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07/05/2018 | FRANCE | N°16NC02650

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 07 mai 2018, 16NC02650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Atelio a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler le marché public de maintenance du système de téléphonie, d'acquisition de matériels, de logiciels et d'accessoires connexes de téléphonie, signé le 10 février 2014 entre la commune de Charleville-Mézières et la société Manhattan et, d'autre part, de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser, à titre principal, la somme de 33 178 euros HT et, à titre subsidiaire la somme de 1 40

0 euros HT, en indemnisation des préjudices subis à raison de son éviction irréguliè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Atelio a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler le marché public de maintenance du système de téléphonie, d'acquisition de matériels, de logiciels et d'accessoires connexes de téléphonie, signé le 10 février 2014 entre la commune de Charleville-Mézières et la société Manhattan et, d'autre part, de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser, à titre principal, la somme de 33 178 euros HT et, à titre subsidiaire la somme de 1 400 euros HT, en indemnisation des préjudices subis à raison de son éviction irrégulière de la passation de ce marché.

Par un jugement n° 1400790 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2016, la société Atelio, représentée par l'AARPI Thémis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 septembre 2016 ;

2°) d'annuler le marché public de maintenance du système de téléphonie, d'acquisition de matériels, de logiciels et d'accessoires connexes de téléphonie signé le 10 février 2014 entre la commune de Charleville-Mézières et la société Manhattan ;

3°) de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser, à titre principal, la somme de 33 178 euros HT et, à titre subsidiaire, la somme de 1 400 euros HT en indemnisation des préjudices subis à raison de son éviction irrégulière de la passation du marché litigieux, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- en attribuant la même note technique maximale aux deux concurrents, la commune a méconnu les critères de sélection des offres fixés dans le règlement de la consultation et ce faisant, a méconnu les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics ;

- le marché a été irrégulièrement attribué à la société Manhattan qui a proposé une offre anormalement basse, notamment sur le forfait annuel de maintenance curative et préventive, en méconnaissance de l'article 55 du code des marchés publics ;

- n'étant pas dépourvue de toute chance d'obtenir le marché, elle est fondée à demander une indemnisation de 33 178 euros au titre de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière et subsidiairement, le remboursement de ses dépenses utiles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2017, la commune de Charleville-Mézières, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Atelio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- l'attribution d'une note identique à deux candidats sur la valeur technique de leurs offres respectives ne suffit pas à rendre la procédure irrégulière et la société Atelio ne démontre pas que les offres n'étaient pas équivalentes sur ce critère et ne pouvaient donc recevoir la même note ;

- la société Atelio ne peut soutenir que l'offre retenue aurait été anormalement basse sur l'un des sous-critères du prix, alors qu'elle-même a bénéficié d'une différence plus élevée de prix de l'ordre de 35% dans la notation d'un autre sous-critère ;

- le marché ayant été exécuté, l'annulation du marché ne peut plus être prononcée ;

- la société ne démontre pas qu'elle n'était pas dépourvue de toute chance d'emporter le marché et ne saurait prétendre à aucune indemnisation dès lors que son taux de marge nette n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me Roger-Dalbert, avocat de la commune de Charleville-Mézières.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Charleville-Mézières a engagé une procédure adaptée en vue de l'attribution, à compter du 1er janvier 2014, d'un marché public de maintenance du système de téléphonie, d'acquisition de matériels, de logiciels et d'accessoires connexes de téléphonie. Par un courrier du 17 décembre 2013, elle a informé la société Atelio, titulaire antérieur du marché, du rejet de son offre. Par ordonnance du 22 janvier 2014, le juge des référés précontractuels a rejeté la demande d'annulation de cette procédure formée par cette société et le marché a été signé le 10 février 2014 avec la société Manhattan. La société Atelio a contesté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la validité du marché conclu entre la commune de Charleville-Mézières et la société Manhattan et a demandé l'indemnisation du préjudice subi à raison de son éviction. Elle relève appel du jugement du 28 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la société Atelio, le tribunal administratif a, dans les points 3 et 4 de son jugement, répondu de manière suffisamment motivée aux moyens tirés de l'attribution d'une note identique aux candidats au titre de la valeur technique et du caractère anormalement bas de l'offre du candidat retenu et à cet égard, il n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société requérante au soutien de ces moyens. Le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier.

