La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2018 | FRANCE | N°18NC01008

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 18NC01008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Marne a prononcé leur transfert vers l'Allemagne.

Par un jugement nos 1702393 - 1702394 du 19 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 18NC01007, par une requête enregistrée le 26 mars 2018, Mme

D...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Marne a prononcé leur transfert vers l'Allemagne.

Par un jugement nos 1702393 - 1702394 du 19 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 18NC01007, par une requête enregistrée le 26 mars 2018, Mme D...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2017 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente d'étudier sa demande d'asile à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de suspendre son transfert vers l'Allemagne et de désigner un interprète en vertu des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge ne pouvait prendre en compte les éléments du mémoire en défense produit en première instance par le préfet, lequel était irrecevable en raison du défaut de qualité pour agir de son signataire ;

- la décision de transfert en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été informée de la possibilité d'avertir son consulat, de saisir son conseil ou une personne de son choix et que les principaux éléments sur lesquels se fondent la décision contestée n'ont pas été portés à sa connaissance ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations, en l'absence d'entretien individuel dans une langue qu'elle comprend ;

- la décision en litige lui a été remise sans l'assistance d'un interprète et sans qu'elle ait été entendue ni informée de ses droits ;

- le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a expiré et la décision est ainsi devenue sans objet ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 2 de cette décision relatif à l'exécution d'office ne comprend ni les conditions ni les formalités de son transfert vers l'Allemagne ;

- elle n'a pas été informée par écrit de l'accord des autorités allemandes à sa reprise en charge ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- en application du paragraphe 2 de l'article 13 du même règlement, la France est l'Etat membre responsable de sa demande d'asile.

Par ordonnance du 11 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2018.

Un mémoire présenté par le préfet de la Marne a été enregistré le 15 octobre 2018.

Mme D... B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

II. Sous le n° 18NC01008, par une requête enregistrée le 26 mars 2018, Mme A...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2017 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente d'étudier sa demande d'asile à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de suspendre son transfert vers l'Allemagne et de désigner un interprète en vertu des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux développés à l'appui de la requête n° 18NC01007.

Par ordonnance du 11 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2018.

Un mémoire présenté par le préfet de la Marne a été enregistré le 15 octobre 2018.

Mme A... B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 18NC01007 et 18NC01008 portent sur la situation d'une même famille de ressortissants étrangers et sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu ainsi de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. Mme D... B...et Mme A... B...relèvent appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Marne a prononcé leur transfert vers l'Allemagne.

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Et aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Marne a ordonné le transfert de Mesdames B...aux autorités allemandes sont intervenus moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour leur reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par MesdamesB..., de recours contre ces arrêtés, présentés sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter des jugements du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 décembre 2017 qui, statuant au principal sur les recours, les ont rejetés. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, au motif d'un emprisonnement des intéressées ou au motif que celles-ci auraient pris la fuite. Il ne ressort pas davantage des pièces des dossiers que les décisions de transfert en litige auraient été exécutées au cours de ce délai de six mois, qui expirait le 19 juin 2018, date à laquelle, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de MesdamesB.... Il s'ensuit qu'au 19 juin 2018, les décisions de transfert en litige sont devenues caduques et ne pouvaient plus être légalement exécutées. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions des requêtes de Mesdames B... tendant à l'annulation du jugement du 19 décembre 2017 rejetant leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 28 novembre 2017 décidant leur transfert vers l'Allemagne, ainsi qu'à l'annulation de ces arrêtés et leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mesdames B...présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de Mesdames B...tendant à l'annulation du jugement du 17 novembre 2017 ainsi qu'à l'annulation des arrêtés du 28 novembre 2017 et leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mesdames B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

Nos 18NC01007 - 18NC01008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01008
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;18nc01008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award