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29/03/2018 | FRANCE | N°17NC00744

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 mars 2018, 17NC00744


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2017 et des mémoires enregistrés les 18 et 26 octobre 2017, la société Faulquedis, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le maire de Créhange a accordé un permis de construire à la SNC Lidl en vue de la construction d'un magasin ;

2°) de mettre à la charge de la SNC Lidl le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Faulquedis soutient que :

- la réserve n°4 d'une superficie de 426 m2 doit être regardée comme une surface de vente eu égar...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2017 et des mémoires enregistrés les 18 et 26 octobre 2017, la société Faulquedis, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le maire de Créhange a accordé un permis de construire à la SNC Lidl en vue de la construction d'un magasin ;

2°) de mettre à la charge de la SNC Lidl le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Faulquedis soutient que :

- la réserve n°4 d'une superficie de 426 m2 doit être regardée comme une surface de vente eu égard à la configuration des locaux et à l'existence d'une simple cloison séparant cet espace de celui destiné à la vente ;

- la demande de la société Lidl est frauduleuse dès lors que cette société a cherché à minorer la surface de vente déclarée dans sa demande de permis de construire ;

- la surface de vente mentionnée sur la demande de permis de construire, qui a omis de comptabiliser un espace situé entre le sas d'entrée et la poutre porteuse, est en tout état de cause de 1001 m2 et non pas de 999 m2 comme mentionné dans le dossier de demande de permis de construire ;

- la surface de vente étant ainsi supérieure à 1000 m2, le projet entrait dans le champ d'application de l'article L. 752-1 du code de commerce et devait par suite être soumis à la consultation préalable de la commission départementale d'aménagement commercial de la Moselle ;

- le permis de construire délivré le 20 mars 2017 est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial n'a pas été préalablement sollicité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 août et 30 octobre 2017, la société Lidl, représentée par la SCP d'avocats Baker et Mc Kenzie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Faulquedis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Lidl soutient que :

- la réserve n°4 et l'espace compris entre le sas d'entrée et la poutre porteuse n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul de la surface de vente, qui reste ainsi inférieure à 1 000 m2 ;

- la seule circonstance qu'un précédent projet quasiment identique a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial est sans incidence sur la portée du permis attaqué, qui constitue exclusivement une autorisation d'urbanisme et non un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- le permis de construire contesté ne tenant pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, la cour est incompétente pour connaître du recours en annulation formé par la société Faulquedis contre ce permis ;

- la requête est irrecevable, la société Faulquedis ne justifiant d'aucune qualité lui donnant intérêt à agir.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 et 30 octobre 2017, la commune de Créhange, représentée par Mes Cossalter et De Zolt conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Faulquedis des sommes de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 13 euros au titre des frais de plaidoirie compris dans les dépens.

La commune de Créhange soutient que :

- la réserve n°4 et l'espace compris entre le sas d'entrée et la poutre porteuse n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul de la surface de vente, qui reste ainsi inférieure à 1000 m2 ;

- la seule circonstance qu'un précédent projet quasiment identique a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial est sans incidence sur la portée du permis attaqué, qui constitue exclusivement une autorisation d'urbanisme et non un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- le permis de construire contesté ne tenant pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, la cour est incompétente pour connaître du recours en annulation formé par la société Faulquedis contre ce permis ;

- la requête est irrecevable, la société Faulquedis ne justifiant d'aucune qualité lui donnant intérêt à agir ;

- la requête est irrecevable, la société Faulquedis ne justifiant pas avoir procédé aux formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

Par ordonnance du 10 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n ° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Faulquedis.

Vu les pièces communiquées par la commission nationale d'aménagement commercial enregistrées le 21 mars 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société Faulquedis, qui exploite un magasin Super U à Faulquemont en Moselle demande l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le maire de Créhange a accordé à la société SNC Lidl un permis de construire pour la construction d'un magasin de cet enseigne sur un terrain de sa commune situé 7 rue de Faulquemont.

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code du commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ". L'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / (...).

