La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2018 | FRANCE | N°17NC02329

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 17NC02329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2015 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'autoriser à exploiter 191 hectares et 29 ares de terres agricoles situées sur les territoires des communes de Hannogne-Saint-Rémy et Seraincourt.

Par un jugement no 1502516 du 1er août 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire en réplique, enregistrés les 25 septembre 2017 et 22 mars 2018, Mme E... A...épouseB..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2015 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'autoriser à exploiter 191 hectares et 29 ares de terres agricoles situées sur les territoires des communes de Hannogne-Saint-Rémy et Seraincourt.

Par un jugement no 1502516 du 1er août 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre 2017 et 22 mars 2018, Mme E... A...épouseB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1502516 du 1er août 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Ardennes du 2 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de statuer à nouveau sur sa demande et d'y faire droit dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- le préfet l'a empêchée d'être entendue par la commission départementale d'orientation agricole ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et de celle du preneur en place ;

- sa demande était superfétatoire dès lors qu'elle relève, par dérogation, du régime de la déclaration, en application du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- la décision est entachée d'erreur de fait, notamment en ce qui concerne son âge, sa situation et de celle du preneur en place ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de sa qualité de jeune agricultrice et des orientations du schéma directeur départementale des structures agricoles ;

- le préfet n'a pas analysé la situation du GAEC Sarazin ;

- le préfet s'est livré à une appréciation erronée de l'incidence du projet sur la situation du GAEC Sarazin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le GAEC Sarazin, représenté par la SCP Ledoux-Ferri-Yahiaoui-Riou Jacques-Touchon, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B...à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le GAEC Sarazin soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

L'instruction a été close le 26 mars 2018.

Des mémoires ont été déposés pour Mme B...les 6 et 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour MmeB..., ainsi que celles de Me C..., pour le GAEC Sarazin.

Une note en délibéré présentée par le GAEC Sarazin a été enregistrée le 16 juillet 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juin 2015, Mme E... A...épouse B...a demandé au préfet des Ardennes l'autorisation d'exploiter 191 hectares et 29 ares de terres agricoles situées sur les territoires des communes de Hannogne-Saint-Rémy et Seraincourt, appartenant à sa mère, son oncle et sa tante et exploitées, depuis 1988, par la SCEA Sarazin, devenue GAEC Sarazin. Par un arrêté du 2 octobre 2015, le préfet des Ardennes a rejeté sa demande.

2. Mme B...relève appel du jugement du 1er août 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : (...) / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; (...) ". Aux termes de l'article R. 331-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. - La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 (...) ".

4. Si ces dispositions n'obligent pas le préfet à se prononcer expressément sur chacun des critères dont l'article L. 331-3 prescrit de tenir compte, il lui appartient de préciser en quoi la situation du demandeur par rapport à celle du précédent exploitant, justifie l'octroi ou non de l'autorisation d'exploiter au regard de ces critères et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles.

5. L'arrêté attaqué, après avoir rappelé l'âge et la situation familiale de MmeB..., indique qu'elle souhaite s'installer sur une surface de 191,29 hectares, que son projet est soumis à autorisation dès lors que cette surface excède le seuil de 150 hectares défini par le schéma directeur départemental des structures agricoles des Ardennes. Il indique également que les biens sur lesquels porte la demande n'ont pas fait l'objet d'une demande concurrente, que le GAEC Sarazin, exploitant des terres agricoles en cause, dont il mentionne l'identité et l'âge des associés, ne consent pas à l'opération et que celle-ci implique la perte de 191,29 des 406,44 hectares qu'il met en valeur et remet en cause l'équilibre économique et la viabilité de son exploitation, ainsi que l'emploi d'au moins un salarié. Enfin, l'arrêté précise que l'avis donné par la commission départementale d'orientation agricole le 10 septembre 2015 est conforme aux orientations du schéma directeur des structures agricoles des Ardennes.

6. Si le préfet a ainsi analysé la situation du GAEC Sarazin, il s'est, en revanche, borné à examiner la demande de Mme B...du seul point de vue de sa soumission au régime de l'autorisation préalable d'exploiter, sans analyser la situation de l'intéressée ni indiquer en quoi, par rapport à celle du GAEC Sarazin, et au regard de ces critères et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles, sa situation justifiait que l'autorisation d'exploiter lui fût refusée.

7. Dès lors, Mme B...est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut de motivation.

8. En second lieu, alors que les motifs énoncés dans l'arrêté litigieux ne permettent pas de vérifier que le préfet a, comme il lui incombait de le faire, analysé la situation de Mme B... par rapport à celle du GAEC Sarazin au regard de ces critères et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles, il ne ressort d'aucune autre pièce du dossier qu'il se soit effectivement livré à une telle analyse. Dès lors, en s'abstenant d'exercer pleinement son contrôle, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, et que ce jugement, ainsi que l'arrêté attaqué, doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative compétente se prononce à nouveau sur la demande de MmeB.... En application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Ardennes de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le GAEC Sarazin demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B...au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement no 1502516 du 1er août 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Ardennes de prendre une nouvelle décision sur la demande d'autorisation d'exploiter présentée par Mme E... A...épouse B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... A...épouse B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...épouseB..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au GAEC Sarazin et au préfet des Ardennes.

2

N° 17NC02329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02329
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations. Motifs de la décision.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : C. PINCHON - S. CACHEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;17nc02329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award