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14/12/2017 | FRANCE | N°16NC00969

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 16NC00969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Meurthe-et-Moselle a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la délibération du 10 octobre 2014 par laquelle la commune de Neuves-Maisons a approuvé son plan local d'urbanisme et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a rejeté sa demande tendant au retrait de cette délibération.

Par un jugement no 1501119 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté son déféré.

Procédure devant la cour :

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r une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai 2016, 13 février, 18 et 30 mai, 1er juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Meurthe-et-Moselle a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la délibération du 10 octobre 2014 par laquelle la commune de Neuves-Maisons a approuvé son plan local d'urbanisme et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a rejeté sa demande tendant au retrait de cette délibération.

Par un jugement no 1501119 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté son déféré.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai 2016, 13 février, 18 et 30 mai, 1er juin, 29 septembre et 6 octobre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1501119 du 29 mars 2016 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler la délibération du 10 octobre 2014 par laquelle la commune de Neuves-Maisons a approuvé son plan local d'urbanisme ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a rejeté sa demande tendant au retrait de cette délibération.

Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que :

- son déféré devant le tribunal n'est pas tardif ;

- les mémoires en défense de la commune ne sont pas recevables, en l'absence d'habilitation du maire à la représenter en justice ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le maire n'a pas justifié de son habilitation à représenter la commune devant le tribunal et que ce dernier n'a pas vérifié ce point ;

- le rapport de présentation ne comporte pas d'analyse de l'environnement et de la sensibilité du milieu, notamment du point de vue des risques naturels ; il ne justifie pas les partis d'urbanisme retenus au regard des risques naturels d'inondation identifiés par l'atlas des zones inondables ; il ne justifie pas des motifs pour lesquels les conclusions de ce document ont été écartées ;

- le plan local d'urbanisme n'assure pas l'information des citoyens, prévue par l'article L. 125-2 du code de l'environnement, sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis ;

- la capacité hydraulique du cours d'eau " le Mazot " et de son bassin versant, ainsi que sa compatibilité avec les opérations d'aménagement déjà réalisées ou projetées, n'ont fait l'objet d'aucune évaluation préalable, en méconnaissance de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et du schéma de cohérence territoriale, qui prévoient la nécessité de cette évaluation ;

- le plan local d'urbanisme méconnaît l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme en ce qu'il n'est pas compatible avec les orientations fondamentales et les objectifs définis par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux en application des articles L. 212-1 et L. 212-3 du code de l'environnement ;

- le plan local d'urbanisme n'est pas compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale Sud 54 en ce qu'il rend possible un développement urbain important sur un bassin versant exposé à un risque d'inondation ; il méconnaît ainsi l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme ;

- le zonage et le règlement du plan local d'urbanisme, qui ne déterminent pas les conditions permettant d'assurer la prévention du risque naturel et ne présentent pas les secteurs où sont identifiés des risques naturels, méconnaissent les articles L. 121-1 et R. 123-11 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses documents graphiques ne tiennent pas compte des zones inondables répertoriées dans l'atlas des zones inondables de 2006.

Par des mémoires, enregistrés les 9 décembre 2016, 24 février, 1er juin, 10 août, 14 septembre et 30 octobre 2017, la commune de Neuves-Maisons, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Neuves-Maisons soutient que :

- le maire est habilité à la défendre en justice ;

- le déféré a été introduit tardivement devant le tribunal ;

- aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

Le 23 octobre 2017 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le moyen relatif à l'irrégularité du jugement, soulevé tardivement et se rapportant à une question qui aurait pu être soulevée devant les premiers juges, est irrecevable.

L'instruction a été close le 6 novembre 2017.

Le préfet de Meurthe-et-Moselle a déposé un mémoire le 10 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de l'environnement,

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Mme B...et M.C..., pour la préfecture de Meurthe-et-Moselle, ainsi que celles de MeA..., pour la commune de Neuves-Maisons.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 juillet 2008, le conseil municipal de la commune de Neuves-Maisons a décidé d'engager la procédure de révision de son plan local d'urbanisme. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du 15 décembre 2013. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 26 juin au 5 août 2014, le conseil municipal a approuvé le plan local d'urbanisme par une délibération du 10 octobre 2014. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir vainement demandé à la commune de retirer cette délibération, l'a déférée au tribunal administratif de Nancy.

2. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal a rejeté son déféré.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune devant la cour :

3. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 4 avril 2014, rendue exécutoire, le conseil municipal a, en application de ces dispositions, chargé le maire, pendant la durée de son mandat, de défendre la commune dans toute action intentée contre elle. Dès lors, le moyen tiré de l'irrecevabilité des mémoires en défense de la commune de Neuves-Maisons soulevée par le préfet ne peut qu'être écarté.

Sur la régularité du jugement :

5. Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le maire n'a pas justifié de son habilitation à représenter la commune devant le tribunal et que ce dernier n'a pas vérifié ce point. Toutefois, ce moyen a été soulevé, pour la première fois, dans un mémoire déposé le 1er juin 2017, postérieurement à l'expiration du délai d'appel et il est fondé sur une cause juridique distincte de celles (légalité externe et légalité interne de la délibération) sur laquelle reposaient les moyens soulevés dans le délai d'appel. Dès lors, ce moyen, soulevé tardivement, est irrecevable.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération en litige : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1° Un rapport de présentation ; (...) ". Aux termes de l'article R. 123-2 du même code, alors applicable : " Le rapport de présentation : 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 ; 2° Analyse l'état initial de l'environnement, présente une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et justifie les objectifs de modération de cette consommation et de lutte contre l'étalement urbain arrêtés dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard, notamment, des objectifs fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale, et des dynamiques économiques et démographiques ; 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable et, le cas échéant, les orientations d'aménagement et de programmation ; il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles et des orientations d'aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l'article L. 123-1-4, des règles qui y sont applicables, notamment au regard des objectifs et orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur ; 5° Précise les indicateurs qui devront être élaborés pour l'évaluation des résultats de l'application du plan prévue à l'article L. 123-12-1. / En cas de modification, de révision ou de mise en compatibilité dans les cas prévus aux articles R. 123-23-1, R. 123-23-2, R. 123-23-3 et R. 123-23-4, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés ".

7. En l'espèce, le rapport de présentation rappelle que la commune fait l'objet d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé par arrêté préfectoral le 27 juillet 2000, dont il reproduit la carte d'aléas relative à la commune de Neuves-Maisons. Il décrit les risques en cause et indique que les contraintes résultant du PPRI sont prises en compte par le plan local d'urbanisme, qui distingue trois zones dites de préservation (risque fort d'inondation), de protection (risque moyen d'inondation) et de prévention (risque faible d'inondation), pour chacune desquelles des règles d'occupation de sols particulières sont définies par le règlement. Le rapport de présentation fait également état de l'existence de digues au niveau du port et d'une dérivation canalisée, ouvrages protégeant la commune des crues de la rivière Moselle et gérés par Voies navigables de France.

8. Par ailleurs, le rapport de présentation indique que les risques d'inondation ont été actualisés, par rapport à l'état des connaissances au vu desquelles a été élaboré le PPRI, dans l'atlas des zones inondables de la Moselle diffusé en mars 2006, dont il reproduit la carte d'aléas relative à la commune de Neuves-Maisons. Il souligne toutefois que ce document, dépourvu de portée réglementaire, ne lui est pas opposable et que l'Etat n'envisage aucune révision du PPRI pour en tenir compte. Il ajoute que la modélisation illustrée par la carte reproduite " ne prend pas en considération les digues et retenues d'eau existantes le long du cours d'eau, et présente par conséquent une situation d'inondation qui serait la conséquence d'une rupture de tous les ouvrages de protection qui ont été mis en place sur la Moselle ".

9. Il ressort ainsi du rapport de présentation qu'il comporte une analyse de l'environnement et de la sensibilité du milieu, notamment du point de vue des risques naturels, fondée sur le PPRI en vigueur, ainsi qu'un exposé des motifs pour lesquels les données de l'atlas des zones inondables de la rivière Moselle diffusé en mars 2006 n'ont pas été prises en compte par les auteurs du plan local d'urbanisme. Ces éléments permettent de justifier des partis d'urbanisme retenus, consistant à rendre possible un développement urbain important dans des secteurs identifiés comme inondables par l'atlas des zones inondables de la rivière Moselle, mais non par le PPRI.

