, par suite, son intérêt pour agir ;

- M.F..., qui n'établit pas être le propriétaire des parcelles en cause, est dépourvu d'intérêt pour agir contre les délibérations litigieuses ;

- les formalités prévues par l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques ont été respectées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juillet et 16 octobre 2017, M. F..., représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Brunstatt-Didenheim à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement à ce que la cour sursoie à statuer jusqu'à la décision du juge judiciaire quant à la propriété des parcelles litigieuses.

M. F...soutient que la fin de non-recevoir soulevée par la commune pour la première fois en appel n'est pas recevable, qu'aucun des autres moyens n'est fondé et que, subsidiairement, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de trancher la question de la prescription acquisitive.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2017, la commune de Brunstatt-Didenheim soutient, en outre, que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. F...a été implicitement soulevée en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune de Brunstatt-Didenheim.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 3 avril 2014, le maire de la commune de Brunstatt, depuis devenue Brunstatt-Didenheim, a constaté que les parcelles cadastrées section 30 n° 9, section 41 n° 200 et section 41 n° 58, étaient susceptibles de constituer des biens sans maître au sens des dispositions de l'article 713 du code civil et décidé de mettre en oeuvre la procédure d'appréhension de tels biens prévue par l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Par des délibérations nos 20 et 26 du 13 novembre 2014, le conseil municipal a décidé d'incorporer les parcelles en cause dans le domaine communal et a autorisé le maire à prendre l'arrêté constatant cette incorporation.

2. La commune de Brunstatt-Didenheim relève appel du jugement du 8 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les délibérations litigieuses.

Sur la régularité du jugement :

3. La circonstance que les premiers juges, devant lesquels le défaut d'intérêt pour agir de M. F...n'a pas été expressément contesté, ont admis la recevabilité des demandes de ce dernier sans avoir d'office vérifié qu'il était propriétaire des parcelles en cause n'est pas, à la supposer établie, de nature à entacher la régularité du jugement mais doit être examinée dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la recevabilité des demandes présentées par M. F...devant le tribunal :

En ce qui concerne la recevabilité des fins de non-recevoir soulevées par la commune :

4. Les questions de recevabilité étant d'ordre public, la commune de Brunstatt-Didenheim est, contrairement à ce que soutient M.F..., recevable à soutenir, même pour la première fois en appel, qu'il est dépourvu d'intérêt pour agir contre les délibérations litigieuses.

En ce qui concerne le bien-fondé des fins de non-recevoir soulevées par la commune :

S'agissant de la demande dirigée contre la délibération n° 20 relative aux parcelles section 30 n° 9 et section 41 n° 200 :

5. Les relevés de propriété établis par la direction générale des finances publiques pour chacune de ces deux parcelles mentionnent les noms " Gustave Alfred Landwerlin " et " Marie Arbeit " au titre de " propriétaire/indivision ", ainsi que le nom " D...C... " au titre de " gérant-mandataire-gestionnaire ". Ces personnes sont décédées et M.F..., qui ne présente aucun titre de propriété pour les parcelles en cause, soutient qu'il en est l'héritier.

6. Cependant, dans un courrier du 11 janvier 2018, MeH..., notaire que M. F... présente comme chargée de la succession des propriétaires d'origine, s'est abstenue de confirmer cette qualité. Elle a, au contraire, conclu que les droits de l'intéressé sur les parcelles en cause ne sont pas, à ce jour, légalement établis compte tenu, notamment, de l'incertitude non levée sur l'existence d'un ou plusieurs testaments et de l'absence de certificat d'héritier délivré par le tribunal d'instance compétent. Si M. F...a produit une attestation de la même notaire, en date du 5 février 2018, indiquant qu'il a engagé auprès d'elle, le 19 janvier, les démarches en vue d'obtenir ce document, il n'a pas produit cet élément depuis, alors qu'il a bénéficié d'un délai raisonnable à cette fin.

7. Il y a donc lieu de considérer que M. F...n'a pas obtenu le certificat d'héritier sollicité. Il ressort, en outre, de la lettre de Me H...que les autres éléments qu'il produit ne suffisent pas, en eux-mêmes, à établir sa qualité d'héritier. Dès lors, les éléments apportés par M. F...ne soulèvent pas une difficulté sérieuse au sens de l'article R. 771-2 du code de justice administrative justifiant qu'une question préjudicielle soit transmise à la juridiction judiciaire. Dans ces conditions, la commune de Brunstatt-Didenheim est fondée à soutenir que M. F...ne justifie pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir contre la délibération litigieuse et, par suite, que c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de sa demande dirigée contre cette délibération.

S'agissant de la demande dirigée contre la délibération n° 26 relative à la parcelle section 41 n° 58 :

8. Aux termes de l'article 2261 du code civil : " Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ".

9. M. F...soutient être propriétaire de la parcelle en cause, située au lieudit Le Lusberg, par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire. Il fait valoir que cette parcelle, qui jouxte la parcelle section 41 n° 59 qu'il possède, est entretenue par ses soins depuis 1988 et l'était, auparavant, par son père Julien. Il ajoute qu'il y exploite un verger et des ruches.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies produites par M. F...en première instance, que le verger et les ruches sont implantés sur la parcelle section 41 n° 59, aucun arbre fruitier n'apparaissant planté sur la parcelle section 41 n° 58. Ces photographies mettent en évidence le contraste existant entre la parcelle section 41 n° 59, effectivement entretenue, et la parcelle section 41 n° 58, qui présente un aspect de forêt au sol broussailleux, à l'évidence ni exploitée ni même occupée. Elles sont corroborées par l'attestation de Mme K. du 17 janvier 2014, qui ne fait état que d'un entretien en bordure de propriété, notamment par l'élimination des arbres tombés ou menaçant de tomber.

11. Ainsi, les éléments apportés par M. F...ne soulèvent pas une difficulté sérieuse au sens de l'article R. 771-2 du code de justice administrative justifiant qu'une question préjudicielle soit transmise à la juridiction judiciaire. Ces éléments ne sont pas de nature à établir, au sens de l'article 2261 du code civil précité, une possession, à titre de propriétaire, de la parcelle section 41 n° 58 par M. F...et, avant lui, par son père.

12. Dès lors que M. F...ne justifie pas être le propriétaire de la parcelle section 41 n° 58 que, par ailleurs, il n'occupe ni n'exploite, la commune de Brunstatt-Didenheim est fondée à soutenir qu'il ne justifie pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir contre la délibération litigieuse et que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de sa demande dirigée contre cette délibération.

13. Il résulte de tout ce qui précède, par ailleurs, que pour les raisons indiquées aux points 7 et 11, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. F...tendant à ce que la cour transmette une question préjudicielle à l'autorité judiciaire et sursoie à statuer jusqu'à la décision de cette dernière sur cette question. D'autre part, la commune de Brunstatt-Didenheim est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les délibérations nos 20 et 26 de son conseil municipal du 13 novembre 2014. Dès lors, la commune est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet des demandes présentées par M. F...devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'une ou l'autre des parties au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1500150 et 1500151 du 8 février 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. F...devant le tribunal administratif sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Brunstatt-Didenheim et à M. E...F....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 17NC00821


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26 Droits civils et individuels.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN SCP

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 13/12/2018
Date de l'import : 25/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC00821
Numéro NOR : CETATEXT000037829937 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-13;17nc00821 ?
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