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04/12/2018 | FRANCE | N°17NC02910

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 17NC02910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...et Mme C... A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Louis a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police en matière de lutte contre les nuisances sonores et de condamner la commune de Saint-Louis à leur verser une somme de 15 000 euros à raison du préjudice moral subi en conséquence de cette inaction.

Par un jugement n° 1506440 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Stras

bourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...et Mme C... A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Louis a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police en matière de lutte contre les nuisances sonores et de condamner la commune de Saint-Louis à leur verser une somme de 15 000 euros à raison du préjudice moral subi en conséquence de cette inaction.

Par un jugement n° 1506440 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2017 et 19 octobre 2018, M. et MmeA..., représentés par la SELARL Schreckenberg et Parnière, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Saint-Louis du 14 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser les nuisances et à en interdire leur réitération, notamment en prononçant l'interdiction d'exploitation de la terrasse située à l'arrière du " Restaurant des Lys d'Alsace " tant que les exploitants n'auront pas réalisé les mesures acoustiques préconisées par l'expert judiciaire dans son rapport du 26 janvier 2017 ;

4°) à titre subsidiaire, d'interdire l'exploitation de cette terrasse tant que ces mesures n'auront pas été réalisées ;

5°) de condamner la commune de Saint-Louis à leur verser une somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

6°) de mettre à la charge, in solidum, de la commune de Saint-Louis et de la société " Restaurant des Lys d'Alsace " le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les conclusions indemnitaires n'étaient pas irrecevables ;

- ils ont présenté une demande préalable d'indemnisation de leur préjudice en cours d'instance, réceptionnée par la commune de Saint-Louis le 4 avril 2017, qui n'a fait l'objet d'aucune décision expresse de rejet ;

- les dispositions de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative n'étaient pas en vigueur à la date de leur recours devant les premiers juges ;

- la décision en litige du 14 septembre 2015 méconnaît les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2542-3 du code général des collectivités territoriales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 1334-32 du code de la santé publique ;

- à la date de la décision contestée, le maire disposait d'éléments suffisamment précis pour mettre en oeuvre ses pouvoirs de police et, en cas de doute, il lui appartenait de saisir l'agence régionale de santé ;

- ils ne disposaient pas à la date de leur demande du 22 juillet 2015 du rapport d'expertise acoustique et le maire qui était informé par cette demande de ce que cette expertise était en cours, n'en a pas attendu les résultats pour prendre sa décision ;

- le rapport d'expertise établi le 14 septembre 2015, date de la décision contestée, a été transmis au maire de Saint-Louis le 25 septembre suivant ;

- leur demande du 22 juillet 2015 avait été précédée de plusieurs réclamations pour faire cesser les nuisances sonores et, en outre, le maire a été destinataire d'une vidéo du 23 juillet 2015 ainsi que, le 31 juillet 2015, de deux constats d'huissier constatant les nuisances sonores liées à l'exploitation de la terrasse ;

- en cas de doute quant à la réalité des nuisances sonores qu'ils invoquaient, le maire aurait pu demander à l'agence régionale de santé de procéder à des investigations acoustiques ;

- l'arrêté municipal du 20 juin 2014 relatif à la lutte contre le bruit n'est pas suffisant dès lors qu'il ne fixe aucune norme de niveau sonore et ne permet pas de mettre fin aux nuisances sonores qu'ils subissent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, la commune de Saint-Louis, représentée par la SELARL Soler - Couteaux et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme A...le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire a pris un arrêté du 20 juin 2014 relatif à la lutte contre le bruit réglementant les terrasses non couvertes ;

- il a exercé toute diligence pour prévenir et rechercher les infractions à la réglementation relative au bruit, les services de police ayant notamment réalisé un contrôle administratif du restaurant le 24 juin 2015 à 22h50 ;

- au vu de la plainte de M. et MmeA..., la maire a fait réaliser une enquête administrative afin d'établir la nature et la gravité des éventuelles nuisances ;

- les données du sonomètre reproduites dans le constat d'huissier ne permettaient pas d'appréhender les nuisances sonores provenant de la terrasse dans des conditions permettant l'application des articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique ;

- les services de police n'ont enregistré qu'une seule plainte, émanant de M. et MmeA..., postérieurement à leur demande du 22 juillet 2015 et il y a été donné suite, la police n'ayant au demeurant, au cours de son intervention, constaté aucune nuisance de nature à troubler la tranquillité publique ;

- M. et Mme A...ont saisi le maire avant même de disposer des résultats de leur expertise privée ;

- le maire a saisi le service compétent de l'Etat pour réaliser des mesures acoustiques et poursuivre, le cas échéant, d'éventuelles infractions à la réglementation relative au bruit et ces mesures devraient être réalisées lors de la prochaine saison d'exploitation de la terrasse du " Restaurant des Lys d'Alsace ", ce dont l'exploitant a été informé ;

- M. et Mme A...ont refusé que l'agence régionale de santé procède aux mesures acoustiques ;

- le maire a tenté de concilier les parties dans ce qui semble être, avant toute chose, un conflit de voisinage ;

- il n'a commis aucune faute dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police en délivrant à l'exploitant un permis de construire modificatif, les autorisations d'urbanisme ne sanctionnant pas le respect de la réglementation relative au bruit ;

- l'implantation de la terrasse du " Restaurant des Lys d'Alsace " est conforme à la destination de la zone UD, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg par un jugement du 26 avril 2018 ;

- le contrôle effectif de l'application de l'arrêté du 20 juin 2014 est assuré notamment par l'organisation de contrôles inopinées auprès des restaurateurs ;

- l'article 11.3 de cet arrêté n'interdit pas les terrasses à ciel ouvert.

