Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur un moyen soulevé en première instance ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; elle s'est en effet abstenue de communiquer l'ensemble des documents qu'elle a utilisés ;
- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où le matériel est livré et non l'année où il est raccordé au réseau ; l'administration ne pouvait leur opposer l'absence de raccordement au réseau électrique dès lors que l'installation photovoltaïque est susceptible de fonctionner de manière autonome et qu'EDF ne dispose pas d'un monopole en matière de rachat d'électricité produite par une centrale photovoltaïque ;
- l'administration ne démontre pas qu'il existe une disproportion entre les fonds collectés par la SARL DTD et les investissements effectivement importés ni que les panneaux photovoltaïques ne peuvent pas fonctionner de manière autonome ;
- la société en participation concernée a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sauvage ; le droit de communication que l'administration fiscale a exercé auprès de la société EDF lui a permis d'éviter cette procédure ;
- l'administration fiscale aurait dû mettre en oeuvre la procédure de vérification de comptabilité des sociétés en participation avant de notifier les redressements à leurs associés ;
- il résulte de l'instruction BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 n° 140 du 12 septembre 2012 que l'administration ne pouvait prononcer son redressement dès lors qu'il disposait d'une attestation fiscale conforme délivrée par la société DOM TOM DEFISCALISATION (DTD).
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., associés de sociétés en participation gérées par la SARL Dom Tom Défiscalisation (DTD), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés en Martinique par lesdites sociétés et consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt opérée au titre de l'année 2008 a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Électricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2008, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de l'année litigieuse. M et Mme B...relèvent appel du jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Comme le révèlent les visas et motifs du jugement attaqué, les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et qui a été soulevé par deux mémoires enregistrés le 29 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Nancy. Le jugement est donc irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu en conséquence de statuer immédiatement sur les conclusions des requérants par la voie de l'évocation.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
3. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
4. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés. Il en va ainsi, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur. D'autre part, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent une garantie au profit de l'intéressé. L'omission de communiquer les documents ou copies demandés constitue un vice de nature à entraîner l'irrégularité de la procédure d'imposition.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que pour remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée, le service s'est en particulier fondé sur les motifs tirés de ce que l'investissement n'avait pas été réalisé à la date du 31 décembre 2008 et que le montant de l'investissement n'était pas conforme aux prescriptions de l'article 199 undecies B. Dans sa réponse du 31 mai 2012 aux observations de M. et MmeB..., lesquels avaient sollicité la communication de " la totalité des documents " ayant fondé les rectifications résultant de la proposition de rectification du 3 novembre 2011, l'administration s'est bornée à leur adresser la copie des documents obtenus dans l'exercice de son droit de communication, auprès d'Electricité de France (EDF) et de divers services douaniers relatifs, selon le cas, à la livraison des installations de panneaux photovoltaïques ou à leur raccordement au réseau électrique. Les requérants soutiennent que cette communication était incomplète dès lors qu'ils n'ont pas été destinataires des autres pièces mentionnées par le service, soit les procès-verbaux de mise à disposition du matériel photovoltaïque et les factures émises en 2008 par la société Lynx Industrie à chaque SEP et mentionnant le prix de l'investissement.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification litigieuse, que l'administration a justifié les rectifications en remettant en cause le prix de revient de l'investissement, résultant de la facture émise par la société Lynx et déclaré pour un montant de 298 000 euros, qui a servi de base au calcul de la réduction d'impôt en litige. Il est cependant constant que les factures émises par la société Lynx, qui détaillaient le montant de l'investissement, ont permis au service de constater que ce montant ne se limitait pas à l'acquisition des panneaux photovoltaïques mais comportait également des prestations annexes en violation, selon l'administration, des dispositions de l'article 199 undecies B. Dans ces conditions, et alors même que ces renseignements sont susceptibles de correspondre à ceux portés sur l'attestation qui est délivrée par chaque SEP et que les contribuables doivent joindre à la déclaration de leurs revenus en vertu des dispositions de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts, les requérants sont fondés à soutenir que l'administration n'a pas respecté l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales de communiquer, avant mise en recouvrement, la copie des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses. Cette omission, qui a privé les contribuables d'une garantie, vicie la régularité de la procédure d'imposition.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B...sont fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 consécutivement à la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des majorations correspondantes.
Article 3 : L'État (ministre de l'action et des comptes publics) versera à M. et Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC00781