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22/11/2018 | FRANCE | N°17NC03052-17NC03053

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC03052-17NC03053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702866 du 3 novembre 2017, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour :

I° - Sous le n° 17NC03052, par une requête enregistrée le 19 décembre 2017, le préfet de la Haute Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du

tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

Il soutient que :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1702866 du 3 novembre 2017, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour :

I° - Sous le n° 17NC03052, par une requête enregistrée le 19 décembre 2017, le préfet de la Haute Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

Il soutient que :

- il maintient ses écritures de première instance ;

- le jugement attaqué a dénaturé l'acte soumis à son appréciation en ce qu'il a considéré à tort que l'arrêté préfectoral contesté comportait une décision d'interdiction de retour, ce qui doit conduire à l'annulation du jugement dans cette mesure ;

- les éléments du dossier suffisaient à établir que M. A...était majeur ;

- le tribunal administratif a enjoint à tort à l'administration de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M.A..., alors qu'un mineur est dispensé de posséder un titre de séjour en vertu des articles L. 311-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II° - Sous le n° 17NC03053 par une requête enregistrée le 19 décembre 2017, le préfet de la Haute Marne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif.

Il soutient que :

- les moyens invoqués en appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;

- en effet, le jugement attaqué a dénaturé l'acte soumis à son appréciation en ce qu'il a considéré à tort que l'arrêté préfectoral contesté comportait une décision d'interdiction de retour, ce qui doit conduire à l'annulation du jugement dans cette mesure ; les éléments du dossier suffisaient à établir que M. A...était majeur ; le tribunal administratif a enjoint à tort à l'administration de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M.A..., alors qu'un mineur est dispensé de posséder un titre de séjour en vertu des articles L. 311-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 13 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 3 août 2018 dans ces deux dossiers.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 17NC03052 et 17NC03053 du préfet de la Haute Marne sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 17NC03052 :

2. M. B...A..., de nationalité malienne, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 19 octobre 2017. Par arrêté du 21 octobre 2017, le préfet de la Haute-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet de la Haute-Marne interjette appel du jugement du 3 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

3. En premier lieu, le préfet soutient que son arrêté ne comportait pas d'interdiction de retour sur le territoire et que c'est à tort que le tribunal administratif a statué sur une telle décision, qui n'a été mentionnée dans le dispositif de l'arrêté que par erreur matérielle. Toutefois, l'article 4 du dispositif de l'arrêté mentionne expressément que M. A...fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. La circonstance que cette décision n'est pas mentionnée dans les motifs de l'arrêté ne suffit pas à démontrer que l'article 4 résulte d'une erreur matérielle. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a statué sur les conclusions de M. A...relative à une telle décision.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après, toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Aux termes de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles : " I.-Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II.-Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. / Cette évaluation s'appuie essentiellement sur : /1° Des entretiens conduits par des professionnels justifiant d'une formation ou d'une expérience définies par un arrêté des ministres mentionnés au III dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et se déroulant dans une langue comprise par l'intéressé ; / 2° Le concours du préfet de département sur demande du président du conseil départemental pour vérifier l'authenticité des documents d'identification détenus par la personne ; / 3° Le concours de l'autorité judiciaire, s'il y a lieu, dans le cadre du second alinéa de l'article 388 du code civil. / III.-L'évaluation est réalisée par les services du département, ou par toute structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle la mission d'évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental. / L'évaluation est conduite selon les modalités précisées dans un référentiel national fixé par arrêté interministériel du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la famille et du ministre chargé de l'outre-mer. / IV.-Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin. ".

7. La présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ne peut être renversée par l'administration qu'en apportant la preuve, en menant les vérifications utiles, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il en va ainsi lorsqu'il s'agit pour le préfet d'établir qu'un étranger est majeur et ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection prévue, en faveur des étrangers mineurs, par le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il est constant que le jugement supplétif de naissance du 22 août 2013 délivré par le tribunal de première instance de Yelimane relevant de la cour d'appel de Kayes mentionnant que M. A...était né le 17 juin 2001, comporte une faute d'orthographe dans un des tampons mentionnant la devise du pays. Si une telle erreur pouvait faire douter de l'authenticité du document, il n'a toutefois pas été soumis à un service spécialisé afin d'en vérifier l'authenticité.

9. Le préfet de la Haute Marne fait valoir que l'âge de M. A...a été apprécié par un " évaluateur professionnel " du conseil départemental sur la base d'un faisceau d'indices, conformément à l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, qui n'a pas estimé que des mesures complémentaires étaient nécessaires. Le préfet soutient également que la présomption de minorité qui s'attachait à ses déclarations étant renversée, il appartenait à l'intéressé de justifier par tout moyen de sa minorité et que ses déclarations au cours de ses auditions sur son parcours, entachées de contradictions et d'incohérence, ne suffisaient pas à remettre en cause le fait qu'il était majeur.

10. Toutefois, à l'appui de ses allégations, le préfet ne produit, comme en première instance, qu'un procès-verbal de police se bornant à mentionner les conclusions du directeur général des services du conseil départemental et une lettre du 21 octobre 2017 d'un agent de la direction de la solidarité départementale du conseil département de la Haute-Marne adressée à M.A..., indiquant qu'il résultait des investigations que son apparence physique était " manifestement incompatible " avec l'âge allégué et que le document qu'il produisait était dépourvu de photographie d'identité et comportait une erreur dans le tampon "officiel". De tels éléments, non assortis de précisions sur les investigations menées quant à la minorité de M. A...et sans qu'il soit fait état d'examens médicaux destinées à l'établir, n'étaient pas suffisamment circonstanciés pour permettre au préfet d'en déduire que l'intéressé était majeur. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaissait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'obligation de quitter le territoire français contestée et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2017.

Sur la requête n° 17NC03053 :

12. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17NC03053 tendant au sursis à exécution de ce jugement.

DECIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17NC03053.

Article 2 : La requête n° 17NC03052 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

2

N° 17NC03052-17NC03053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03052-17NC03053
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc03052.17nc03053 ?
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