La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2018 | FRANCE | N°17NC02164-17NC02531

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 17NC02164-17NC02531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la société Navi SRL et M. E...A...au paiement d'une amende de 10 000 euros au titre de l'action publique et au paiement d'une indemnité globale de 2 501 579,60 euros TTC au titre de l'action domaniale.

Par un jugement no 1100762 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a condamné la société SC Navi SRL au paiement d'une amende de 10 000 euros et d'une indemnité de 2 203 373,94 eur

os.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 1er septe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la société Navi SRL et M. E...A...au paiement d'une amende de 10 000 euros au titre de l'action publique et au paiement d'une indemnité globale de 2 501 579,60 euros TTC au titre de l'action domaniale.

Par un jugement no 1100762 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a condamné la société SC Navi SRL au paiement d'une amende de 10 000 euros et d'une indemnité de 2 203 373,94 euros.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2017 sous le n° 17NC02164, Voies navigables de France (VNF) demande à la cour :

1°) de réformer le jugement no 1100762 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité au titre de l'action domaniale à la somme de 2 203 373,94 euros ;

2°) de condamner la société SC Navi SRL au paiement d'une indemnité de 2 497 440,51 euros.

VNF soutient que :

- l'indemnité allouée par le tribunal, sur la base d'une estimation erronée de la part de l'expert, ne correspond pas au préjudice qu'il a réellement subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2018, la société SC Navi SRL, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1100762 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive du tribunal de commerce de Nancy ;

3°) de constater qu'elle n'a plus d'existence légale depuis le 31 mai 2017 ;

4°) de rejeter la requête ;

5°) subsidiairement, de réduire le montant de la condamnation à la somme maximale de 1 651 386,81 euros HT ;

6°) de mettre à la charge de VNF une somme de 1 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SC Navi Srl soutient que :

- la procédure relative à cette requête doit être jointe à celle relative à la requête enregistrée sous le n° 17NC02531, relative à l'appel de la société SC Navi SRL contre le même jugement ;

- la cour doit surseoir à statuer dès lors que VNF a saisi le tribunal de commerce de Nancy de la même demande d'indemnisation dirigée contre la société SC Navi SRL ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'elle n'a plus d'existence légale, comme le confirme sa radiation du registre du commerce roumain le 31 mai 2017, et que VNF n'a pas déclaré sa créance en Roumanie ;

- les responsabilités doivent être partagées, à hauteur d'au moins 40 % à la charge de VNF, dès lors que les panneaux de signalisation n'étaient pas déneigés et qu'aucun autre dispositif ne protégeait le barrage ;

- le préjudice subi, qui doit tenir compte de la vétusté de l'installation et exclure la taxe sur la valeur ajoutée, ne saurait excéder la somme de 1 651 386,81 euros.

Le 9 avril 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des mémoires et pièces présentés par la société SC Navi SRL en l'absence de justification de la capacité de ses " représentants légaux " à la représenter devant la cour.

Le 13 avril 2018, la société SC Navi SRL a présenté des observations à ce sujet.

Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2018, VNF, représenté par Me D..., conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment et demande, en outre, que soit mise à la charge de la société SC Navi SRL une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2018, la société SC Navi SRL conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

Le 17 juillet 2018, VNF a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 octobre 2017 et 26 mars 2018 sous le n° 17NC02531, la société SC Navi SRL, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1100762 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive du tribunal de commerce de Nancy ;

3°) de constater qu'elle n'a plus d'existence légale depuis le 31 mai 2017 ;

4°) de rejeter la requête ;

5°) subsidiairement, de réduire le montant de la condamnation à la somme maximale de 1 651 386,81 euros HT ;

6°) de mettre à la charge de VNF une somme de 1 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SC Navi SRL soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a qualité pour agir ;

- la procédure relative à cette requête doit être jointe à celle relative à la requête enregistrée sous le n° 17NC02164, relative à l'appel de VNF contre le même jugement ;

- la cour doit surseoir à statuer dès lors que VNF a saisi le tribunal de commerce de Nancy de la même demande d'indemnisation dirigée contre la société SC Navi SRL ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'elle n'a plus d'existence légale, comme le confirme sa radiation du registre du commerce roumain le 31 mai 2017, et que VNF n'a pas déclaré sa créance en Roumanie ;

- les responsabilités doivent être partagées, à hauteur d'au moins 40 % à la charge de VNF, dès lors que les panneaux de signalisation n'étaient pas déneigés et qu'aucun autre dispositif ne protégeait le barrage ;

- le préjudice subi, qui doit tenir compte de la vétusté de l'installation et exclure la taxe sur la valeur ajoutée, ne saurait excéder la somme de 1 651 386,81 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 février et 1er juin 2018, VNF, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société SC Navi SRL à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

VNF soutient que la requête est irrecevable, faute de justification de la qualité pour agir du représentant de la société SC Navi SRL, de signature de la requête et d'existence légale de la requérante, et que, pour le surplus, aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Le 17 juillet 2018, VNF a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la SC Navi SRL.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 décembre 2010 vers 8 heures 30, le bateau " Anita " appartenant à la société SC Navi SRL est sorti du chenal navigable de la Moselle pour s'engager dans un bras d'eau non navigable menant au barrage de Pompey-Frouard. M.A..., capitaine du bateau, n'a pas pu empêcher sa collision avec le barrage, dont l'une des deux vannes cylindres a été détruite. Le 21 décembre 2010, un agent assermenté de Voies navigables de France (VNF), gestionnaire de l'ouvrage pour le compte de l'Etat, a dressé deux procès-verbaux de contravention de grande voirie pour infractions aux articles L. 2132-8 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, l'un à l'encontre de la société SC Navi SRL, propriétaire du bateau, l'autre à l'encontre de M.A..., capitaine du bateau. VNF a ensuite saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à ce que la SC Navi SRL et M. A... soient condamnés au paiement d'une amende, ainsi qu'au remboursement des frais de remise en état de l'ouvrage.

