La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2018 | FRANCE | N°17NC01199

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17NC01199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Acrobat X a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2015 par lequel le président du conseil départemental du Jura a décidé la résiliation du marché 14072A relatif à la réalisation de travaux sur les murs de soutènement de la route départementale n° 472 et, d'autre part, de condamner le département du Jura à lui verser la somme de 790 332,41 euros en réparation du préjudice subi en raison de la rupture anticipée du marché.
<

br>Par un jugement n° 1500694 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Besançon a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Acrobat X a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2015 par lequel le président du conseil départemental du Jura a décidé la résiliation du marché 14072A relatif à la réalisation de travaux sur les murs de soutènement de la route départementale n° 472 et, d'autre part, de condamner le département du Jura à lui verser la somme de 790 332,41 euros en réparation du préjudice subi en raison de la rupture anticipée du marché.

Par un jugement n° 1500694 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés le 23 mai 2017, le 22 juin 2017, le 10 juillet 2018 et le 29 août 2018, la société Acrobat X, représentée par

MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 avril 2017 ;

2°) de condamner le département du Jura à lui verser la somme de 790 332,41 euros en réparation du préjudice subi en raison de la rupture anticipée du marché ;

3°) de mettre à la charge du département du Jura les dépens de première instance et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est motivée ;

- le chantier étant achevé il n'y avait pas lieu de demander la reprise des relations contractuelles ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle avait commis une faute en adoptant un sous-traitant sans le déclarer ;

- c'est à tort que le département du Jura a résilié le marché pour faute alors que M. A...n'est pas intervenu sur le chantier en qualité de sous-traitant et qu'il n'avait donc pas à être déclaré en tant tel ;

- les attestations produites à cet effet sont probantes ;

- le maître de l'ouvrage a commis des fautes dans la gestion du marché ;

- la résiliation anticipée du marché lui a causé un préjudice d'un montant de 790 332,41 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 juillet 2018 et le 24 août 2018, le département du Jura, représenté par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Acrobat X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car non motivée ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation sont irrecevables dans la mesure où la requérante n'a pas demandé la reprise des relations contractuelles ;

- si M. A...ne devait pas être regardé comme sous-traitant de la société Acrobat X, la requête serait irrecevable compte tenu de la situation illicite dans laquelle elle se trouvait en employant une personne non déclarée ;

- le département n'a pas commis de faute en résiliant le marché pour faute ;

- le préjudice allégué n'est pas justifié ;

- la totalité des prestations effectuées ont été réglées pour un montant de 160 531,98 euros TTC.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me Labetoule, avocat du département du Jura.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une procédure adaptée, le département du Jura a confié à la société Acrobat X un marché de travaux d'un montant de 316 550 euros HT ayant pour objet la réalisation de travaux de confortement des murs de soutènement de la route départementale 472, dans la commune de Salins-les-Bains. Par un arrêté du 2 mars 2015, le président du conseil départemental a décidé de résilier ce marché pour faute au motif que cette société n'avait pas déclaré préalablement un sous-traitant en vue de son agrément et de l'acceptation de ses conditions de paiement. La société Acrobat X relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et l'indemnisation de son préjudice, estimé à 790 332,41 euros.

2. Lorsqu'il est saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles et qu'il constate que cette mesure est entachée de vices, il incombe au juge du contrat de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut également décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles.

3. La société Acrobat X doit être regardée comme limitant ses conclusions en appel à une demande d'indemnisation du préjudice que lui a causé la résiliation du marché que lui avait initialement confié le département du Jura.

4. Pour prononcer la résiliation du marché, le département du Jura s'est fondé sur un motif tiré de l'absence de déclaration par la société Acrobat X d'un sous-traitant, M. B...A.... La société requérante conteste ce motif en faisant valoir que M. A...n'avait pas la qualité de sous-traitant du marché en cause.

