Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 28 août 2015 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de trois mois à compter du 31 août 2015, ainsi que la décision du 30 septembre 2015 par laquelle le même ministre a prononcé sa mutation à la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Champagne-Ardenne.
Par un jugement no 1502673 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 30 septembre 2015.
Procédure devant la cour :
I. Par un recours, enregistré le 28 décembre 2017 sous le n° 17NC03140, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler les articles 1 à 3 du jugement no 1502673 du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Le ministre soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la mutation d'office décidée à l'encontre de M. B...constitue une sanction disciplinaire déguisée dès lors qu'elle a été prise non pas dans le but de sanctionner les fautes commises par l'intéressé, mais dans l'intérêt du service, compte tenu du climat de tension suscité dans l'établissement par son comportement, et que la nouvelle affectation de M. B...correspond à son statut d'emploi et ne porte pas atteinte à sa situation professionnelle ;
- les autres moyens soulevés par M. B...en première instance ne sont pas mieux fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, M. D... B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
II. Par un recours, enregistré le 28 décembre 2017 sous le n° 17NC03141, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 1502673 du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Le ministre soutient que :
- la réintégration de M. B...dans ses anciennes fonctions, qu'implique l'exécution du jugement attaqué, porterait gravement préjudice au bon fonctionnement de l'établissement ;
- les moyens développés dans la requête d'appel, à laquelle il renvoie expressément, sont sérieux et de nature à entraîner, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018, M. D... B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que la requête est irrecevable en l'absence de motivation et que, pour le reste, aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires,
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat,
- le décret n° 91-921 du 12 septembre 1991 relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois de direction des établissements publics d'enseignement et de formation professionnelle agricoles,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B..., ainsi que celles de Mme A..., pour le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 août 2015, le ministre chargé de l'agriculture a suspendu M. D... B..., professeur de lycée professionnel agricole, des fonctions de directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Fayl-Billot qu'il exerçait depuis le 1er septembre 2011. Par un arrêté du 30 septembre 2015, après avis favorable de la commission administrative paritaire du 24 septembre 2015, le même ministre a prononcé sa mutation sur un poste de chargé de mission pour la formation professionnelle et l'apprentissage au service régional de formation et du développement de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Champagne-Ardenne. M. B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler ces deux arrêtés.
2. Par un recours enregistré sous le n° 17NC03140, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2017 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 30 septembre 2015. Par un recours enregistré sous le n° 17NC03141, le ministre demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
3. Les deux recours, nos 17NC03140 et 17NC03141, sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B...faisait fonction de directeur d'un établissement comportant un lycée, un centre de formation et une exploitation agricole, doté d'environ 70 agents et d'un budget d'un million et demi d'euros, que la commission administrative paritaire compétente pour les directeurs d'établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole avait, le 13 avril 2015, émis un avis favorable à son maintien dans ses fonctions à la rentrée 2015 et qu'il était inscrit sur la liste d'aptitude en tant que directeur d'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole au titre de la rentrée 2016. Or, il ressort des pièces du dossier que le poste de chargé de mission sur lequel M. B...a été affecté par l'arrêté contesté du 30 septembre 2015 ne comporte aucune mission d'encadrement et entraîne ainsi une diminution importante de ses responsabilités. En outre, la décision litigieuse a obéré ses chances de bénéficier à brève échéance d'un détachement sur un emploi de direction en application du décret du 12 septembre 1991 susvisé.
5. Dans ces conditions, la décision litigieuse a porté une atteinte significative à la situation professionnelle de M.B....
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse est fondée sur les conclusions d'un rapport, établi le 8 juillet 2015 par deux inspecteurs de l'enseignement agricole et ayant pour objet la manière de servir de M.B.... Les inspecteurs y évoquent quatre séries de griefs à l'encontre de ce dernier : un comportement autoritaire susceptible, selon eux, de s'inscrire dans la définition du harcèlement moral, des attitudes inappropriées vis-à-vis du personnel féminin, un manque de réserve dans ses propos et une certaine confusion entre la sphère professionnelle et la sphère privée.
7. Le ministre fait valoir que de tels agissements étaient de nature à compromettre le bon fonctionnement du service. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 24 septembre 2015, que seul le rapport du 8 juillet 2015 sur la manière de servir de M. B...a été présenté devant la commission, alors que les inspecteurs, à la suite de la même inspection sur les lieux entre les 24 et 26 juin 2015, avaient également établi, le 17 juillet 2015, un rapport d'expertise d'établissement portant sur l'organisation et le fonctionnement de ce dernier sous la direction de M.B.... Par ailleurs, il ressort des explications du président de la commission administrative paritaire, " sous-directeur mobilité, emplois et carrières " au ministère de l'agriculture, présentées lors de la réunion de la commission, que le choix de procéder à la mutation de M. B...a été déterminé par la considération que les faits reprochés à l'intéressés n'étaient pas suffisamment établis par le rapport d'inspection, lequel ne permettait ainsi pas, à lui seul, d'engager une procédure disciplinaire. En outre, après que le président de la commission a souligné que le rapport sur la manière de servir de l'intéressé constituait désormais pour lui une " épée de Damoclès ", son adjoint a ajouté que le courrier de notification de la décision lui indiquerait que " toute nouvelle faute de comportement qui lui serait reprochée entraînerait l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre ". Dans ces conditions, la décision litigieuse doit être regardée comme ayant été prise dans un but disciplinaire.
8. Par suite, la décision contestée a le caractère d'une sanction déguisée. A défaut d'avoir été précédée d'une procédure disciplinaire garantissant les droits de la défense de M. B..., et à supposer que les faits reprochés à M. B...soient établis, elle est entachée d'illégalité.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 30 septembre 2015 portant mutation de M.B.... Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation du jugement et de rejet de la demande de l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
10. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien fondé du jugement du 2 novembre 2017, les conclusions du ministre de l'agriculture et de l'alimentation tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B...au titre de ces dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 17NC03141 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 1502673 du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours n° 17NC03141, ainsi que les conclusions du recours n° 17NC03140, sont rejetés.
Article 3 : L'Etat versera à M. D...B...une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. D... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.
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N° 17NC03140-17NC03141