Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1402575 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 29 mai et 14 décembre 2017, M. et Mme A...D..., représentés par MeB..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement invoqué les dispositions relatives à l'abus de droit sans appliquer la procédure spéciale qu'elles prévoient les privant de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal ;
- les demandes faites par l'administration auprès des clients de la société Actifia GmbH ne sont pas régulières, puisqu'elles visent leur situation fiscale et ont été réalisées en dehors de tout contrôle fiscal ; la procédure d'imposition est ainsi viciée ;
- n'étant salariée de la société Actifia GmbH que pour une mission particulière, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts n'étaient pas applicables à la situation de MmeD... ; la société Actifia GmbH exerçait bien de façon prépondérante une activité industrielle et commerciale autre que la prestation de services ;
- l'application de l'article 155 A du code général des impôts constitue une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques en raison de la double imposition et entraîne une atteinte au principe de la liberté de circulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SCI Bérénice, dont le capital est partagé entre M.C..., le père de MmeD..., et la SA Axalia, elle-même détenue par M. C...et par MmeD..., l'administration a notifié à M. et Mme D... par proposition de rectification du 7 décembre 2012, selon la procédure de rectification contradictoire, des redressements notamment dans la catégorie des traitements et salaires au titre des années 2009 et 2010 ; que les intéressés relèvent appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public " ;
3. Considérant que l'administration pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, lesquelles sont destinées à faire échec à certaines pratiques visant à soustraire à l'impôt sur le revenu français des rémunérations imposables en France, imposer Mme D...à raison des sommes versées par la SCI Bérénice, sans rechercher si pouvaient également être appliquées les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales réprimant les abus de droit ; que l'administration n'a à aucun moment de la procédure soutenu, même implicitement que la convention d'entremise conclue entre la SCI Bérénice et la société Actifia GmbH ou le contrat de travail de Mme D...auraient été fictifs ou inspirés par le seul motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale que les requérants auraient normalement supportée si ces actes n'avaient pas été signés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait, même de manière implicite, mis en oeuvre la procédure d'abus de droit sans respecter les garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant en second lieu, que M. et Mme D...soutiennent que les demandes de renseignements adressées par l'administration aux clients de la société Actifia GmbH ont été réalisées en dehors de tout contrôle fiscal et rendent ainsi la procédure d'imposition irrégulière ; qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont été avertis par proposition de rectification du 7 décembre 2012 que les acquéreurs des biens immobiliers vendus par la société Actifia GmbH avaient reçu des demandes de renseignements non contraignantes de la part de l'administration fiscale ; que ces demandes avaient été adressées à ces tiers dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la de la SCI Bérénice ; que l'administration était en droit d'utiliser, pour les besoins de l'établissement des impositions en litige, tous les renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de simples particuliers ; qu'en outre, les requérants ont été informés par la proposition de rectification du 7 décembre 2012, qui leur a été personnellement notifiée à l'occasion du contrôle sur pièces du foyer fiscal, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès des clients de la société Actifia GmbH ; que les époux D...ont ainsi été mis à même d'en discuter avant le recouvrement des impositions litigieuses ; que par suite, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de Franceen rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie hors de Franceoù elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (...) ".
6. Considérant que les prestations dont la rémunération est susceptible d'être imposée, en application de l'article 155 A du code général des impôts, entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de Francene trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte ;
7. Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la SCI Bérénice, dont M. C..., père de MmeD..., disposait d'une partie du capital avec la SA Axalia, elle-même détenue par l'intéressé et sa fille, a conclu le 18 janvier 2008, avec la société Actifia GmbH, société de droit suisse détenue à 5 % par Mme D...et à 95 % par M.C..., une convention de distribution de produits ; que cette convention avait pour objet la commercialisation de soixante douze logements d'un programme immobilier situé à Illzach, en vente en l'état futur d'achèvement ; qu'à ce titre la SCI Bérénice a versé à la société Actifia GmbH les sommes de 10 440 euros en 2009 et 151 892 euros en 2010 en rémunération des prestations d'entremise ; que l'administration fiscale a relevé que les factures établies par la société Actifia GmbH ne comportaient aucun numéro de téléphone permettant d'être contactée par des clients ; que l'administration fait valoir en outre que les clients, qui ont acquis neuf des onze lots vendus par la société Actifia GmbH, ont indiqué avoir eu pour seule interlocutrice Mme D...qu'ils ont rencontrée à leur domicile ou à Illzach ; que deux d'entre eux ont produit la carte de visite de MmeD..., qui, si elle est sous l'en-tête de la société Actifia GmbH, mentionne une adresse à Mulhouse, étant également le siège de la SCI Bérénice ; que par ailleurs, la société est dénommée, sur cette carte de visite, " la financière d'Alsace " ; que dans ces conditions, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société Actifia GmbH aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que les rémunérations versées par la SCI Bérénice à la société Actifia GmbH pouvaient être regardées comme entrant dans les prévisions de l'article 155 A du code général des impôts ;
8. Considérant d'autre part, que M. et Mme D...soutiennent que sur les années en litige, la société Actifia GmbH exerçait, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; qu'il ressort de l'extrait du registre du commerce produit par les requérants que la société a un objet social très étendu, comprenant essentiellement des prestations de services dans le domaine immobilier ; que l'attestation de l'expert-comptable suisse, au demeurant non traduite, mentionne l'existence de sources de revenus autres que celle provenant de l'activité d'entremise réalisée au bénéfice de la SCI Bérénice, sans en préciser la nature ; que les missions déléguées à Mme D...dans son contrat de travail, dont il n'est pas contesté qu'elle était l'unique salariée de la société Actifia GmbH, consistent davantage en des prestations de services relatives à la commercialisation de produits de défiscalisation ou de produits dont la vente a été confiée à la société ; que dans ces conditions, M. et Mme D...n'apportent aucun élément de nature à démontrer, ainsi que cela leur incombe, que cette société, exerçait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ; que, par suite, les sommes versées par la SCI Bérénice à la société Actifia GmbH en contrepartie des prestations de commercialisation de lots immobiliers doivent être regardées comme des rémunérations liées à l'activité de Mme D... au sein de la société Actifia GmbH et imposables à l'impôt sur le revenu au nom de celle-ci en application des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts ;
9. Considérant en dernier lieu qu'en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution relative à la transmission de questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil d'État et au Conseil Constitutionnel, il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la constitutionnalité des lois ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts seraient contraires aux principes de libre circulation et d'égalité devant les charges publiques, ne peut être utilement invoqué ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeA... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
2
N° 17NC01294