La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2017 | FRANCE | N°16NC02822

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 16NC02822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des Hauts du Doubs a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le cabinet Merlin à prendre en charge le coût des travaux de reprise de sa station d'épuration correspondant à une somme de 32 400 euros toutes taxes comprises.

Par un jugement n° 1401614 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a condamné le cabinet Merlin à verser cette somme à la communauté de communes des Hauts du Doubs.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés les 20 décembre 2016 et 7 août 2017, le cabinet Merlin, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des Hauts du Doubs a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le cabinet Merlin à prendre en charge le coût des travaux de reprise de sa station d'épuration correspondant à une somme de 32 400 euros toutes taxes comprises.

Par un jugement n° 1401614 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a condamné le cabinet Merlin à verser cette somme à la communauté de communes des Hauts du Doubs.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 décembre 2016 et 7 août 2017, le cabinet Merlin, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la communauté de communes des Hauts du Doubs ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Hauts du Doubs le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée dès lors qu'une réception sans réserve met fin aux rapports contractuels ;

- le fait générateur du sinistre est le second déplacement du dégrilleur sur le poste extérieur de la station intervenu le 28 juillet 2011 sans qu'il en ait eu connaissance et près d'un an après la réception ;

- la communauté de communes des Hauts du Doubs est seule responsable alors qu'elle a commis des fautes à l'origine de son préjudice ;

- ainsi que l'a estimé le tribunal, sa responsabilité au titre de la garantie décennale ne saurait être engagée en l'absence d'impropriété de l'ouvrage à sa destination ;

- il n'a commis aucune faute de conception.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2017 et le 23 septembre 2017, la communauté de communes des Hauts du Doubs, représentée par Me B... de la SCP DSC Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du cabinet Merlin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre peut être recherchée, sans qu'y fasse obstacle une réception sans réserve, en cas de manquement à son obligation de conseil lors de la réception ;

- le fait générateur du sinistre ne résulte pas du déplacement du dégrilleur sur le poste extérieur intervenu le 28 juillet 2011 ;

- le cabinet Merlin lui a proposé de signer un procès-verbal de réception sans réserve ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- le montant du préjudice n'est pas contesté ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du cabinet Merlin au titre de la garantie décennale est engagée, les désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination ; les désordres résultent d'une d'un défaut de conception du maître d'oeuvre ;

- très subsidiairement, la responsabilité quasi-délictuelle du cabinet Merlin est engagée dès lors qu'il n'a pas respecté les règles de l'art lors de la conception du projet et a manqué à son devoir conseil.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour le cabinet Merlin.

1. Considérant que, par un acte d'engagement du 29 juin 2004, la communauté de communes des Hauts du Doubs a conclu avec le cabinet André, ingénieurs conseils, un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet notamment la réalisation d'une unité de traitement des eaux usées à Chapelle-des-Bois ; qu'à la suite d'une réunion de chantier le 23 juillet 2009, il a été décidé de déplacer le dégrilleur vertical automatique prévu initialement à l'intérieur de la station, sur la bâche tampon en entrée de station ; que cette proposition d'installation a été acceptée par le maître d'ouvrage en cours de marché, pour un montant de 13 900 euros ; que peu après l'achèvement des travaux par la société Hydrea, des dysfonctionnements sont apparus dans l'exploitation de la station d'épuration, se manifestant en particulier par le bouchage régulier des pompes de relevage en tête de station en raison de la présence de divers résidus ; que la société Hydrea a proposé de réinstaller gracieusement le panier de dégrillage au niveau du poste extérieur ; que cette proposition a été acceptée le 20 octobre 2010 par la communauté de communes des Hauts du Doubs ; que l'ouvrage a ensuite été réceptionné sans réserve le 26 novembre 2010 avec effet au 30 juin 2010 ; que les désordres se sont néanmoins poursuivis après cette date ; que le cabinet Merlin relève appel du jugement du 8 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la communauté de communes des Hauts du Doubs une somme de 32 400 euros toutes taxes comprises correspondant au coût des travaux de reprise de sa station d'épuration ;

Sur la responsabilité contractuelle :

