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14/06/2018 | FRANCE | N°16NC02854

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 16NC02854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Bergsol a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre du mois de décembre 2007.

Par un jugement n° 1301824 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, la SCI Bergsol, représentée pa

r Me B...A..., demande à la cour d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Bergsol a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre du mois de décembre 2007.

Par un jugement n° 1301824 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, la SCI Bergsol, représentée par Me B...A..., demande à la cour d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2016.

Elle soutient que les rappels en cause sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit.

Par des mémoires complémentaires enregistrés le 7 février 2017 et le 30 mars 2018, la SCI Bergsol demande en outre à la cour :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie ainsi que des majorations correspondantes réclamés au titre du mois de décembre 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas fait communiquer l'intégralité des pièces utiles à la solution du litige et a fait preuve de partialité en faveur de l'administration ;

- aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'est dû dès lors qu'elle s'est trouvée confrontée à un cas de force majeure empêchant le respect des conditions posées par l'article 691 du code général des impôts ;

- les rappels en cause sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; le terrain acquis a été affecté par une pollution illégale et elle a dû faire face seule aux travaux de dépollution, sans le concours de l'Etat ;

- l'administration a fait preuve de déloyauté en ne sollicitant pas dès l'expiration du délai de quatre ans le bénéfice des droits d'enregistrement ;

- la SCI n'a pas été entendue équitablement dans la mesure où la réalité des faits établie par les pièces transmises a été ignorée.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête de la SCI Bergsol n'est pas suffisamment motivée.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- etles conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI Bergsol, qui exerce une activité d'acquisition, de gestion, de location et d'administration de biens immobiliers, a acquis le 13 décembre 2007 un tènement industriel situé à Munster, pour un prix de 994 000 euros, auprès de la société Starvest ; que dans l'acte de vente, la société a choisi de se placer sous le régime de faveur, permettant l'exonération de taxe sur la publicité foncière ou de droits d'enregistrement, prévu par les dispositions combinées des articles 257,7° et 1594-0 G (anciennement article 691) du code général des impôts, en prenant l'engagement de réaliser les constructions envisagées dans un délai de quatre ans à compter de la date de la vente ; que les constructions prévues n'ont pas été réalisées à l'expiration dudit délai, en raison de l'ampleur de travaux de dépollution à engager au préalable, et la société n'a pas procédé au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée exigible ; que par proposition de rectification du 8 décembre 2010, l'administration lui a notifié un rappel concernant la taxe sur la valeur ajoutée collectée, assorti des majorations correspondantes ; que la SCI Bergsol relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société requérante soutient que le tribunal administratif ne s'est pas fait communiquer l'intégralité des pièces utiles à la solution du litige et a fait preuve de partialité en faveur de l'administration ; que la circonstance que le tribunal n'ait pas sollicité la production de l'ensemble des éléments relatifs à la pollution du tènement industriel acquis par l'intéressée ne saurait en l'espèce, et compte tenu de l'objet du litige porté devant lui, caractériser une méconnaissance du respect du contradictoire ou un manquement au devoir d'impartialité ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à se prévaloir du caractère irrégulier du jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil.1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; Sont notamment visés par le premier alinéa, les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte qui constate l'opération, l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport obtient le permis de construire ou le permis d'aménager ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 285 du même code alors en vigueur : " Pour les opérations visées au 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est due : (..) 3° Par l'acquéreur, la société bénéficiaire de l'apport, ou le débiteur de l'indemnité, lorsque la mutation ou l'apport porte sur un immeuble qui, antérieurement à ladite mutation ou audit apport, n'était pas placé dans le champ d'application du 7° de l'article 257 " ; qu'aux termes de l'article 691 du code général des impôts, alors en vigueur, dont les dispositions ont été transférées au A de l'article 1594-0 G du code général des impôts : " Sous réserve de l'article 691 bis, sont exonérés de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement : A. I. Lorsqu'elles entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions : 1° De terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis ; (...) II. Cette exonération est subordonnée à la condition : 1° Que l'acte d'acquisition contienne l'engagement, par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles, pour terminer les immeubles inachevés ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation, et qu'il précise le nombre, la nature et la destination des immeubles dont la construction est projetée ; 1° bis Que soit produit un certificat d'urbanisme déclarant le terrain constructible ; 2° Que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans, sauf application des dispositions du IV, de l'exécution des travaux prévus au 1° et de la destination des locaux construits ou achevés, en précisant si ces locaux sont ou non affectés à l'habitation pour les trois-quarts au moins de leur superficie totale. (...) " ; que l'article 250 de l'annexe II au code général des impôts prévoyait que : " Au moment de l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration de transfert de propriété visée à l'article 251, ou de l'exécution de la formalité fusionnée, le redevable est tenu de remettre au comptable des impôts compétent une déclaration, en double exemplaire, conforme au modèle fixé par l'administration et contenant les éléments nécessaires à la liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes qui souscrivent des déclarations mensuelles ou trimestrielles pour le paiement de la taxe afférente à leurs opérations. " ; qu'enfin, son article 251 disposait que : " Le bénéfice des dispositions du A de l'article 1594 F quinquies, du A de l'article 1594-0 G, de l'article 730 et du IV de l'article 810 du code général des impôts est subordonné au paiement de la taxe lors du dépôt de la déclaration prévue à l'article 250. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'opération en cause d'acquisition d'un tènement immobilier était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, et d'autre part, que le bénéfice de l'exonération de droits d'enregistrements prévue par l'article 1594-0 G précité supposait le paiement préalable de ladite taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il est constant que la SCI Bergsol, qui s'est de son propre chef placée sous le régime de faveur des articles 257,7° et 1594-0 G du code général des impôts, n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux droits relatifs à l'opération d'acquisition du tènement industriel en cause et ne s'est ainsi pas acquittée du versement de la taxe exigible correspondante ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1594-0 G du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) IV. Une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixé au II peut être accordée par le directeur des services fiscaux du lieu de la situation des immeubles dans des conditions fixées par décret, notamment en cas de force majeure ou lorsqu'il s'agit de la construction d'ensembles à réaliser progressivement par tranches successives. (...) " ; qu'aux termes de son article 290 : " Pour les actes constatant soit des ventes, soit des apports en société de terrains à bâtir ou de biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G du code général des impôts, soit le versement d'indemnités de toute nature aux personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance ou qui les occupent en droit ou en fait, l'exonération de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement prévue à ce texte est subordonnée aux conditions, formalités et justifications visées au A de l'article 1594-0 G précité et à l'article 266 bis de l'annexe III audit code. " ; que l'article 291 du même code prévoyait que : " Lorsque les conditions prévues à l'article 290 ne sont pas remplies, les actes ayant bénéficié de l'exonération visée audit article sont soumis à la taxe de publicité foncière ou aux droits d'enregistrement dans les conditions de droit commun. Toutefois, la taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de l'opération constatée par les actes considérés est admise en déduction de ces impositions dans la limite de leur montant, à moins qu'elle n'ait déjà fait l'objet d'une déduction à l'occasion d'une nouvelle mutation du même immeuble. " ;