Sur la validité du marché litigieux :

3. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 53 du code des marchés publics alors applicable : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) ".

5. Selon l'article 9 du règlement particulier d'appel d'offres du marché en litige, le jugement des offres devait prioritairement être effectué en fonction de deux critères à savoir, par ordre décroissant, le prix, pondéré à 60% et la valeur technique pondérée à 40 %. Le critère du prix était décomposé lui-même en trois éléments : la maintenance pour 60%, les prestations d'accompagnement pour 25%, selon un tarif horaire moyen calculé à partir de plusieurs tarifs unitaires eux-mêmes pondérés selon le type d'intervention, et enfin le bordereau des remises pratiquées sur les matériels et logiciels de téléphonie, pour 15%, en fonction d'un barème de points applicable selon le matériel ou le logiciel. Le critère de la valeur technique était, quant à lui, subdivisé en quatre éléments comptant chacun pour 25% de la note : les modalités de fonctionnement du centre de support, la procédure de gestion des incidents, le plan de reprise d'activité proposé et les références comparables.

6. Selon le rapport d'analyse des offres des sociétés Manhattan et Atelio, ces deux sociétés ont obtenu une note identique de 40/40 sur le critère de la valeur technique et s'agissant du critère du prix, la société Manhattan a obtenu une note de 56,05 /60 et la société Manhattan une note de 48,19/60. La commission d'appel d'offres a relevé que les deux sociétés ont produit un mémoire technique clair et précis et que leurs compétences sont en adéquation avec les prescriptions techniques. Contrairement à ce que soutient la société Atelio, cette mention permet d'établir que la commission d'appel d'offres a examiné les deux offres des candidats et aucun élément de l'instruction ne permet d'établir qu'en attribuant à chacune d'elles la note maximale sur le critère de la valeur technique, elle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de ce critère ni qu'elle aurait ainsi entendu neutraliser ce dernier en attribuant une note identique aux deux candidates. Par conséquent, la société Atelio n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait méconnu les critères de sélection des offres fixés dans le règlement de consultation et les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics.

7. En second lieu, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur, comme le prévoyait l'article 55 du code des marchés publics applicable en l'espèce, de rejeter l'offre, sauf à porter atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public.

8. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société Manhattan était d'un montant

de 13 813 euros pour la maintenance forfaitaire, de 133,50 euros pour le tarif horaire moyen et qu'elle a obtenu 35 points au titre de l'élément " remise moyenne " alors que celle de la société requérante était d'un montant de 18 514,08 euros pour la maintenance forfaitaire, de 98,37 euros pour le tarif horaire moyen et qu'elle a obtenu 24,64 points au titre de la remise moyenne. Si la société Atelio soutient que le montant de l'offre de la société Manhattan correspondrait à des coûts de maintenance préventive de 10 032 euros, soit une somme supérieure à celle de l'ancien marché dont elle était titulaire, et à un prix de maintenance curative de 3 781 euros qui ne serait pas économiquement viable, elle n'appuie sa démonstration sur aucune pièce justificative probante, l'attestation d'un employé de la société Mitel, fournisseur commun des deux sociétés, quant au prix d'une licence, étant, à cet égard, insuffisante dès lors qu'il n'est pas établi que ce prix ait été intégré dans le prix proposé pour la maintenance forfaitaire. Ces seuls éléments ne sont par conséquent pas suffisants pour que le prix proposé, quand bien même serait-il inférieur de 25% à celui de la société requérante, soit regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, par suite, à compromettre la bonne exécution du marché. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Charleville-Mézières aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne regardant pas comme anormalement basse l'offre de la société Manhattan et en lui attribuant le marché.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Atelio n'est pas fondée à contester la validité du marché conclu par la commune de Charleville-Mézières avec la société Manhattan.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation. Il résulte de ce qui précède qu'aucune irrégularité affectant la procédure ayant conduit à son éviction n'est établie. Les conclusions indemnitaires présentées, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, par la société Atelio ne peuvent en conséquence qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Atelio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Charleville-Mézières, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Atelio demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de de la société Atelio le versement à la commune de Charleville-Mézières d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Atelio est rejetée.

Article 2 : La société Atelio versera à la commune de Charleville-Mézières une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelio, à la commune de Charleville-Mézières et à la société Manhattan.

2

N° 16NC02650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02650
Date de la décision : 07/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-07;16nc02650 ?
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