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08/02/2018 | FRANCE | N°17NC00420

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17NC00420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cofinance a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Strasbourg à lui verser la somme de 5 196 895,92 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1405242 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Strasbourg à verser à la société Cofinance la somme de 36 778,59 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février et 31 août 2017, la société Cofi

nance, représentée par la Selarl Lexio, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1405242 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cofinance a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Strasbourg à lui verser la somme de 5 196 895,92 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1405242 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Strasbourg à verser à la société Cofinance la somme de 36 778,59 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février et 31 août 2017, la société Cofinance, représentée par la Selarl Lexio, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1405242 du 16 décembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il ne lui a pas alloué la somme de 5 084 874 euros hors taxes à titre d'indemnisation et la somme de 20 000 euros hors taxes au titre des frais exposés pour établir son préjudice ;

2°) de condamner la commune de Strasbourg à lui payer une somme de 5 104 874 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Cofinance soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- le refus illégal de la commune de lui délivrer un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif lui a causé un préjudice direct et certain ;

- les experts qu'elle a diligentés ont estimé ce préjudice à la somme de 5 084 874 euros hors taxes, à laquelle s'ajoutent 20 000 euros hors taxes correspondant au coût de réalisation de sa réclamation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 juillet, 5 et 7 septembre 2017, la commune de Strasbourg, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement et à la condamnation de la société Cofinance à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Strasbourg soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car tardive ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et les préjudices allégués dès lors qu'en tout état de cause, les conditions suspensives stipulées dans le compromis de vente, relatives aux autorisations à obtenir, ne pouvaient pas être réalisées ;

- la perte de marge alléguée est hypothétique dans son principe et n'est pas établi dans son montant ; le coût d'établissement du rapport d'expertise n'est pas justifié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la société Cofinance, ainsi que celles de MeB..., pour la commune de Strasbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 juillet 2007, à l'issue d'une procédure d'appel à candidatures en vue de la cession amiable d'un immeuble domanial appartenant à l'Etat, les sociétés Cofinance et Klein et Spatz ont conclu avec ce dernier un compromis de vente en vue d'acquérir un terrain à bâtir situé 4, route de La Wantzenau, sur le territoire de la commune de Strasbourg, et d'y réaliser une opération immobilière. La régularisation de la vente était cependant subordonnée à la délivrance d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif. La délivrance d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif par le maire de Strasbourg le 4 janvier 2008 a empêché la réalisation de cette condition et a, par conséquent, fait obstacle à la vente.

2. Par jugement du 29 novembre 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 4 janvier 2008. Le 5 mai 2014, la société Cofinance a présenté à la commune de Strasbourg une réclamation tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif. Cette demande ayant été expressément rejetée par la commune, le 31 juillet 2014, la société Cofinance a présenté une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Strasbourg.

3. La société Cofinance relève appel du jugement du 16 décembre 2016 en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 36 778,59 euros au principal et demande que la condamnation de la commune soit portée à la somme totale de 5 104 874 euros. Par voie d'appel incident, la commune de Strasbourg conteste la condamnation prononcée par le tribunal et demande l'annulation du jugement.

Sur la recevabilité de l'appel principal de la société Cofinance :

4. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à la société Cofinance le 22 décembre 2016 et non, comme le soutient la commune, le 16 décembre 2016. La requête de la société Cofinance, enregistrée à la cour le 20 février 2017, avant l'expiration du délai d'appel de deux mois, n'est donc pas tardive.

Sur la réparation des préjudices invoqués par la société Cofinance :

En ce qui concerne le lien de causalité :

5. La commune de Strasbourg soutient que les préjudices dont fait état la requérante ne résultent pas du certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif du 4 janvier 2008, dès lors que l'acte de vente authentique n'aurait pas pu être signé en vue du projet au titre duquel ce certificat a été sollicité.

6. Il ressort des stipulations du compromis de vente que la signature de l'acte de vente authentique était subordonnée à la condition de l'obtention d'un permis de construire pour la réalisation de locaux à usage d'hôtels, d'appartements-hôtel, de surfaces commerciales et de bureaux, lequel n'aurait pas pu être délivré compte tenu de la destination particulière de la zone dans le plan d'occupation de sols. Toutefois, le contrat stipule, par ailleurs, s'agissant de la condition suspensive tenant à l'obtention d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif : " En cas de délivrance d'un premier certificat d'urbanisme négatif, l'acquéreur pourra déposer une nouvelle demande en modifiant son programme initial (...). En cas de délivrance d'un second certificat d'urbanisme négatif, le présent compromis sera nul et non avenu et les parties déliées de tout engagement ".