6. Considérant que la SCI Bergsol se prévaut de la tolérance dont ferait preuve l'administration, par extension des dispositions précitées du IV de l'article 1594-0 G du code général des impôts, en cas d'impossibilité définitive de réalisation des constructions projetées à raison d'un motif de force majeure, pour admettre une dispense de régularisation au regard des impositions dues ; qu'à supposer même que la SCI Bergsol se soit trouvée dans une telle situation de force majeure, compte tenu de l'importance de la pollution du site et de l'impossibilité alléguée de faire face, sans le concours de l'Etat aux travaux de dépollution requis, il résulte des dispositions précitées que l'éventuelle dispense de régularisation qui serait accordée par l'administration ne s'appliquerait qu'à la perception de droits d'enregistrement, mais resterait en tout état de cause sans incidence sur l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée au moment de la signature de l'acte de mutation, ladite taxe sur la valeur ajoutée pouvant seulement, le cas échéant, être admise en déduction des droits d'enregistrement finalement dus ; que la SCI Bergsol qui, ainsi qu'il a été dit, ne s'est pas acquittée de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable, ne saurait dès lors utilement se prévaloir des dispositions précitées, ni d'éventuelles remises gracieuses de l'administration, au motif tiré de l'existence d'une situation de force majeure ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle " ;

8. Considérant que les stipulations précitées ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'il s'ensuit que le contentieux de l'assiette de l'impôt, à l'exclusion du contentieux propre aux pénalités, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 § 1 précité ; que, dès lors, dans le cadre du présent litige, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions ; que par suite ledit moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Bergsol n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Bergsol est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bergsol et au ministre de l'action et des comptes publics.

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N° 16NC02854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02854
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : HERNANDEZ LLARENA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-14;16nc02854 ?
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