La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2018 | FRANCE | N°17NC02081

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17NC02081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 mars 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné une partie du terrain militaire dit Rittplatz en vue de la mise en place d'une aire pour l'accueil de grands passages de gens du voyage du 1er avril au 30 septembre 2015.

Par un jugement n° 1502421 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 16 août 2017, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine, représentée par Me A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 mars 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné une partie du terrain militaire dit Rittplatz en vue de la mise en place d'une aire pour l'accueil de grands passages de gens du voyage du 1er avril au 30 septembre 2015.

Par un jugement n° 1502421 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2017, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine, représentée par Me A...de la SCP Racine Strasbourg - Cabinet d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2015 du préfet du Haut-Rhin ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé à tort, en l'absence de toute situation d'urgence, sur les dispositions du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard du risque pyrotechnique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 mars 2015, le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné, du 1er avril au 30 septembre 2015, une partie du terrain militaire appartenant à l'Etat situé sur les communes de Sainte-Croix-en-Plaine et de Sundhoffen, au lieu-dit Rittplatz, en vue d'y installer les groupes de gens du voyage dans le cadre de l'accueil des " grands passages ". La commune de Sainte-Croix-en-Plaine relève appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / (...) 4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées (...) ". Et aux termes de l'article L. 2542-1 du même code : " Les dispositions du titre Ier du livre II de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l'exception de celles des articles (...) L. 2215-1 (...) ".

3. La commune de Sainte-Croix-en-Plaine soutient que le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur de droit dès lors que les conditions posées au 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ne sont pas remplies pour prendre la mesure de réquisition en litige. Il ressort des pièces du dossier et des écritures en défense que si l'arrêté du 5 mars 2015 vise le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, il n'a pas été pris sur le fondement de ces dispositions, qui en vertu de l'article L. 2542-1 précité du même code, ne sont pas applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Si l'article L. 2542-4 de ce code, applicable à ces départements, renvoie, s'agissant des attributions du représentant de l'Etat, à un décret qui a été abrogé par le IV de l'article 58 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, le représentant de l'Etat dans l'un de ces départements demeure, toutefois, compétent, en vertu de l'article 11 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, pour prendre des mesures de police afin de prévenir ou faire cesser les troubles à l'ordre public. Ce pouvoir de police permet au préfet de prendre aux mêmes fins, sous le contrôle du juge, des mesures de réquisition. Il s'ensuit que le préfet du Haut-Rhin pouvait légalement faire usage de son pouvoir de réquisition pour prévenir les risques de troubles à l'ordre public pouvant résulter de l'absence d'aire d'accueil lors des " grands passages " de gens du voyage dans le département.

4. En second lieu, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier la nécessité de prendre des mesures de police au vu des risques de troubles à l'ordre public dont elle a connaissance et de veiller à ce que ces mesures soient proportionnées à ces risques.

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a été informé par l'association " Action grand passage " de ce que vingt-huit groupes de gens du voyage, représentant plusieurs centaines de caravanes, séjourneraient dans le département entre le 17 mai et le 20 septembre 2015, alors que l'absence d'aire de grand passage désignée préalablement à la venue des groupes de gens du voyage avait conduit, en 2012, à de nombreuses installations de ceux-ci en des lieux non autorisés et à de nombreux troubles à l'ordre public ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre. Si ce même terrain avait déjà été réquisitionné les années précédentes aux mêmes fins, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de réunion du groupe de pilotage technique du schéma départemental d'accueils des gens du voyage, qu'aucun autre terrain n'était susceptible d'accueillir, dans de bonnes conditions de sécurité et d'hygiène, les groupes importants de gens du voyage attendus au cours de l'année 2015. Si la commune de Sainte-Croix-en-Plaine soutient en outre que l'absence d'aire d'accueil des grands passages était connue de l'Etat et résulte en partie de son inaction, de telles circonstances ne sont pas de nature à démontrer le caractère inapproprié et inutile de la mesure de réquisition contestée.

6. Par ailleurs, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine, par les seuls éléments qu'elle produit à l'instance, n'établit pas la réalité ni l'intensité du danger que représenterait pour leurs occupants la présence d'engins pyrotechniques enfouis dans le terrain militaire.

7. Dans ces conditions et compte tenu de la nécessité de permettre d'accueillir rapidement de façon coordonnée et dans de bonnes conditions de sécurité un grand nombre de gens du voyage dont la venue était annoncée et imminente, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige n'était pas nécessaire et disproportionné doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sainte-Croix-en-Plaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Croix-en-Plaine et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin et au ministre des armées.

2

N° 17NC02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02081
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Autorités détentrices des pouvoirs de police générale - Préfets.

Police - Étendue des pouvoirs de police.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;17nc02081 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award