7. Le contrat en cause doit s'interpréter d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes et toutes ses clauses doivent s'interpréter les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

8. En l'espèce, il résulte du rapprochement des deux clauses que celle relative à l'obtention d'un permis de construire doit être lue comme se référant au projet qui aurait fait auparavant l'objet d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif, qu'il s'agisse du projet initialement envisagé à la date de signature du compromis de vente, ou du projet ultérieurement modifié à l'initiative de l'acquéreur.

9. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à une première demande de la société Cofinance, le maire de Strasbourg a délivré un certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif pour le programme initial décrit dans le compromis. Dès lors, la circonstance que la société Cofinance ait présenté une seconde demande tendant à la délivrance d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel pour un projet différent de celui initialement prévu ne faisait pas, en soi, obstacle à la réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire. En tout état de cause, aucun certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif n'a été délivré à la requérante dans le délai prévu par le compromis de vente.

En ce qui concerne le manque à gagner :

10. La société Cofinance fait valoir que la délivrance du certificat négatif illégal, en l'empêchant de devenir propriétaire du terrain objet du compromis de vente du 25 juillet 2007, l'a privée de la possibilité d'y développer le projet pour lequel cette acquisition était envisagée. La demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel déposée le 7 novembre 2007 portait sur la réalisation de bureaux destinés à des organisations internationales et des services publics, ainsi que d'un campus regroupant plusieurs écoles d'enseignement supérieur public. Il résulte de l'instruction que ce projet était conforme à la destination de la zone ROB INAL du plan d'occupation de sols, qui réservait le terrain convoité aux seules " constructions et installations affectées aux institutions internationales ainsi que celles affectées à un usage public ".

11. Toutefois, la société Cofinance ne fait état d'aucun engagement souscrit par des personnes ayant vocation à utiliser de telles constructions et installations, ni même de négociations commerciales suffisamment avancées avec eux. En particulier, elle ne justifie d'aucun engagement ou négociation quant à l'implantation sur le site du projet d'école européenne, dont elle se prévaut. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que l'opération envisagée par la requérante correspondait aux besoins de personnes ayant vocation à utiliser de telles constructions et installations, notamment en ce qui concerne le projet d'école européenne, puisque l'opération portait sur des écoles d'enseignement supérieur, tandis que l'école européenne devait accueillir des élèves de maternelle, primaire et secondaire.

12. Dans ces conditions, et en supposant même que la requérante aurait pu mener à bien l'opération envisagée, le manque à gagner qu'elle allègue revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, ouvrir droit à réparation.

En ce qui concerne le coût d'établissement de la réclamation indemnitaire :

13. La société Cofinance sollicite le versement d'une somme de 20 000 euros correspondant, selon elle, au coût du rapport d'expertise qu'elle a fait établir afin de chiffrer son préjudice en vue de présenter sa réclamation indemnitaire à la commune.

14. Il appartient à la requérante de justifier par tout moyen que ledit rapport a été établi à titre onéreux et qu'elle en a supporté la charge. Elle n'a produit aucun élément en première instance et n'en produit pas davantage en appel. Son préjudice n'est donc pas établi.

En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses liées à l'établissement du compromis de vente :

15. Le tribunal a fixé à la somme de 36 778,59 euros le montant des dépenses engagées par la société Cofinance pour l'établissement du compromis, en pure perte du fait de la non-réalisation de la vente résultant de la délivrance du certificat d'urbanisme négatif du 4 janvier 2008.

16. La commune de Strasbourg soutient que c'est à tort que le tribunal a accepté d'indemniser, à ce titre, les frais supportés par la société Cofinance au titre de la garantie bancaire à première demande pendant la période courant de 2007 à 2013. Toutefois, elle se borne à citer le courrier du trésorier-payeur général du Bas-Rhin du 10 janvier 2008, informant la requérante de l'inutilité de la mise en place de cette mesure, sans apporter d'autre précision à l'appui de son moyen. La cour n'est ainsi pas à même d'en apprécier le bien-fondé.

17. En conclusion de tout ce qui précède, ni la société Cofinance, par son appel principal, ni la commune de Strasbourg, par son appel incident, ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la seconde à verser à la première une somme de 36 778,59 euros à titre d'indemnisation. Leurs conclusions tendant à la réformation ou l'annulation de ce jugement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cofinance est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cofinance et à la commune de Strasbourg.

2

N° 17NC00420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00420
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LEXIO AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-08;17nc00420 ?
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