Sur la portée du permis de construire contesté :

3. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". L'article L. 752-1 du code de commerce dispose : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le permis de construire délivré pour la construction d'un magasin de commerce de détail dont la surface de vente est inférieure à 1000 m2 ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale.

5. Il est constant que le projet autorisé par le permis de construire attaqué prévoit la construction d'un magasin d'une surface totale de plancher de 2 443 m2 dont 999 m2 de surface de vente. La société Faulquedis soutient toutefois que la société Lidl a délibérément minoré l'importance de son projet en omettant de comptabiliser dans le calcul de la surface de vente la réserve n° 4 ainsi que l'espace situé entre le sas d'entrée et la poutre porteuse.

6. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée : "(...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins (...)".

7. Il ressort des pièces du dossier que la réserve n° 4 d'une surface de 426 m2 est, selon le projeté autorisé, séparée de l'espace de vente par un mur coupe-feu "deux heures". La réserve n° 4 n'étant ainsi pas accessible au public, ni directement liée à la vente, elle n'avait pas à être prise en compte dans le calcul de la surface de vente. Il en est de même de l'espace situé entre le sas d'entrée et la poutre porteuse, dont aucune pièce du dossier ne permet de considérer comme le soutient la société Faulquedis que cet espace serait affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, ou à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente au sens de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972. La surface de vente du magasin que la société Lidl se propose d'exploiter étant ainsi et en tout état de cause inférieure à 1 000 m2, le permis de construire attaqué ne peut par suite être regardé comme tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Est à cet égard sans incidence l'allégation selon laquelle la société Lidl aurait, sous couvert d'un permis obtenu pour un projet comportant une surface de vente inférieure à 1 000 m², l'intention d'exploiter une surface de vente supérieure à cette limite.

Sur la fin de non recevoir :

8. D'une part, le permis de construire attaqué ne valant pas autorisation d'exploitation commerciale, la société Faulquedis ne saurait, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 752-17 du code de commerce, se prévaloir de sa qualité de professionnel dont l'activité serait susceptible d'être affectée par le projet pour solliciter l'annulation de ce permis.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient(...) ". Il résulte de cette disposition qu'en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation d'un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à contester devant le juge de l'excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité.

10. La société Faulquedis n'établit pas ni même n'allègue que les caractéristiques particulières de la construction seraient de nature à affecter les conditions d'exploitation de son établissement, qui est distant du projet de près de 1,4 kilomètre. La société Faulquedis ne justifiant ainsi d'aucun intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté attaqué, la SNC Lidl et la ville de Créhange sont fondées à soutenir que la requête de la société Faulquedis est irrecevable.

Sur les conséquences à tirer de ce qui précède sur la compétence de la cour administrative d'appel :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévue à l'article L. 425-4 ". L'article R. 311-3 du code de justice administrative dispose : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises par la Commission nationale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-17 du code de commerce (...) ".

12. D'autre part, l'article R. 351-4 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ".

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le permis de construire attaqué ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Dès lors, la cour administrative d'appel de Nancy n'est en principe pas compétente pour en connaître en premier et dernier ressort en application des dispositions de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme citées au point 11. La requête dirigée contre un tel permis n'est pas davantage au nombre des autres litiges dont la cour peut connaître en premier et dernier ressort, notamment en vertu des dispositions de l'article R. 311-3 du code de justice administrative également citées au point 11. Toutefois, l'irrecevabilité constatée au point 10 a un caractère manifeste et n'est pas susceptible d'être régularisée en cours d'instance. Par suite, la cour est compétente par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, pour rejeter la requête présentée par la société Faulquedis.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SNC Lidl, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Faulquedis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Faulquedis la somme de 1 500 euros à verser tant à la SNC Lidl qu'à la commune de Créhange sur le fondement des mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Faulquedis est rejetée.

Article 2 : La société Faulquedis versera tant à la société Lidl qu'à la commune de Créhange la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Faulquedis, à la commune de Créhange, à la société Lidl et à la commission nationale d'aménagement commercial.

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N° 17NC00744


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