10. Par conséquent, le préfet n'est pas fondé à soutenir que le rapport de présentation est insuffisant sur ces points.

11. En deuxième lieu, l'article L. 125-2 du code de l'environnement, instituant un droit des citoyens à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent, n'est pas applicable au plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions doit donc être écarté comme inopérant.

12. Au surplus, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme en litige décrit de manière circonstanciée les risques d'inondation pesant sur le territoire de la commune de Neuves-Maisons et fait état tant des protections physiques que des contraintes juridiques d'occupation de sols mises en oeuvre à leur égard.

13. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le préfet, il ne ressort ni de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, ni du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, ni du schéma de cohérence territoriale sud 54 que le cours d'eau " le Mazot " devait nécessairement, avant l'adoption du plan local d'urbanisme, faire l'objet d'une évaluation de sa capacité hydraulique et de celle de son bassin versant et d'une vérification de leur compatibilité avec l'ensemble des opérations d'aménagement déjà réalisées ou à venir, assorties d'éventuelles mesures compensatoires.

14. Au surplus, alors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'enquête publique que le cours d'eau " le Mazot " est un ruisseau entièrement souterrain et canalisé à travers toute la commune, le préfet n'apporte aucune précision ni aucun élément quant à l'incidence qu'il pourrait avoir sur la préservation des milieux aquatiques et le risque d'inondation.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 137 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. / Le plan local d'urbanisme doit, s'il y a lieu, être compatible avec les dispositions du schéma de mise en valeur de la mer, ainsi que du plan de déplacements urbains et du programme local de l'habitat. Il n'est pas illégal du seul fait qu'il autorise la construction de plus de logements que les obligations minimales du programme local de l'habitat n'en prévoient. / Les dispositions relatives aux transports et aux déplacements des orientations d'aménagement et de programmation et du programme d'orientations et d'actions du plan local d'urbanisme tenant lieu de plan de déplacements urbains sont compatibles avec les dispositions du plan régional pour la qualité de l'air et du schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie. / Lorsqu'un des documents mentionnés aux deuxième et troisième alinéas est approuvé après l'approbation d'un plan local d'urbanisme, ce dernier doit, si nécessaire, être rendu compatible dans un délai de trois ans. Ce délai est ramené à un an pour permettre la réalisation d'un ou plusieurs programmes de logements prévus dans un secteur de la commune par le programme local de l'habitat et nécessitant une modification du plan ".

16. Il résulte de ces dispositions que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ne figure pas au nombre des documents avec lesquels le plan local d'urbanisme doit être compatible. Dès lors, à supposer même que le plan local d'urbanisme en litige ne soit pas compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2010-2015, le préfet ne peut utilement soutenir que la délibération attaquée a été prise en méconnaissance de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer : (...) / 3° (...) la prévention des risques naturels prévisibles ". Par sa décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'étaient pas contraires aux articles 34 et 72 de la Constitution sous réserve qu'elles soient interprétées comme imposant seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent et que, en conséquence, le juge administratif exerce un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par ces documents et les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme (Conseil d'Etat, 15 mai 2013, n° 340554).

18. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme alors applicable : " (...) / IV. - Les plans locaux d'urbanisme (...) doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (...) ". Le schéma de cohérence territoriale Sud 54 (SCOT Sud 54), approuvé le 14 décembre 2013, mentionne dans ses orientations générales que : " Les collectivités locales concernées prennent en compte dans leur document d'urbanisme local (...) les risques naturels (...) en l'état de la connaissance (...). Elles doivent prendre en compte les Plans de Prévention des Risques (PPR) lorsqu'ils existent. / En l'absence de PPR approuvé, en s'appuyant sur les outils de connaissance (Atlas des zones inondées, Atlas des zones inondables, Atlas départemental des mouvements de terrain, études hydrauliques), elles doivent identifier dans leur document d'urbanisme local, les secteurs à risques et adapter le droit à construire afin d'interdire toute forme d'urbanisation dans les secteurs les plus à risques (aléa fort) et de limiter très fortement l'urbanisation dans les secteurs peu urbanisés et touchés par un risque (aléa moyen) ".

