Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1400876 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement admis leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2016, M. et MmeC..., représentés par
MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande d'admission en déduction de leurs revenus fonciers au titre de l'année 2009 des dépenses de travaux réalisées la même année pour l'immeuble situé 135 rue Parisot Dufour à Sézanne ;
2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et 2010, par la reconstitution à due concurrence de leur déficit foncier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- au cours de l'année 2009, ils ont réalisé dans les différentes pièces de leur immeuble des travaux de remise en état des planchers, des murs, des plafonds, des salles d'eaux, de la façade, de l'électricité, de la plomberie, et du remplacement du système de chauffage central ; ils l'ont en outre équipé l'immeuble d'un ascenseur et ont refait le parking ;
- l'administration fiscale a refusé de considérer ces dépenses comme déductibles au motif que les travaux entrepris auraient abouti à la transformation de la maison d'habitation en maison de bureaux ; toutefois, pour apprécier l'existence ou non d'un changement d'affectation conduisant juridiquement à la création de nouveaux locaux, la jurisprudence fait désormais prévaloir la notion de destination à l'habitation sur celle qui prévalait jusqu'ici de l'affectation à un usage autre que l'habitation ; le simple fait d'avoir loué les locaux originellement destinés à l'habitation à des preneurs qui les utilisent à des fins de bureau n'est pas en soi constitutif d'un changement d'affectation rendant les dépenses non déductibles ;
- les travaux en cause s'analysent comme des dépenses d'entretien et de réparation, au regard de la doctrine administrative 5 D-2-07 n°8 ; les faits relevés par le service et pris en compte par le tribunal sont contraires à la réalité ; les travaux n'ont notamment pas fait l'objet d'un permis de construire, ayant seulement nécessité le dépôt de déclarations préalables ;
- les factures de travaux produites en annexe démontrent clairement qu'il s'agit de remise en état de l'existant et que l'agencement des pièces d'origine n'a pas été modifié ; ils ne constituent pas davantage des travaux de reconstruction ou d'agrandissement au sens de la doctrine dans la mesure où ils n'ont abouti ni à une modification du gros-oeuvre, ni à des travaux d'aménagement interne équivalant à une reconstruction, ni à un accroissement du volume ou de la surface habitable ;
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.
Par des mémoires en réplique des 18 janvier et 4 juillet 2017, les requérants concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire du 26 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeC....
1. Considérant que M. et Mme C...sont propriétaires d'un immeuble sis
135 rue Parisot Dufour à Sézanne pour lequel ils souscrivent annuellement une déclaration de revenus fonciers ; que par une proposition de rectification du 28 septembre 2012, établie dans le cadre de la procédure contradictoire, l'administration leur a notamment notifié des redressements au titre des années 2009 et 2010 consécutifs à la remise en cause du caractère déductible des dépenses de travaux concernant cet immeuble effectuées au cours de l'année 2009 ; que les requérants relèvent appel du jugement du tribunal de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2016 en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge des rappels d'impôt consécutifs au refus du service d'admettre lesdites dépenses en déduction de leurs revenus fonciers ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent :/ 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; / b bis) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinées à protéger ces locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) " ;
3. Considérant que l'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 31 du code général des impôts la déduction des travaux effectués par les intéressés, en se fondant sur le motif qu'ils avaient consisté à transformer des locaux à usage d'habitation en locaux à usage professionnel, loués à plusieurs professionnels de santé ;
4. Considérant toutefois que lorsqu'un immeuble est, par sa conception, son aménagement et ses équipements, destiné originellement à l'habitation, son occupation temporaire pour un autre usage n'est pas de nature à elle seule à lui ôter cette destination, en l'absence de travaux modifiant sa conception, son aménagement ou ses équipements ;
5. Considérant qu'il résulte à cet égard de l'instruction, notamment des nombreuses factures et photographies produites par les requérants, que les travaux en cause ont consisté, d'une part, en une remise en état des planchers, des murs, des plafonds, des salles d'eau, de la façade, de l'électricité et de la plomberie, et le remplacement de la chaudière existante par une chaudière au gaz à condensation ; que ces travaux n'ont modifié ni la consistance ni l'agencement ou l'équipement initial de l'immeuble ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, sans l'établir, ils n'ont pas fait l'objet d'une demande de permis de construire, mais de simples déclarations préalables de travaux ainsi que d'une demande d'autorisation d'aménager un établissement recevant du public ; qu'ils s'analysent dès lors comme des dépenses d'entretien et de réparation, au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, et présentent ainsi le caractère de charges déductibles, la circonstance que les locaux étaient loués pour un usage professionnel étant sans incidence sur cette qualification ;
6. Considérant d'autre part que les travaux ont consisté en la création d'un ascenseur, par démolition d'une seule cheminée existante, et la réfection des parkings devant l'immeuble, d'ailleurs considérés comme des dépenses d'amélioration déductibles aux termes de l'article 31 1 b) bis du code général des impôts ; que l'administration a écarté la qualification de dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation au motif qu'il s'est agi au cas d'espèce de transformer des locaux d'habitation en locaux professionnels ; que toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ensemble des travaux effectués n'a pas eu pour effet de changer la destination à l'habitation de l'immeuble, l'agencement initial, notamment les salles de bains et les cuisines, ayant été conservé ; qu'ils n'ont pas eu pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux existants ; que ces travaux n'équivalent pas par leur importance à une reconstruction, et n'ont pas eu pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ; que, dans ces conditions, et nonobstant leur coût, les travaux litigieux ne revêtent pas le caractère de dépenses de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; qu'ils doivent donc être regardés comme des dépenses d'amélioration déductibles des revenus fonciers des intéressés ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a refusé de faire droit à leur demande d'admission en déduction de leurs revenus fonciers au titre de l'année 2009 des dépenses de travaux réalisées la même année pour l'immeuble situé 135 rue Parisot Dufour à Sézanne ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
8. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 avril 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 à raison du refus du service d'admettre en déduction de leurs revenus fonciers les dépenses de travaux réalisées en 2009 pour l'immeuble situé 135 rue Parisot Dufour à Sézanne.
Article 2 : M. et Mme C...sont déchargés des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 à raison du refus d'admission en déduction de leurs revenus fonciers des dépenses de travaux visées à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC01246