Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Nes Trans Eood a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1403338 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le16 juin 2017, la société Nes Trans Eood, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ;
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait pas écarter la comptabilité de la société Nes Trans Eood mais était tenue de mettre en oeuvre la procédure de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales afin de réunir les éléments manquants ; que le choix de l'administration a eu une incidence sur la charge de la preuve ;
- le dirigeant de la société n'a pas personnellement demandé que la vérification de la comptabilité de la société ne se déroule pas sur place ; en ne réalisant pas la vérification dans les locaux de la société, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- - la société Nes Trans Eood n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de la comptabilité dès lors que l'administration avait admis l'existence d'un établissement stable de la société Nes Trans Eood en France avant de débuter le contrôle ;
- l'imposition résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société est exagérée ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée constituent une sanction disproportionnée dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée n'a jamais été facturée et n'a ainsi pas été détournée ; ils ont ainsi le caractère d'une sanction pénale ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Nes Trans Eood ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que la société Nes Trans Eood, société unipersonnelle à responsabilité limitée de droit bulgare dont M. C...est gérant et associé unique, exerce une activité de transport routier de marchandises ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, par une proposition de rectification du 31 août 2012, l'administration a considéré que la société disposait d'un établissement stable en France ; qu'après avoir qualifié ladite société de société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, l'administration a taxé d'office la taxe sur la valeur ajoutée collectée due ; que la société Nes Trans Eood relève appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu, pour l'écarter, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales soulevé par la société Nes Trans Eood, en indiquant que l'administration pouvait se fonder sur les éléments obtenus au cours de la vérification de comptabilité et dans le cadre de l'exercice du droit de communication pour établir les impositions litigieuses ; que par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que la société Nes Trans Eood soutient que l'administration était tenue de mettre en oeuvre la procédure de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales afin d'obtenir les éléments qui lui étaient nécessaires pour justifier de l'existence d'un établissement stable de la société Nes Trans Eood en France ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a mis en oeuvre ses pouvoirs de contrôle dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société Nes Trans Eood en exerçant son droit de communication, en adressant des demandes de renseignements non contraignantes et en sollicitant des demandes d'assistance administrative internationale ; que l'administration n'était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure de la visite domiciliaire et de saisie de documents prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a pu disposer des documents et informations lui permettant de déterminer les rehaussements en litige ; que la société Nes Trans Eood pouvait, au cours de la vérification de la comptabilité, apporter tous éléments utiles complémentaires qu'elle estimait nécessaire de porter à la connaissance de l'administration ; que par suite, la procédure est sur ce point régulière ;
4. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que ces dispositions ont pour conséquence que la vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, en présence de personnes habilitées à la représenter, sauf dans le cas où l'administration, à la demande du contribuable, procède à cette vérification dans un lieu extérieur à l'entreprise, où se trouve la comptabilité ;
5. Considérant d'une part, qu'il n'est pas contesté que par courrier du 2 décembre 2011, le cabinet d'avocats Hincker a informé l'administration fiscale que la société Nes Trans Eood était sa mandante en vue notamment de la représenter au cours des opérations de contrôle diligentées par l'administration ; que plusieurs courriers ont été échangés entre M. B...et l'administration fiscale tout au long de la vérification de la comptabilité ; que si les requérants contestent la qualité d'avocat de M.B..., agissant au nom du cabinet d'avocats Hincker, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause la réalité du mandat et la qualité dudit cabinet en tant que personne habilitée à représenter la société Nes Trans Eood ; qu'il suit de là que l'administration fiscale a régulièrement pu considérer que M. B...représentait la société contribuable au cours de la procédure d'imposition ;