19. Le préfet soutient que le plan local d'urbanisme en litige n'est pas compatible avec les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et les objectifs du SCOT Sud 54, dès lors que la commune n'a pas, pour déterminer les règles d'urbanisme applicables sur son territoire, pris en compte les données figurant dans l'atlas des zones inondables de la rivière Moselle, établi par ses services et diffusé en mars 2006. Selon le préfet, ce document identifie des secteurs inondables de la commune de Neuves-Maisons qui n'ont pas été répertoriés comme tels dans le plan de prévention des risques d'inondation approuvé par arrêté préfectoral le 27 juillet 2000.

20. Toutefois, l'atlas des zones inondables de la rivière Moselle, qui constitue une simple étude réalisée par les services de l'Etat, est dépourvu de toute valeur réglementaire même s'il peut en être tenu compte comme élément d'information.

21. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions de modélisation du risque d'inondation dans ce document, qui repose sur l'hypothèse peu plausible, décrite dans son rapport de présentation, d'une rupture de tous les ouvrages de protection mis en place sur la Moselle, conjuguée avec une crue centennale de la rivière, au niveau de la commune de Neuves-Maisons, que cette dernière aurait mal apprécié le risque d'inondation en prenant seulement en considération le plan de prévention des risques d'inondation pour déterminer les règles d'urbanisme applicables sur son territoire. Au demeurant, il est constant que le préfet lui-même n'a pas, postérieurement à l'édition de l'atlas des zones inondables de la rivière Moselle, procédé à la révision du plan de prévention des risques d'inondation approuvé le 27 juillet 2000 afin d'y intégrer la prise en compte du risque particulier qu'il allègue au niveau de la commune de Neuves-Maisons.

22. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que les auteurs du plan local d'urbanisme ont pris en compte les risques d'inondation en classant les zones urbaines et naturelles concernées en trois secteurs en fonction du niveau de risque retenu par ce plan (zone de préservation pour le risque fort d'inondation, zone de protection pour le risque moyen, zone de prévention pour le risque faible) et en fixant dans le règlement du plan des règles d'utilisation et d'occupation des sols propres à chacun de ces secteurs. Or, alors que le territoire communal, dans la modélisation de l'atlas des zones inondables, n'est que partiellement concerné par le risque d'inondation, le préfet se borne à soutenir, de manière générale, que " le document d'urbanisme approuvé traduit la possibilité d'un développement urbain important ", et que " l'urbanisation du bassin versant risque d'aggraver la problématique liée au ruissellement dans la partie aval déjà urbanisée et fortement contrainte ", sans assortir ces affirmations d'autres précisions quant au bien-fondé du zonage retenu au regard de l'objectif de prévention du risque naturel d'inondation. De même, il se borne à soutenir que le règlement du plan local d'urbanisme ne détermine pas les conditions permettant d'assurer la prévention de ce risque, sans préciser en quoi et à quel(s) endroit(s) du territoire communal il est insuffisant.

23. Il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que les règles déterminées par le plan local d'urbanisme en litige sont incompatibles avec l'objectif de prévention du risque naturel prévisible d'inondation mentionné au 3° de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale Sud 54.

24. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les zones U, AU, A et N sont délimitées sur un ou plusieurs documents graphiques. / Les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s'il y a lieu : / (...) / b) Les secteurs où (...) l'existence de risques naturels, tels qu'inondations (...) justifient que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols ; (...) ".

25. Il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

26. Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 21 et 22, le préfet n'est pas fondé à soutenir que le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que ses documents graphiques, où sont identifiés les secteurs à risques de la commune, ne tiennent pas compte des zones inondables répertoriées dans l'atlas des zones inondables de 2006.

27. En conclusion de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de son déféré, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ledit déféré. Ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Neuves-Maisons au titre de ces dispositions.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la commune de Neuves-Maisons une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Neuves-Maisons est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de Meurthe-et-Moselle et à la commune de Neuves-Maisons.

2

N° 16NC00969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00969
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP SCHAF-CODOGNET VERRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-14;16nc00969 ?
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