La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2018 | FRANCE | N°18NC00013

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 18NC00013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera, le cas échéant, reconduite.

Par un jugement n° 1701447 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2018, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera, le cas échéant, reconduite.

Par un jugement n° 1701447 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2018, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 septembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 3 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié que son signataire bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle n'est pas suffisamment motivée eu égard notamment à ses formules stéréotypées ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- un titre de séjour aurait dû lui être délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié que son signataire bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été entendue préalablement à son édiction en méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union européenne et qu'elle n'a pas été informée de ce qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié que son signataire bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juin 2018 et le 11 juin 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine, déclare être entrée sur le territoire français le 25 septembre 2012 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 12 décembre 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera le cas échéant reconduite.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, a reçu, par arrêté du 18 juillet 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans la Marne, délégation de signature aux fins de signer les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. La décision contestée vise les textes dont elle fait application, et notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte également les considérations de faits nombreuses et détaillées qui en constituent le fondement. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

4. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

7. D'une part, Mme A...ne justifie pas, par les seules pièces versées au dossier, de la continuité de son séjour en France depuis l'année 2012, date de son arrivée supposée sur le territoire, et si elle soutient avoir été contrainte de fuir la région parisienne pour faire cesser les violences dont elle était victime du fait du père de son fils, elle ne présente, à l'appui de ces allégations, aucune pièce probante, le rapport établi par les services sociaux du département de la Marne qu'elle produit, se bornant à reprendre ses propres déclarations et à mentionner qu'elle a été accompagnée pour la réalisation de ses démarches administratives. Elle ne se prévaut, en outre, de l'existence d'aucun autre membre de sa famille en France. D'autre part, elle n'établit ni même n'allègue exercer une activité professionnelle. Dans ces conditions, en estimant qu'elle ne pouvait être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " et aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ".

9. Pour les mêmes motifs, que ceux exposés au point 7 ci-dessus et alors que Mme A...ne conteste pas la mention figurant dans la décision attaquée selon laquelle ses parents ainsi que son frère résident au Maroc, la décision attaquée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article 9 du code civil.

10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de son fils, né le 9 juillet 2014, alors qu'il n'est nullement établi que le père de l'enfant réside en France ou participe à son éducation ou à son entretien. Dès lors, cette décision ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ne peut donc qu'être écarté.

12. Il résulte enfin de ce qui a été exposé aux points précédents que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

14. Le droit d'être entendu avant l'intervention d'une mesure individuelle défavorable, constitue un principe général de droit communautaire impliquant, s'agissant des mesures d'éloignement, que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait été privée de la possibilité de présenter toutes observations utiles de nature à faire obstacle à un éventuel refus de titre de séjour ou à une mesure d'éloignement, ni qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni enfin qu'elle ait été empêchée de s'exprimer avant que les décisions ne soient prises. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendu qu'elle tient, notamment, du droit de l'Union européenne.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les dispositions de l'article 9 du code civil et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision fixant un pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article 9 du code civil.

18. Si Mme A...soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine elle et son fils seraient confrontés à des représailles de sa famille eu égard à la naissance hors mariage de ce dernier, ses allégations ne sont assorties d'aucun élément de nature à venir au soutien de leur bien-fondé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'éloignement de Mme A...à destination du Maroc méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son fils.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC00013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00013
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;18nc00013 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award