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29/05/2018 | FRANCE | N°17NC01538

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 17NC01538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701363 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire comp

lémentaire, enregistrés le 28 juin 2017 et le 30 mars 2018, Mme D..., représentée par MeA..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701363 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 juin 2017 et le 30 mars 2018, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Moselle du 13 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard de sa demande de titre de séjour mention " commerçant " ;

- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour mention " commerçant " ;

- il a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le principe des droits de la défense ;

- la mesure d'éloignement se fonde sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour et ne peut donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision limitant le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, le préfet de la Moselle, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante libanaise née en 1976, est entrée en France le 7 juillet 2016 sous couvert d'un visa de séjour de 90 jours, accompagnée de son époux né en 1975, et de leurs enfants, nés en 2002 et 2004. Le 5 octobre 2016, Mme D...a sollicité la régularisation de son séjour sur le territoire français. Par un arrêté du 13 février 2017, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation à cet égard doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans son courrier du 5 octobre 2016 adressé au préfet de la Moselle, Mme D...a formulé une " demande de régularisation de séjour ". Contrairement à ce qu'elle soutient et en dépit de la demande formée par son époux tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " commerçant ", le préfet a pu à bon droit s'estimer uniquement saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée au regard des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut d'examen complet de sa demande, et de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme inopérants.

4. En troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) ". S'il appartient ainsi au préfet d'indiquer à l'étranger les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de sa demande de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, le préfet a, par courrier du 30 septembre 2016 adressé à M. et MmeD..., invité cette dernière à formuler une demande de titre de séjour distincte de celle de son époux, et à produire les pièces nécessaires à l'instruction de sa demande. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration manque en fait et doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

6. Il est établi que Mme D...s'est investie dans la vie associative du quartier où elle vit à Metz, qu'elle est appréciée par son entourage et soutenue par des élus locaux, qu'elle dispose d'un logement personnel, souhaite seconder son mari dans la reprise d'un garage automobile et que ses enfants sont scolarisés en classe de seconde et de cinquième, où ils ont de bons résultats scolaires. Si elle soutient avoir quitté le Cameroun, pays où elle vivait depuis 2011 avec son mari et ses enfants, en raison des menaces terroristes qui pesaient sur les écoles fréquentées par ces derniers, elle ne démontre pas le caractère direct et personnel des risques ainsi allégués. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme D...ne résidait en France que depuis six mois, et avait vécu jusqu'à l'âge de 40 ans à l'étranger, et notamment au Liban, pays dont elle est ressortissante et où vivent son père et ses six frères et soeurs. Ainsi, au regard de l'ensemble de ces circonstances, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Moselle a pu estimer que la situation de Mme D...ne relevait ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

8. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé à M. C...D..., conjoint de la requérante, la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Dans cette mesure, la décision d'éloignement prise à l'encontre de Mme D...a pour effet de séparer les enfants de l'un de leurs deux parents et elle méconnaît, par suite, les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet procède au réexamen de la situation de Mme D...dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1701363 du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il rejette la demande de Mme D...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination et les décisions du 13 février 2017 du préfet de la Moselle portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de Mme D...dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Moselle.

2

N° 17NC01538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01538
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-29;17nc01538 ?
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