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19/07/2018 | FRANCE | N°17NC00245

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 17NC00245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bioreva a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne à lui verser une somme de 128 819,34 euros, assortie des intérêts moratoires, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi dans le cadre de l'exécution du marché d'exploitation de l'unité de compostage des boues de stations d'épuration des communes de Chaumont, Langres et Nogent.

Par un jugement n° 1301153 du 6 décembre 2016, l

e tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bioreva a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne à lui verser une somme de 128 819,34 euros, assortie des intérêts moratoires, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi dans le cadre de l'exécution du marché d'exploitation de l'unité de compostage des boues de stations d'épuration des communes de Chaumont, Langres et Nogent.

Par un jugement n° 1301153 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2017, la société Bioreva, représentée par Me Midol-Monnet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 décembre 2016 ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne à lui verser une somme de 128 819,34 euros au titre de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions du syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne prolongeant la phase 2 du marché d'exploitation correspondant à la " période de garantie " concernent exclusivement le marché de conception-réalisation et n'ont donc pu avoir pour objet ou pour effet de prolonger la période de garantie contractuelle du marché d'exploitation ;

- en tout état de cause, la décision de prolongation du 30 octobre 2009 est illégale en l'absence du respect du délai de prévenance stipulé à l'article 3.02 du cahier des clauses administratives et techniques particulières (CCATP) du marché d'exploitation ;

- la prolongation fautive de la " période de garantie " a eu pour effet de la priver du bénéfice d'une rémunération fixe annuelle d'un montant de 162 812 euros, d'une rémunération proportionnelle de 34,82 euros par tonne de boues apportée par le syndicat et de la dotation au fonds de gros entretien et renouvellement d'un montant de 16 500 euros hors taxes à compter du 1er novembre 2009 jusqu'à la fin du contrat au mois d'août 2013 ;

- elle justifie d'un préjudice direct et certain dès lors que le maintien en phase 2 du marché n'était pas justifié au fond et que les conditions d'une exploitation en phase 3, correspondant à une exploitation normale de l'ouvrage, étaient réunies.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2017 et le 20 décembre 2017, le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne, représenté par Me Bernardde l'AARPI Frêche et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Bioreva le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la phase 2 du marché a été régulièrement prolongée, les stipulations de l'article 3.02 du CCATP du marché prévoyant que si la " période de garantie " du marché de conception-réalisation était prolongée, la phase n° 2 du marché d'exploitation devait en conséquence être nécessairement prolongée ;

- la décision de prolongation du 4 juin 2010 était régulière, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

- en l'absence de faute, la demande indemnitaire de la société Bioreva ne peut qu'être rejetée ;

- en cas d'irrégularité tenant à une prolongation tardive en méconnaissance des délais fixés par le marché, cette faute est sans lien de causalité avec les préjudices dont la société Bioreva demande l'indemnisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat du 12 mai 2006, le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne a confié à la société Bioreva un marché de conception-réalisation d'une unité de compostage pour le stockage et le traitement des boues issues des stations d'épuration des communes de Chaumont, Langres et Nogent destinée à produire un compost répondant à la norme NF U 44-095. En outre, par un contrat du 17 juillet 2007, le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne a confié le marché d'exploitation de cette installation à un groupement solidaire composé de la société Bioreva, mandataire, et de la société Biodepe, pour une durée de six ans. La société Bioreva relève appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne à lui verser la somme de 128 819,34 euros, assortie des intérêts moratoires, en réparation des préjudices subis dans le cadre de l'exécution du marché d'exploitation.

Sur la responsabilité :

2. Selon les stipulations du cahier des clauses administratives et techniques particulières (CCATP) du contrat en litige, le marché d'exploitation de l'unité de compostage comprenait trois phases. La première phase de ce marché correspondait à la mise en route de l'installation pour une durée de quatre mois à compter de la mise au point du marché et déclenchée par l'ordre de service n° 1 ainsi que la mise en régime de l'installation, déclenchée par l'ordre de service n° 2, et la mise en observation, déclenchée par l'ordre de service n° 3. La deuxième phase du marché d'exploitation, déclenchée par l'ordre de service n° 4, était relative à la période de garantie, pour une durée prévue de douze mois. Enfin, la phase n° 3 de ce marché correspondant à la " période d'exploitation ", dite phase " d'exploitation normale " devait intervenir à la suite de la notification de 1'ordre de service n° 5, pour une durée prévisionnelle de cinquante-six mois avec une période de reconduction maximale de douze mois.

