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07/06/2018 | FRANCE | N°17NC02132

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17NC02132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immotour a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à lui verser la somme de 105 836,32 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1405447 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à verser à la société Immotour une somme de 42 209,71 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, la société Immotour, représe

ntée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1405447 du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immotour a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à lui verser la somme de 105 836,32 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1405447 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à verser à la société Immotour une somme de 42 209,71 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, la société Immotour, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1405447 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 42 209,71 euros ;

2°) de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à lui verser la somme de 105 836,32 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 14 avril 2014, eux-mêmes capitalisés à chaque échéance annuelle ultérieure ;

3°) de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Mines à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Immotour soutient que :

- le jugement est motivé de manière lacunaire et erronée ;

- la faute de la commune est établie et est à l'origine directe des préjudices dont elle demande réparation ;

- les montants alloués par les premiers juges sur les différents postes de préjudices sont insuffisants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2017, la commune de Sainte-Marie-aux-Mines, représentée par la SCP d'avocats Paulus et Gerrer, demande à la cour d'annuler le jugement attaqué, de rejeter la requête ainsi que la demande présentée devant le tribunal, et de condamner la société Immotour à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- elle n'a commis aucune faute dès lors que la décision de préemption litigieuse était justifiée et, par suite, légale ;

- le lien de causalité entre la faute et les préjudices allégués n'est pas établi dès lors qu'en l'absence de levée des conditions suspensives prévues par le compromis de vente, la réalisation de la vente n'était pas certaine ;

- la requérante ne justifie pas avoir subi un préjudice supérieur au montant retenu par le tribunal.

Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2018, la société Immotour conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment et soutient, en outre, que la réalisation de la vente était certaine ou, en tout cas, suffisamment probable.

Le 12 février 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté des conclusions d'appel présentées par la commune de Sainte-Marie-aux-Mines.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 juin 2011, la société Immotour a conclu avec l'association culturelle islamique un compromis de vente en vue de lui céder un immeuble situé 3, place du Maréchal Foch à Sainte-Marie-aux-Mines au prix de 125 000 euros. En réponse à la déclaration d'intention d'aliéner qui lui a été adressée le 28 juin 2011, la commune de Sainte-Marie-aux-Mines a, le 18 août 2011, décidé d'acquérir le bien au prix de 35 000 euros. A la demande de la société Immotour, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Colmar, par un jugement du 6 février 2012, a fixé le montant dû par la commune à la somme de 91 000 euros. A la suite de la confirmation de ce jugement par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 22 janvier 2013, la commune a, le 4 février 2013, informé la société Immotour de ce qu'elle renonçait à acquérir le bien. Le 22 janvier 2014, cette dernière a cédé l'immeuble au prix de 40 000 euros. Le 14 avril 2014, la société Immotour a présenté à la commune une réclamation tendant à l'indemnisation, à hauteur d'une somme totale de 105 836,32 euros, du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision de préemption du 18 août 2011.

2. La société Immotour relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 42 209,71 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune demande à être déchargée de la condamnation mise à sa charge.

Sur la régularité du jugement :

3. Au point 5 du jugement, s'agissant de l'évaluation de la moins-value à indemniser, après avoir rappelé que le compromis de vente du 6 juin 2011 prévoyait un prix de 125 000 euros et que l'immeuble a été vendu le 22 janvier 2014 au prix de 40 000 euros, le tribunal a fait état de la dégradation du bien postérieurement à la décision de préemption et écarté expressément son imputabilité à la commune. Si, au regard des règles rappelées au point 4 du jugement, l'énoncé de cette considération permet de comprendre pour quelle raison le tribunal ne s'est pas borné à retenir, comme le demandait la société Immotour, la différence entre le prix du compromis de vente initial et celui de la vente ultérieurement réalisée, il ne pouvait, en revanche, évaluer le préjudice subi à 35 000 euros sans indiquer, en outre, les motifs pour lesquels il s'écartait de l'évaluation qui lui était soumise.

4. Par ailleurs, au point 7 du jugement, relatif à la réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de la cession initialement prévue et celle de la vente effective, au titre duquel la société Immotour réclamait 5 924,60 euros, le tribunal a retenu la somme de 3 343,75 euros, sans indiquer les motifs pour lesquels il s'est écarté de l'évaluation motivée qui lui était soumise.

5. Dès lors, la société Immotour est fondée à soutenir que le jugement attaqué, insuffisamment motivé sur ces deux points, est entaché d'irrégularité. Toutefois, cette irrégularité ne l'entache qu'en tant qu'il fixe l'évaluation de ces deux chefs de préjudice. Par suite, elle ne justifie l'annulation du jugement attaqué que dans cette mesure.