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. ". Aux termes de l'article 5 de la même loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous-traitants auxquels il envisage de faire appel./ En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". Enfin, aux termes des articles 3.6.1.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux dans sa version de 2009 applicable au marché en cause : " Le recours à la sous-traitance, sans acceptation préalable du sous-traitant et sans agrément préalable des conditions de paiement, expose le titulaire à l'application des mesures prévues à l'article 46.3. Il en est de même si le titulaire a fourni, en connaissance de cause, des renseignements inexacts à l'appui de sa demande de sous-traitance. ".

6. Il résulte de l'instruction que le marché passé avec la société Acrobat X avait pour objet la réfection du mur de soutènement de la voirie par débroussaillage, remblai, réalisation de maçonnerie, de batardeaux, dégagement des réseaux. Ces travaux se déroulaient sur un terrain escarpé en partie situé au-dessus d'une rivière. Pour les zones d'accès difficiles, la société a donc estimé utile de faire appel à M. B...A..., artisan indépendant spécialisé dans les " travaux sur cordes ". Il résulte des pièces du dossier que M. A...a effectué sur le chantier des opérations de forage, de carottage, de débroussaillage et montage de sécurité. Ces prestations faisaient partie de celles qui étaient confiées à la société Acrobat X par les clauses du marché.

7. La société Acrobat X fait valoir que M. A...était intégré à l'équipe, qu'il était tenu de respecter les consignes et directives du chef de chantier, qu'il ne disposait pas de matériel spécifique, que les tarifs étaient fixés par la société et que la facturation était à la journée et produit pour la première fois en appel les attestations de son dirigeant et de ses collaborateurs. Toutefois ces témoignages sont contredits par les pièces du dossier de première instance et notamment le courrier de M. A...adressé au président du conseil départemental et les pièces administratives et comptables attestant que l'intéressé exerce son activité en qualité d'artisan indépendant et facture ses prestations de manière autonome. De son côté, la société requérante ne produit pas les documents et déclarations administratives de nature à établir de manière probante que M. A...agissait, comme elle le laisse entendre, en qualité de salarié de l'entreprise. Ainsi la société Acrobat X ne démontre pas qu'eu égard à la nature des travaux ainsi réalisés par ce dernier, son intervention relèverait d'un régime différent de celui de la sous-traitance tel que prévu par la loi du 31 décembre 1975.

8. Il s'ensuit qu'en faisant appel à un sous-traitant sans le déclarer au département du Jura, la société Acrobat X a commis une faute de nature à justifier la résiliation du marché dans les conditions prévues à l'article 46.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux.

9. Si la société Acrobat X se prévaut du retard apporté par le département du Jura à la mettre en demeure de régulariser la situation alors qu'il aurait été informé depuis longtemps de la présence de M. A...sur le chantier, il résulte de l'instruction que cette information n'a été portée à sa connaissance que par les courriers que celui-ci lui a adressés les 16 et 19 janvier 2015. Le maître d'ouvrage n'a aucunement tardé à réagir dans la mesure où il a mis en demeure la société Acrobat X d'apporter des explications sur cette situation dès le 27 janvier 2015. Le département n'a donc commis, avant de résilier le contrat, aucune irrégularité de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société requérante.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Acrobat X n'est pas fondée à demander une indemnisation à raison de la résiliation fautive du contrat qui la liait au département du Jura. Par ailleurs la collectivité territoriale produit les pièces qui établissent que les travaux effectivement réalisés par la société requérante jusqu'à la date de la résiliation ont été rémunérés. La société n'établit pas davantage en appel la réalité des autres préjudices allégués ni le bien-fondé de ses autres demandes indemnitaires.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Acrobat X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. En l'absence de dépens exposés tant en première instance qu'en appel, au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par la société Acrobat X ne peuvent qu'être rejetées.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Jura, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Acrobat X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Acrobat X une somme de 1 500 euros à verser au département du Jura sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Acrobat X est rejetée.

Article 2 : La société Acrobat X versera au département du Jura une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Acrobat X et au département du Jura.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 17NC01199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01199
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Fin des concessions - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : GALLIARD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;17nc01199 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award