3. S'agissant tout particulièrement de la deuxième phase d'exécution du marché, les stipulations de l'article 3.02 du CCATP prévoient que : " La durée de la phase 2 correspond à la période de garantie des installations nouvelles telle que définie dans le marché de construction passé entre la collectivité et Bioreva. Elle prend effet à la réception par le titulaire de l'ordre de service n° 4 / La phase 2 peut être prolongée sur décision expresse du président de la collectivité. Le président de la collectivité prend par écrit la décision de prolongation de la phase et la notifie au titulaire au plus tard 1 mois avant la date d'échéance de la phase en question ". Aux termes de l'article 11 du même document contractuel : " La phase 2 débute à la réception par le titulaire de l'ordre de service n° 4 et prend fin à réception de l'ordre de service n° 5 qui suit la réception sans réserve de l'unité de compostage telle que définie dans le marché de construction, conformément aux dispositions de l'article 3 ".

4. Ces stipulations renvoient, s'agissant de la durée de la deuxième phase, à celles du cahier des clauses administratives particulières du marché de conception-réalisation de l'unité de compostage dont l'article 44.1 prévoit que : " Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est dit au 44.2 - d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui dans le cadre du respect des performances de l'installation vérifiées par les essais de garantie, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement " (...) ". L'article 44.2 du même document stipule enfin que : " Si, à l'expiration du délai de garantie, l'entrepreneur n'a pas procédé à l'exécution des travaux et prestations énoncés au 44.1 - ainsi qu'à l'exécution de ceux qui sont exigés, le cas échéant, en application de l'article 39 -, le délai de garantie peut être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par l'entrepreneur ou qu'elle le soit d'office conformément aux stipulations du 41.5.4 ".

5. Bien que les stipulations précitées du CCATP relatives à la phase 2 du marché d'exploitation se réfèrent à la période de garantie du marché de conception-réalisation, les modalités particulières d'entrée en phase 2 du marché d'exploitation ainsi que celles selon lesquelles cette phase est susceptible d'être prolongée demeurent.régies par les seules stipulations de ce marché d'exploitation Il suit de là, et contrairement à ce que fait valoir le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne, que ni l'ouverture de la période de garantie du marché de conception-réalisation, ni sa prolongation éventuelle, n'impliquent par elles-mêmes que la phase 2 du marché d'exploitation ou sa prolongation éventuelle, interviennent sans décision de la personne responsable de ce marché distinct.

6. Il résulte de l'instruction que l'entrée en phase 2 du marché d'exploitation, correspondant à la période de garantie, a été notifiée à la société Bioreva par un ordre de service du 2 novembre 2007 pour la période allant du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008. Alors que, selon les stipulations précitées de l'article 3.02 du marché d'exploitation, cette phase du marché pouvait être prolongée par une décision expresse du président de la collectivité notifiée au titulaire au plus tard un mois avant sa date d'échéance, la lettre du 30 septembre 2008 par laquelle le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne a seulement décidé de prolonger de douze mois la période de garantie du marché de conception-réalisation, ne saurait être regardée, eu égard notamment aux termes dans lesquels elle est rédigée, comme concernant également la phase 2 du marché d'exploitation, alors, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les parties aient manifesté leur intention commune d'étendre la portée de cette prolongation en la regardant comme valant également pour le marché d'exploitation. Ainsi que le soutient la société requérante, cette lettre du 30 septembre 2008 n'avait pas pour objet et n'a pas eu pour effet de prolonger la période de garantie du marché d'exploitation.

7. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 30 septembre 2012 que l'unité de compostage connaît des dysfonctionnements liés à de multiples pannes de la mélangeuse, à un défaut de fiabilité des sondes de mesure de températures et au fait que les proportions de matériau structurant par rapport aux boues étaient systématiquement supérieures au rapport annoncé par le concepteur, et que ces dysfonctionnements l'empêcheront d'assurer de manière continue un traitement de 8 000 tonnes de boues par an dans le respect des stipulations du cahier des charges du marché de conception-réalisation. L'instruction établit également que le fonctionnement normal de l'unité de compostage nécessite de procéder au remplacement de la mélangeuse, de créer un espace dédié au mélange avant chargement ainsi que des surfaces supplémentaires de stockage couvert, de procéder à une surveillance continue de la qualité des co-produits structurants et de fiabiliser la mesure des températures et la transmission des données. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Bioreva, les conditions contractuelles d'un passage en phase 3 du marché d'exploitation n'étaient, en tout état de cause, pas réunies. Dans ces conditions, la société Bioreva ne peut être regardée comme ayant été privée de la rémunération correspondant à la phase d'exploitation normale de l'ouvrage ni comme ayant subi de ce fait un manque à gagner.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bioreva n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Bioreva demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bioreva le versement de la somme que le syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Bioreva est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bioreva et au syndicat intercommunal de traitement des boues du Sud Haute-Marne.

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N° 17NC00245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00245
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : MIDOL-MONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;17nc00245 ?
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