2. Par la requête enregistrée sous le n° 17NC02164, VNF relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 juillet 2017, en ce qu'il a limité le montant de son indemnisation au titre de l'action domaniale à la somme de 2 203 373,94 euros. Par la requête enregistrée sous le n° 17NC02531, la société SC Navi SRL sollicite l'annulation de ce même jugement.

3. Les requêtes nos 17NC02164 et 17NC02531 sont dirigées contre un même jugement, présentent à juger de questions liées et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité :

4. En premier lieu, alors que la société SC Navi SRL, de droit roumain, déclare n'avoir plus d'existence légale à la suite de sa radiation du registre du commerce roumain à la date du 31 mai 2017, elle ne justifie pas de ce que les personnes qui la représentent, dont au demeurant elle ne précise pas l'identité, ont qualité pour agir en son nom. Par suite, VNF est fondée à soutenir que la requête enregistrée sous le n° 17NC02531, bien que présentée par un avocat, doit être rejetée comme irrecevable.

5. En deuxième lieu, pour la même raison que celle indiquée au point précédent, les mémoires déposés par la société SC Navi SRL dans le cadre de l'instance ouverte par la requête enregistrée sous le n° 17NC02164 sont irrecevables et doivent être écartés.

6. En troisième lieu, à supposer que la société SC Navi SRL n'ait plus d'existence légale, cette circonstance est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur les conclusions indemnitaires de VNF, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la ou les procédures prévues par le droit roumain sont susceptibles d'avoir sur l'extinction de cette créance.

Sur le droit à réparation de VNF au titre de l'action domaniale :

7. En premier lieu, dans son rapport du 28 novembre 2015, l'expert judiciaire a estimé le montant de la réparation due à VNF à la somme de 2 196 029,36 euros TTC. Ce montant correspond, selon l'expert, aux dépenses effectivement réglées par VNF au titre des travaux d'urgence et des travaux de réparation du barrage, déduction faite du montant des travaux d'amélioration réalisés à cette occasion et qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte. L'expert a notamment retenu, au titre des travaux de remise en état du barrage, réalisés par le groupement Rouby-Peduzzi, une somme de 1 051 310,31 euros TTC. Or, il résulte de l'instruction, en particulier du décompte général arrêté le 13 avril 2012 par le maître d'ouvrage et accepté par les entreprises, que le montant du marché en cause s'est, en réalité, élevé à la somme de 1 344 396,66 euros TTC. En l'absence de toute explication ou indication, dans le rapport, quant à cet écart de 293 086,35 euros TTC, qui ne correspond ni aux travaux d'amélioration que l'expert a analysés et retranchés de façon distincte, ni à l'évaluation de la vétusté, qu'il a expressément réservée, et dès lors qu'il est constant que VNF a effectivement réglé la somme de 1 344 396,66 euros TTC et non celle de 1 051 310,31 euros TTC, VNF est fondé à soutenir que cette somme de 293 086,35 euros TTC doit être prise en compte au titre de la réparation de son préjudice.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, si l'ouvrage public endommagé, dont la durée d'utilisation des composants hydrauliques en acier est habituellement fixée à 100 ans, a été installé en 1929, il a fait l'objet d'une restauration complète en 2006 et 2007. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de procéder à un abattement au titre de la vétusté sur le montant de la réparation due à VNF.

9. En troisième lieu, le montant des frais exposés pour la remise en état d'un ouvrage public endommagé par l'auteur d'une contravention de grande voirie comprend la taxe sur la valeur ajoutée, qui est un élément indissociable de ces frais, lorsque la taxe grève les travaux de réparation. Il n'y a pas lieu de diminuer ce montant de celui de la taxe acquittée sur les travaux dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que VNF, établissement public distinct de l'Etat et personne morale de droit public au sens de l'article 256 B du code général des impôts, soit assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses opérations.

10. En revanche, il n'y a pas lieu de faire application du taux de 20 % en vigueur à la date de dépôt du rapport de l'expert, dès lors que le préjudice à indemniser correspond à des frais déjà réglés avant cette date et dont le montant comprenait une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %.

11. En conclusion de tout ce qui précède, la société SC Navi SRL n'est pas recevable à contester le jugement attaqué, tandis que VNF est fondé à soutenir que le montant de son indemnisation doit être fixé à la somme de 2 489 115,71 euros. Dès lors, les conclusions à fin d'annulation de la société SC Navi SRL doivent être rejetées et le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il a, à tort, limité l'indemnisation de VNF à la somme de 2 203 373,94 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de VNF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société SC Navi SRL demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société SC Navi SRL une somme de 1 500 euros à verser à VNF au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La société SC Navi SRL est condamnée à verser à Voies Navigables de France, au titre de l'action domaniale, une indemnité de 2 489 115,71 euros (deux millions quatre-cent-quatre-vingt-neuf mille cent-quinze euros et soixante-et-onze centimes).

Article 2 : Le jugement no 1100762 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La société SC Navi SRL versera à Voies Navigables de France une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Voies Navigables de France et à la société SC Navi SRL.

Copie en sera adressée pour information au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle et au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 17NC02164-17NC02531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02164-17NC02531
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03-01-04-02-02 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie. Poursuites. Condamnations. Remise en état du domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : RICHEMONT NICOLAS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-04;17nc02164.17nc02531 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award