6. Considérant d'autre part que la société Nes Trans Eood soutient qu'elle n'a pas été informée des demandes d'assistance internationale et de leurs résultats au cours de la vérification de la comptabilité ; qu'elle considère que l'administration avait admis dès le début des opérations de contrôle l'existence d'un établissement stable en France et qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ; qu'il résulte de l'instruction que le représentant de la société Nes Trans Eood s'est vu remettre un avis de vérification de comptabilité le 9 novembre 2011, reçu le 10 novembre 2011 ; qu'une copie de l'avis de vérification a également été adressée au siège de la société en Bulgarie ; que les deux premières interventions se sont déroulées les 1er décembre 2011 et 2 février 2012 dans les locaux dont dispose en France la société Nes Trans Eood ; que par courrier électronique du 1er mars 2012, le cabinet d'avocats Hincker a demandé à l'administration fiscale que l'intervention prévue le 7 mars 2012 se déroule dans les locaux du cabinet d'expertise-comptable ; que la réunion de synthèse du 28 août 2012 s'est déroulée dans les locaux de l'administration ; que M.C..., gérant de la société Nes Trans Eood a été présent à chacune de ces quatre interventions et ne s'est pas opposé à ce que la rencontre du 7 mars 2012 et le dernier entretien ne se déroulent pas dans les locaux de l'entreprise ; qu'en outre, au cours des deux premières rencontres avec le vérificateur, les indices de l'existence d'un établissement stable en France ont été discutés avec M. C...et son conseil ; qu'après la première intervention, un courrier du 16 janvier 2012 a été adressé par l'administration au cabinet d'avocats Hincker précisant les éléments ayant justifié l'ouverture d'une vérification de comptabilité ; que lors de l'entrevue du 7 mars 2012, les réponses des clients de la société Nes Trans Eood obtenues dans le cadre des demandes de renseignements non contraignantes ont été discutées avec M. C...et son conseil ; qu'au cours de la réunion de synthèse du 28 août 2012, la vérificatrice a exposé les résultats de la demande d'assistance internationale auprès des autorités allemandes ; que l'administration n'ayant pu obtenir de réponses des autorités bulgares, elle n'était pas en mesure de porter les résultats à la connaissance de M. C... ; que les requérants n'établissent ni même n'allèguent sérieusement que la vérificatrice se serait opposée à tout échange de vue avec M. C...ou aurait eu un point de vue partial ; qu'eu égard aux conditions dans lesquelles s'est déroulée la vérification de la comptabilité de la société Nes Trans Eood, la société a bénéficié d'un débat oral et contradictoire ; que par suite, la procédure d'imposition n'est pas entachée d'irrégularité ;
7. Considérant enfin que la société Nes Trans Eood soutient que la réunion de synthèse a eu lieu dans les locaux de l'administration où ne se trouvait pas la comptabilité ; qu'il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été signé le 2 février 2012 ; que le 7 mars 2012, M. C...a produit un courrier du cabinet comptable gérant la comptabilité de la société en Bulgarie indiquant que les documents comptables ne peuvent quitter la Bulgarie ; que si la réunion de synthèse du 28 août 2012 s'est déroulée dans les locaux de l'administration, il est constant qu'aucun document comptable n'a été examiné au cours de cette dernière entrevue ; que dans ces conditions, l'administration n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales en portant à la connaissance de M.C..., en sa qualité de gérant de la société requérante, les résultats du contrôle dans des locaux où ne se trouvait pas la comptabilité de l'entreprise ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
8. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique (...) / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : (...) b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Nes Trans Eood a réalisé des prestations de service à partir de son établissement stable en France auprès de clients allemands ou d'assujettis agissant en tant que tels établis en France ; que les prestations de transport assurées par l'établissement stable en France de la société Nes Trans Eood devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que la société Nes Trans Eood ne peut se prévaloir de l'absence de détournement à son profit de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle était tenue de collecter la taxe applicable aux prestations réalisées en France ; que c'est donc à bon droit que l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011 établis à partir des recettes encaissées sur les comptes bancaires de ladite société ; que, par suite, la société Nes Trans Eood ne saurait soutenir que ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée auraient le caractère d'une sanction pénale ;
10. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence de tout document comptable produit par la société Nes Trans Eood lors des opérations de contrôle, l'administration, après avoir dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité le 2 février 2012, a procédé à la reconstitution, par voie de taxation d'office, de son chiffre d'affaires à partir des relevés bancaires de ladite société ; qu'il incombe à la société Nes Trans Eood en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précité d'établir l'exagération des impositions ; que le moyen tiré de l'exagération des bases d'imposition résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société Nes Trans Eood n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Nes Trans Eood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Nes Trans Eood est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nes Trans Eood et au ministre de l'action et des comptes publics.
2
N° 17NC01419