6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur l'évaluation de ces deux chefs de préjudice et de statuer, pour le surplus, par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la faute de la commune :

7. Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

8. Si la décision de préemption litigieuse mentionne un projet de démolition de l'immeuble mis en vente par la société requérante pour permettre un réaménagement urbain de la place du Maréchal Foch avec création d'un espace public, la commune de Sainte-Marie-aux-Mines n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ce projet à la date de cette décision. Contrairement à ce que soutient la commune, la décision de préemption litigieuse ne pouvait pas être légalement prise pour ce motif et l'illégalité qui l'entache est constitutive d'une faute.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des dépenses supportées par la société Immotour au titre de la taxe foncière et de l'assurance de l'immeuble :

9. Il résulte de l'instruction que, du fait de l'illégalité de la décision de préemption litigieuse, la société Immotour a été empêchée de céder le bien à un tiers et tenue de le conserver jusqu'à ce que la commune renonce à l'acquisition. Jusqu'à la date de cette renonciation, elle a ainsi été contrainte de continuer à assumer les obligations de propriétaire de ce bien. Par conséquent, elle est fondée à réclamer le remboursement de la taxe foncière et des primes d'assurance qu'elle a acquittées au titre de l'immeuble, dont elle justifie à hauteur, respectivement, de 1 476,93 et 2 389,03 euros.

S'agissant des frais de déplacement :

10. Au nombre des obligations de propriétaire que la société Immotour a dû continuer à assumer, figurait celle d'assurer la garde de l'immeuble. Dès lors, les frais engendrés par les déplacements effectués à partir de début 2012 entre le siège de la requérante et l'immeuble, distants d'une centaine de kilomètres, afin de vérifier qu'il ne faisait pas à nouveau l'objet d'une occupation par des tiers sans droit ni titre, comme cela avait été le cas fin 2011, doivent être regardés comme résultant directement de la décision de préemption litigieuse.

11. En revanche, les dépenses relatives aux travaux effectués pour la remise en état de l'immeuble à la suite des dégradations causées par les occupants sans droit ni titre ne trouvent pas leur cause directe dans la décision de préemption, qui est totalement étrangère à l'intrusion de ces occupants sans titre et à leur vandalisme. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à réclamer le remboursement des frais correspondant aux déplacements effectués pour surveiller l'avancement des travaux.

12. La société Immotour fait valoir que, pour la surveillance de l'immeuble comme pour le suivi des travaux, deux déplacements ont été effectués chaque mois sur la période de 24 mois courant de début 2012 à début 2014. Il y a lieu de retenir cette fréquence de déplacements. Il résulte de l'instruction, en particulier des factures des 5 novembre 2012 et 2 mai 2013 que, dans cet intervalle, des travaux ont été réalisés à deux reprises. En l'absence de précisions sur la durée de ces travaux, qui ont néanmoins été ponctuels, et d'éléments quant au véhicule utilisé pour ces déplacements justifiés uniquement par la surveillance de l'immeuble, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en le fixant à la somme de 500 euros.

S'agissant des dépenses relatives aux travaux d'entretien et de réparation :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11, la décision de préemption litigieuse ne constitue pas la cause directe des travaux d'entretien et de réparation. Dès lors, la société Immotour n'est pas fondée à demander le remboursement du coût de ces travaux.

S'agissant du caractère direct et certain du préjudice résultant de la moins-value subie par la requérante :

14. A l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité. Lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité à l'acquérir, son préjudice résulte, en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation.

15. En premier lieu, la commune soutient que le préjudice allégué n'est pas certain dès lors qu'il n'est pas établi que la vente aurait été réalisée.

16. D'une part, il résulte de l'instruction que le compromis de vente a été signé par le gérant et associé unique de la société Immotour, qui en cette qualité, et contrairement à ce que soutient la commune, était nécessairement habilité à la représenter. Par ailleurs, la circonstance que la condition suspensive relative à l'obtention d'un crédit, qui selon le contrat devait être levée dans un délai de 6 semaines suivant sa conclusion, ne l'était pas encore à la date de la décision de préemption, un mois après cette échéance, ne suffit pas à démontrer que les parties auraient renoncé à la réalisation de la vente. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que l'association culturelle islamique, qui aux dires de la commune elle-même compte plusieurs milliers de membres en Alsace, ne disposait pas des fonds nécessaires pour acquérir l'immeuble sans recourir à l'emprunt. Dès lors, la société Immotour est fondée à soutenir que la réalisation de la vente aux conditions du compromis de vente conclu le 6 juin 2011 était probable.

17. D'autre part, il résulte de l'instruction que le compromis de vente du 6 juin 2011 prévoyait un prix de 125 000 euros et que l'immeuble a été vendu le 22 janvier 2014 au prix de 40 000 euros.

