Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Duho Immobilier a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy d'annuler la décision du 11 février 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er septembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle a autorisé la SAS Décathlon France à créer un magasin d'articles de sports et de loisirs à Yutz.
Par un arrêt n° 15NC00831 du 8 février 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Décathlon France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n° 399655 du 13 septembre 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant celle-ci.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée les 6 mai 2015 et 13 novembre 2017, la SARL Duho Immobilier, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 11 février 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er septembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle a autorisé la SAS Décathlon France à créer un magasin à Yutz ;
2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle a autorisé la SAS Décathlon France à créer un magasin à Yutz ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commission s'est fondée sur un texte qui n'était plus en vigueur pour opposer une irrecevabilité à sa demande ;
- au demeurant, les nouvelles dispositions de la loi du 18 juin 2014 n'ont pas modifié fondamentalement les conditions de recevabilité du recours des tiers en donnant une nouvelle rédaction à l'article L. 752-17 du code de commerce ;
- c'est au regard du droit commun de l'intérêt pour agir dans le contentieux de l'excès de pouvoir que doit être appréciée la recevabilité du recours du tiers, en fonction des effets de l'acte sur la situation concrète du requérant ;
- elle avait intérêt à agir en ce que la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial a porté atteinte à ses intérêts patrimoniaux ;
- l'autorisation accordée par la commission départementale d'aménagement commercial est irrégulière dès lors que la commission n'avait pas connaissance d'une dissimulation de prix ni de l'absence de respect d'un arrêté préfectoral imposant de reboiser l'équivalent des surfaces défrichées, ce qui démontre que la décision a été obtenue par fraude.
Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2017, la SARL Duho Immobilier conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle ajoute que la décision attaquée est formellement irrégulière, faute d'être assortie d'une motivation suffisante.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2015 et 5 décembre 2017, la société Décathlon France, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la SARL Duho Immobilier ;
2°) de mettre à la charge de la SARL Duho Immobilier le versement d'une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours présenté par la SARL Duho Immobilier devant la Commission nationale d'aménagement commercial était irrecevable faute d'intérêt pour agir au regard du code de commerce alors en vigueur ;
- l'annulation de l'arrêt de la cour n'est intervenue qu'en raison d'une simple erreur matérielle ;
- la solution de la cour doit être confirmée dans la mesure où la société requérante n'apporte aucun élément nouveau de nature à la remettre en cause ;
- l'intérêt à agir de la SARL Duho Immobilier ne peut être admis sur le seul constat de sa qualité d'opérateur immobilier ou d'acquéreur prétendument évincé ;
- la société requérante ne soulève aucun moyen de nature à démontrer que son projet méconnaitrait les objectifs tirés de l'aménagement du territoire, du développement durable et de la protection des consommateurs, tels que fixés par le code de commerce.
Un courrier du 1er février 2018 a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'était susceptible d'être relevée d'office l'irrecevabilité du moyen présenté après l'expiration du délai de recours et tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée qui relève d'une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens présentés dans le délai de recours.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Kolbert, président,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SAS Décathlon France.
1. Considérant que, par une décision du 1er septembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle a autorisé la SAS Décathlon France à créer, sur le territoire de la commune de Yutz, un magasin de sports et de loisirs d'une surface de 4 986 m² ; que la SARL Duho Immobilier a contesté cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial qui, lors de sa séance du 11 février 2015, a déclaré ce recours irrecevable ; que, par une requête enregistrée le 6 mai 2015, présentée directement devant la cour sur le fondement des dispositions de l'article R. 311-3 du code de justice administrative, elle demande l'annulation de cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, que le courrier par lequel la Commission nationale d'aménagement commercial a notifié la décision attaquée à la SARL Duho Immobilier, qui l'a reçue le 26 mars 2015, comportait la mention des délais et voies de recours ; que la requête de la SARL Duho Immobilier, enregistrée au greffe de la cour le 6 mai 2015, ne comportait que des moyens de légalité interne et que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, qui relève de la légalité externe, n'a été présenté que par un mémoire enregistré le 13 novembre 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours ; que procédant d'une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens présentés avant l'expiration de ce délai, un tel moyen doit être écarté comme irrecevable ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des dispositions de l'article 60 de la loi du 18 juin 2014 susvisée, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, que les modifications qu'elle a apportées au code de commerce quant à la procédure d'autorisation de création de surfaces commerciales, n'ont été rendues applicables qu'à compter du 18 décembre 2014 ; qu'il en résulte que le recours que la société requérante a formé le 18 octobre 2014 contre la décision du 1er septembre 2014 de la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle ne pouvait être examiné que dans le cadre des dispositions du code de commerce antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce dans sa version applicable en l'espèce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbain. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration de conditions de travail des salariés. " ; qu'aux termes de l'article L. 751-1 du même code : " Une commission départementale d'aménagement commercial statue sur les demandes d'autorisation qui lui sont présentées en vertu des dispositions des articles L. 752-1, L. 752-3 et L. 752-15. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 752-17 de ce code : " A l'initiative (...) de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d'aménagement commercial peut, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial (...) " ;
5. Considérant que si la SARL Duho Immobilier, qui exerce l'activité de marchand de biens destinés à des activités industrielles et commerciales, fait valoir que l'autorisation délivrée à la SAS Décathlon France la priverait de la disponibilité de terrains qu'elle comptait acquérir et commercialiser, elle ne donne aucune précision de nature à établir l'existence d'un projet précis susceptible d'être directement concurrencé par la création dans ce secteur d'un magasin d'articles de sports et de loisirs ; que par suite, et quelles que soient les conditions dans lesquelles les terrains concernés ont été acquis, la SARL Duho Immobilier ne justifiait pas d'un intérêt suffisant pour saisir la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours tendant à l'annulation de l'autorisation délivrée à la SAS Décathlon France et que cette instance n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-17 du code de commerce en rejetant ce recours comme irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Duho Immobilier n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 11 février 2015, ni par voie de conséquence, de la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de Moselle du 1er septembre 2014 ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SARL Duho Immobilier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Duho Immobilier le versement à la SAS Décathlon France d'une somme de 2 500 euros, sur le même fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Duho Immobilier est rejetée.
Article 2 : La SARL Duho Immobilier est condamnée à verser à la SAS Décathlon France une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Duho Immobilier, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la SAS Décathlon France.
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17NC02253