2. Considérant, en premier lieu, que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. D..., que les désagréments rencontrés par l'exploitation de la station d'épuration consistent en la présence, dans le bac de récupération des refus de dégrillage et en nombre important, d'éléments organiques non décomposés, de lingettes et serviettes, ainsi que de gravillons, qui engendrent des difficultés et des risques pour manipuler, vider et nettoyer ce bac et rend impossible l'évacuation et le traitement de ces déchets ;

4. Considérant que ces désagréments résultent d'une modification du dégrilleur et de sa position dans la chaîne de traitement ; que le cabinet Merlin soutient que les désordres sont causés par le second déplacement du dégrilleur, intervenu le 28 juillet 2011, pour lequel aucune faute ne saurait lui être reprochée, en l'absence de toute consultation de la maîtrise d'oeuvre ; qu'il résulte de l'instruction que lors de la réunion de chantier du 23 juillet 2009, un représentant du conseil général du Doubs, agissant en qualité de conseil technique de la communauté de communes des Hauts du Doubs, a proposé, afin de faciliter l'exploitation de la station d'épuration de déplacer le dégrilleur vertical automatique prévu initialement à l'intérieur de la station, sur la bâche tampon en entrée de station ; que dès l'année 2010, les désagréments précités sont apparus dans la mesure où cette première modification du dégrilleur et de sa position dans la chaîne de traitement ne permettaient plus de satisfaire aux conditions de conception du dégrillage prévues au marché ; que le second déplacement du dispositif de l'équipement, accepté par le maître de l'ouvrage le 20 octobre 2010, alors que les difficultés d'exploitation de la station d'épuration s'étaient déjà manifestées, ne sauraient ainsi être regardées, contrairement à ce que soutient le cabinet Merlin, comme la cause déterminante des désordres ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le maître d'oeuvre, présent à la réunion de chantier précitée du 23 juillet 2009, n'a émis aucune réserve quant à la modification de la conception initiale de l'installation par le déplacement du dégrilleur, qu'il n'a pas attiré l'attention de la communauté de communes des Hauts du Doubs quant aux difficultés qui pouvaient alors survenir lors du fonctionnement de l'ouvrage et qu'il a proposé au maître de l'ouvrage une réception sans réserve ; que le cabinet Merlin a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

5. Considérant, en second lieu, que si le cabinet Merlin soutient que la communauté de communes des Hauts du Doubs a commis une faute en acceptant de déplacer en 2009 le dégrilleur sans recueillir son avis, il est constant, ainsi qu'il a été précédemment dit, que le cabinet Merlin, présent à la réunion du 23 juillet 2009, au cours de laquelle il a été décidé de cette modification, n'a formulé lors de cette réunion ou dans ses suites aucune remarque ; que, dans ces conditions et alors que cette modification a été initiée par le conseil général en qualité de conseiller technique, le maître de l'ouvrage, qui pouvait raisonnablement estimer être en présence d'une analyse partagée quant à cet élément technique, ne saurait être regardé comme ayant commis une faute de nature à atténuer la responsabilité du maître d'oeuvre en validant cette modification ; que, par ailleurs, et dès lors que la cause des désagréments a pour origine cette modification, le cabinet Merlin ne peut utilement invoquer, pour s'exonérer de sa responsabilité contractuelle, des fautes que le maître de l'ouvrage aurait commises, postérieurement au prononcé de la réception sans réserve de l'ouvrage, relatives à son choix de ne pas donner suite aux propositions de la société Hydrea du 8 mars 2011 et d'avoir validé un protocole d'accord avec cette société en laissant les travaux s'exécuter sans finalement signer ce protocole ; que, par suite, aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de la communauté de communes des Hauts du Doubs de nature à exonérer en tout ou partie le cabinet Merlin de sa responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le cabinet Merlin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a retenu sa seule responsabilité et l'a condamné à verser à la communauté de communes des Hauts du Doubs une somme de 32 400 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux de reprise de la station d'épuration ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes des Hauts du Doubs, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le cabinet Merlin demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du cabinet Merlin une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes des Hauts du Doubs sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du cabinet Merlin est rejetée.

Article 2 : Le cabinet Merlin versera à la communauté de communes des Hauts du Doubs une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet Merlin et à la communauté de communes des lacs et montagnes du Haut-Doubs.

2

N° 16NC02822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02822
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-28;16nc02822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award