La requête a été communiquée à la société " Restaurant des Lys d'Alsace ", qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. et MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeA..., propriétaires et occupants d'une maison d'habitation sur le territoire de la commune de Saint-Louis, ont, par un courrier du 22 juillet 2015, demandé au maire de cette commune de faire immédiatement usage de ses pouvoirs de police et notamment d'enjoindre à la société " Restaurant des Lys d'Alsace " de ne plus exploiter la terrasse ouverte située à l'arrière de l'établissement en vis-à-vis de leur propriété et à l'origine de nuisances sonores. Par une décision du 14 septembre 2015, le maire leur a opposé un refus. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 4 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à la condamnation de la commune à leur verser une somme de 15 000 euros à raison du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi du fait de cette inaction du maire.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 septembre 2015 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2542-2 du code général des collectivités territoriales applicable dans les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin : " Le maire dirige la police locale. / Il lui appartient de prendre des arrêtés locaux de police en se conformant aux lois existantes " et aux termes de l'article L. 2542-3 du même code : " Les fonctions propres au maire sont de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 1334-30 du code de la santé publique, alors applicable : " Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s'appliquent à tous les bruits de voisinage à l'exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-31 de code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé(...) ". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (...) ". Enfin aux termes de l'article R. 1334-33 de ce code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ".

4. Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

5. Ainsi, par un arrêté n° 144/2015 du 20 juin 2014 relatif à la lutte contre le bruit, le maire de Saint-Louis a, d'une manière générale, réglementé, dans cette commune, les horaires des terrasses des établissements ouverts au public, que celles-ci soient situées sur le domaine public ou sur leur propriété privée, en leur imposant une fermeture du 14 mai au 1er octobre à compter de 22 h 00 et du 15 mai au 30 septembre à compter de 23 h 00 les jours ouvrés, les dimanches et les jours fériés, et à compter de 24 h 00 les vendredis, samedis et veilles de jours fériés.

6. Si M. et Mme A...se sont plaints auprès du maire de Saint-Louis des nuisances sonores qu'ils estimaient subir du fait de l'exploitation, depuis le mois de juin 2015, de la terrasse du " Restaurant des Lys d'Alsace " et l'ont finalement saisi, le 22 juillet 2015, d'une demande, reçue le lendemain, tendant à ce qu'il use de ses pouvoirs de police en faisant immédiatement cesser l'activité exercée sur cette terrasse, il ressort des pièces du dossier que le maire, qui avait d'ailleurs fait annexer au permis de construire délivré aux exploitants, son arrêté du 20 juin 2014 au titre des prescriptions à respecter, ne disposait, à la date à laquelle il a pris sa décision, que de deux témoignages des 4 et 6 juillet 2015 provenant de l'entourage familial des époux A...ainsi que de constats d'huissier des 16, 22 et 23 juillet 2015 attestant de la réalisation en cours d'une étude acoustique dans le cadre de l'expertise initiée par les requérants. En outre, les services de police n'ont, lors des contrôles qu'ils ont effectués le 24 juin 2015 à 22h50 et le 26 juillet 2015 à la suite d'un dépôt de plainte des requérants, constaté aucune infraction à la réglementation municipale relative au bruit. Contrairement à ce que soutiennent les époux A...dont la demande aurait été, faute de réponse, implicitement rejetée deux mois après sa réception en mairie, soit le 23 septembre 2015, le maire n'était pas tenu d'attendre la communication du rapport d'expertise acoustique avant de prendre sa décision alors d'ailleurs qu'il est constant que ce rapport ne lui a été communiqué que le 25 septembre suivant. Il en résulte qu'alors qu'il ne disposait pas des éléments permettant d'établir que les nuisances sonores franchissaient les seuils définis par les dispositions précitées du code de la santé publique, le maire de Saint-Louis n'a méconnu ni ces dispositions ni celles du code général des collectivités territoriales en rejetant, par sa décision du 14 septembre 2015, les demandes précises d'intervention qui lui étaient adressées par les épouxA....

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. et Mme A... ont, dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal administratif et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 septembre 2015 du maire de Saint-Louis, présenté, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 26 janvier 2017, soit deux mois après l'introduction de leur recours, des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que leur causait l'illégalité fautive d'une telle décision. M. et Mme A...ayant alors été informés de ce que ces conclusions nouvelles étaient susceptibles d'être rejetées comme irrecevables dans le cadre de l'instance déjà engagée, se sont abstenus de présenter une nouvelle requête indemnitaire. Au surplus, leurs conclusions présentées postérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 qui a modifié les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, n'avaient pas été précédées d'une demande indemnitaire adressée à la commune et susceptible, en tout état de cause, de lier le contentieux. Dans ces conditions, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir qu'en rejetant comme irrecevables leurs conclusions tendant à l'indemnisation de leur préjudice, le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité de nature à en entraîner l'annulation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Louis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A...le versement de la somme que la commune de Saint-Louis demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Louis présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C...A..., à la commune de Saint-Louis et à la société " Restaurant des Lys d'Alsace ".

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N° 17NC02910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02910
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-02 Police. Police générale. Tranquillité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-04;17nc02910 ?
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