18. Dans ces conditions, le préjudice subi par la société Immotour doit être regardé comme certain.

19. En second lieu, il résulte de l'instruction que la perte de valeur du bien est liée à l'évolution défavorable du marché immobilier local, ainsi qu'aux dégradations qu'il a subies pendant la période séparant la décision de préemption de la décision de renonciation du fait de son occupation par des tiers sans droit ni titre. Si les conséquences préjudiciables de l'évolution défavorable du marché immobilier local sur la valeur du bien trouvent leur cause directe dans l'illégalité de la décision de préemption litigieuse qui a empêché la société Immotour de le céder jusqu'à ce que la commune renonce à l'acquisition, il n'en va pas de même, pour les raisons indiquées au point 11, des conséquences préjudiciables des dégradations subies par l'immeuble.

20. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le prix fixé dans le compromis de vente du 6 juin 2011 incluait des éléments mobiliers ayant servi au fonds de commerce jadis exploité dans l'immeuble (comptoir, tables et chaises, cuisinière avec four à gaz, paillasse inox avec plonge évier inox). L'éventuelle perte de valeur de ces éléments ne résulte pas de l'illégalité de la décision de préemption litigieuse qui n'interdisait en rien à la société Immoutour de les vendre à tout moment.

21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par la société Immotour est certain, mais qu'il ne présente un caractère direct qu'en ce qui concerne l'évolution défavorable du marché immobilier local à l'exclusion des moins-values liées à l'état de l'immeuble et aux éléments mobiliers le garnissant.

S'agissant du caractère direct et certain du préjudice résultant de l'impossibilité de disposer du prix figurant dans le compromis de vente :

22. Le propriétaire placé dans la situation indiquée au point 14 subit un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente initiale était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer de la somme figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité.

23. Ainsi qu'il a été dit au point 16, la vente initiale était suffisamment probable. En l'absence, dans le compromis de vente du 6 juin 2011, d'indication quant au délai dans lequel la vente devait être régularisée, il y a lieu de considérer qu'elle l'aurait été au plus tard à la fin du mois de septembre 2011. Par ailleurs, eu égard aux diligences accomplies par la société Immotour et à la morosité du marché immobilier local, la vente effective du bien en litige le 22 janvier 2014, moins d'un an après la décision de la commune du 4 février 2013 de renoncer à son acquisition, doit être regardée comme étant intervenue dans un délai raisonnable. Ainsi, le préjudice subi par la requérante présente un caractère direct et certain pour la période de 28 mois séparant la date à laquelle la vente initiale aurait dû être effectuée, et la date à laquelle la vente effective a eu lieu.

Sur l'évaluation du préjudice :

S'agissant du préjudice résultant de la moins-value subie par la requérante :

24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la moins-value subie par la société Immotour doit être évaluée abstraction faite des éléments mobiliers ayant servi au fonds de commerce jadis exploité dans l'immeuble (comptoir, tables et chaises, cuisinière avec four à gaz, paillasse inox avec plonge évier inox) et qui ont été inclus dans la vente réalisée le 22 janvier 2014.

25. Il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 22 janvier 2013, que lors de l'acquisition de l'immeuble par la société Immotour le 12 septembre 2008, les éléments mobiliers ont été valorisés à la somme de 27 900 euros. Il résulte également de l'instruction, en particulier de l'attestation du notaire chargé de la vente du 22 janvier 2014, qu'ils ont été valorisés à cette date à la somme de 3 000 euros. En l'absence d'autre élément permettant d'en estimer la valeur à la date du 6 juin 2011, il y a lieu de la fixer, en juste appréciation, à la somme de 15 000 euros.

26. Pour l'évaluation du préjudice subi par la société Immotour, le prix de vente initial auquel il convient de se référer doit donc être ramené à la somme de 110 000 euros.

27. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation du notaire chargé de la vente du 22 janvier 2014, que si la vente a été faite au prix total de 40 000 euros, l'immeuble lui-même a été cédé au prix de 37 000 euros.

28. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 23, la vente effective du bien est intervenue dans un délai raisonnable à la suite de la décision de renonciation de la commune.

29. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du mandat simple de vente confié par la société Immotour à l'agence Immobilière.fr en 2013, que le bien a été remis en vente au prix de 75 000 euros. Dans un courrier électronique du 9 mars 2018, l'agent immobilier précisait toutefois qu'il s'agissait là du prix maximum qui, selon lui, pouvait en être espéré, compte tenu de son état dégradé et des conditions particulièrement défavorables du marché immobilier local, et soulignait le caractère très optimiste de cet objectif en ajoutant que les offres reçues n'avaient pas dépassé la somme de 35 000 euros, frais d'agence compris.

30. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le prix de 37 000 euros auquel l'immeuble a été cédé s'écarte anormalement de sa valeur vénale à la date de la décision de renonciation.

31. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du jugement du tribunal de grande instance de Colmar du 6 février 2012 et de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 22 janvier 2013, qu'à la date du 6 février 2012, à laquelle, en application des articles L. 13-13 à L. 13-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la valeur du bien a été fixée, le rez-de-chaussée de l'immeuble en litige, quatre-cinquièmes de son premier étage, sa cave et son grenier, soit une surface totale de 271,22 m², étaient en bon état et ne nécessitaient que des travaux mineurs de rafraîchissement, tandis que le reste du premier étage et le second étage, d'une surface totale de 149,70 m², trop dégradés pour être habitables, nécessitaient des travaux de rénovation. Au vu de ces constats, la juridiction de l'expropriation a fixé à 280 euros le prix du m² pour les surfaces en bon état, et à 100 euros le prix du m² pour les surfaces à rénover. Sur la base de ces estimations, le montant des travaux de rénovation nécessaires pour remettre l'immeuble en l'état peut être évalué à la somme de 27 000 euros. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas soutenu, que les travaux réalisés entre le 6 février 2012, date de l'estimation, et le 4 février 2013, date de la renonciation de la commune, aient eu le caractère de travaux de rénovation. Dès lors, en l'absence de contestation de ces estimations et d'autre élément produit par les parties quant à l'évolution des dégradations entre le 6 février 2012 et le 4 février 2013, il y a lieu de retenir la somme de 27 000 euros comme correspondant à la perte de valeur de l'immeuble liée à son état.

32. Il résulte de ce qui précède que le préjudice résultant de la moins-value subie par la société Immotour et trouvant sa cause directe dans l'illégalité de la décision de préemption en litige doit être fixé à la somme de (125 000 - 15 000 - 37 000 - 27 000 =) 46 000 euros.

S'agissant du préjudice résultant de l'impossibilité de disposer du prix figurant dans le compromis de vente :

33. Eu égard au taux de rendement annuel de 2 % invoqué par la requérante, qui est raisonnable, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en le fixant à la somme de 5 825 euros.

34. En conclusion de tout ce qui précède, la société Immotour est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être est annulé en tant qu'il fixe le montant de l'indemnité due par la commune de Sainte-Marie-aux-Mines au titre de la moins-value supportée par la société Immotour et de l'impossibilité dans laquelle cette dernière s'est trouvée de disposer du prix figurant dans le compromis de vente du 6 juin 2011. A ces titres, elle est fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser une somme totale de 51 825 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 14 avril 2014, date de réception de sa réclamation par la commune, lesdits intérêts étant capitalisés au 14 avril 2015 et à chaque date anniversaire suivante.

35. Par ailleurs, la société Immotour est fondée à soutenir qu'elle doit être indemnisée de ses autres préjudices à hauteur de la somme de 4 365,96 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal et de leur capitalisation, que le tribunal administratif de Strasbourg a à tort limité l'indemnisation de ces préjudices à la somme de 3 865,96 euros, intérêts et capitalisation et que son jugement doit être réformé dans cette mesure.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

36. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Immotour qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Sainte-Marie-aux-Mines demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-aux-Mines une somme de 1 500 euros à verser à la société Immotour au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1405447 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2017 est annulé en tant qu'il fixe le montant de l'indemnité due par la commune de Sainte-Marie-aux-Mines au titre de la moins-value supportée par la société Immotour et de l'impossibilité dans laquelle cette dernière s'est trouvée de disposer du prix figurant dans le compromis de vente du 6 juin 2011.

Article 2 : La commune de Sainte-Marie-aux-Mines est condamnée à payer à la société Immotour une somme de 51 825 euros (cinquante-et-un mille huit-cent-vingt-cinq euros) au titre de la moins-value supportée par cette dernière et du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de disposer de la somme figurant dans le compromis de vente du 6 juin 2011.

Article 3 : La condamnation de la commune de Sainte-Marie-aux-Mines au titre des autres préjudices subis par la société Immotour est portée à la somme de 4 365,96 euros (quatre mille trois-cent-soixante-cinq euros et quatre-vingt-seize centimes).

Article 4 : Le surplus du jugement no 1405447 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3.

Article 5 : Les sommes fixées aux articles 2 et 3 porteront intérêt au taux légal à compter du 14 avril 2014. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 14 avril 2015 et à chaque date anniversaire suivante.

Article 6 : La commune de Sainte-Marie-aux-Mines versera une somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros à la société Immotour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immotour et à la commune de Sainte-Marie-aux-Mines.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC02132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02132
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : PAULUS - GERRER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-07;17nc02132 ?
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