Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Lorraine Photovoltaïque a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 février 2013 par laquelle la société Electricité de France (EDF) lui a refusé le bénéfice de l'obligation d'achat pour l'extension de son installation, ensemble la décision du 24 juin 2013 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1301985 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2016, la Société Lorraine Photovoltaïque, représentée par Me B...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1301985 du 8 décembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler la décision du 22 février 2013 par laquelle la société Electricité de France (EDF) lui a refusé le bénéfice de l'obligation d'achat pour l'extension de son installation, ensemble la décision du 24 juin 2013 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la société EDF de lui adresser l'avenant au contrat d'obligation d'achat et de procéder à sa signature, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du vice de procédure ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du défaut de motivation ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'un vice de procédure dès lors que la société EDF n'a pas respecté les directives du guide du producteur intitulé " Comment est prise en compte l'augmentation de puissance de mon installation ' " et qu'elle était saisie d'une demande d'avenant au contrat d'obligation d'achat initial et non d'une demande de contrat d'achat ;
- le décret du 9 décembre 2010 ne s'applique pas à l'extension d'un projet existant et ainsi, les délais de mise en service prévus à l'article 4 de ce décret sont inopposables à l'extension du projet ;
- le décret du 9 décembre 2010 est contraire au principe d'égalité devant la loi consacré par le droit de l'Union européenne mais aussi par la Constitution, la loi et la jurisprudence et cette illégalité entraîne, par voie d'exception, l'illégalité des décisions contestées ;
- ces décisions procèdent d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2016, la société EDF, représentée par Me C... et MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Société Lorraine Photovoltaïque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité dans la mesure où le tribunal n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant ;
- le moyen tiré du défaut de motivation des décisions litigieuses est inopérant dès lors qu'elle était en situation de compétence liée pour suspendre la demande de contrat d'achat de la requérante en application de l'article 1er du décret du 9 décembre 2010 ;
- en tout état de cause, ces décisions sont motivées ;
- l'augmentation de puissance d'une installation existante implique nécessairement la conclusion d'un nouveau contrat d'achat et la demande correspondante doit donc être instruite au regard du décret du 9 décembre 2010 ;
- la requérante n'a pas respecté les dispositions de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 dès lors qu'elle n'a pas notifié à la société ERDF son acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010 ;
- en tout état de cause, elle n'a pas mis en service ses nouveaux panneaux photovoltaïques dans le délai imposé par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010, qui expirait au plus tard le 4 avril 2012 ;
- le décret du 9 décembre 2010 ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
- le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée ;
- le décret n°2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- le décret n°2001-410 du 10 mai 2001 ;
- le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
- l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A...conseil de la société Electricité de France.
1. Considérant que, le 1er février 2012, la Société Lorraine photovoltaïque a conclu avec la société EDF un contrat d'achat de l'énergie électrique produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil et bénéficiant de l'obligation d'achat pour une installation d'une puissance maximale de 169,84 kWc située à Maxéville ; qu'elle a présenté une nouvelle demande de contrat d'achat à raison de l'augmentation de puissance de son installation résultant de la pose de panneaux supplémentaires ; que la société EDF a suspendu cette demande par décision du 22 février 2013, prise sur le fondement des dispositions du décret du 9 décembre 2010 ; que, par décision du 24 juin 2013, la société EDF a rejeté le recours gracieux présenté par la société Lorraine photovoltaïque contre cette décision ; que la Société Lorraine Photovoltaïque relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que contrairement à ce que soutient la société appelante, les premiers juges ont expressément écarté au point 6 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'un vice de procédure ; que ce jugement n'étant pas entaché d'une omission à statuer à cet égard, le moyen tiré de son irrégularité doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, désormais codifié à l'article L. 314-1 du code de l'énergie : " Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national : / [...] ; 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables, [...].Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat. / Sous réserve du maintien des contrats en cours et des dispositions de l'article 50, l'obligation de conclure un contrat d'achat prévu au présent article peut être partiellement ou totalement suspendue par décret, pour une durée qui ne peut excéder dix ans, si cette obligation ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements. / [...] " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil : " L'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau " ; que l'article 4 précise, toutefois, que " le bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date. / Les délais mentionnés au premier alinéa sont prolongés lorsque la mise en service de l'installation est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais prévus au premier alinéa. La mise en service de l'installation doit, dans tous les cas, intervenir au plus tard deux mois après la fin des travaux de raccordement. / La date de mise en service de l'installation correspond à la date de mise en service de son raccordement au réseau " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " A l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat " ; que l'arrêté du 12 janvier 2010 fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative ; que son article 2 dispose : " L'installation du producteur est décrite dans le contrat d'achat, qui précise ses caractéristiques principales : (...) 4. Puissance crête totale installée pour les générateurs photovoltaïques telle que définie par les normes NF EN 61215 et NF EN 61646 ou puissance électrique maximale installée dans les autres cas. (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " La date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation. La demande complète doit comporter les éléments définis à l'article 2 (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que la Société Lorraine Photovoltaïque soutient que les décisions litigieuses sont entachées d'un vice de procédure dès lors que la société EDF n'a pas respecté les directives contenues dans le guide du producteur intitulé " Comment est prise en compte l'augmentation de puissance de mon installation ' " rédigé par sa direction des services partagés qui, selon elle auraient dû être mises en oeuvre pour traiter sa demande d'avenant au contrat d'obligation d'achat initial ; que, d'une part, la société ne peut utilement se prévaloir des éléments d'informations mentionnés dans ce guide qui ne contient aucune disposition impérative à caractère général ; que, d'autre part et en tout état de cause, l'augmentation de la puissance de l'installation initiale constituait une modification des caractéristiques principales devant nécessairement figurer dans la demande de contrat d'achat et qu'une telle modification qui porte sur les caractéristiques substantielles du contrat au sens de l'arrêté du 12 janvier 2010, impliquait nécessairement le dépôt d'une nouvelle demande de contrat d'achat à laquelle n'étaient donc pas applicables les préconisations du guide du producteur ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du 22 février 2013 par laquelle la société EDF a suspendu la demande de contrat d'achat d'électricité présentée par la Société Lorraine Photovoltaïque comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qu'elle est ainsi suffisamment motivée et qu'il en est de même de la décision portant rejet du recours gracieux ; qu'en tout état de cause, la circonstance que ces deux décisions ne mentionnent pas la même date s'agissant du point de départ du délai de réalisation de la mise en service de l'installation à partir de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau, ne révèle pas, par elle-même, un défaut de motivation de ces décisions ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 que l'obligation de conclure un contrat d'achat prévue par cet article peut être suspendue totalement ou partiellement si elle ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements ; que, sur ce fondement, ont été exclues du champ de la suspension les installations pour lesquelles la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle était inférieure ou égale à 3 kilowatts et celles pour lesquelles l'acceptation de la proposition technique et financière a été notifiée au gestionnaire du réseau avant le 2 décembre 2010 ; que la différence de traitement selon le stade d'avancement des installations de production d'électricité découle nécessairement de l'entrée en vigueur de la mesure contestée ; que l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement de l'installation adressée par le gestionnaire de réseau au producteur, qui s'accompagne du versement d'un acompte, engage le début des travaux de raccordement des installations ; que la date du 2 décembre 2010, retenue par le décret attaqué, est celle de l'annonce faite par le Gouvernement de la mesure de suspension ; qu'ainsi, en suspendant l'obligation de conclure un contrat d'achat pour les producteurs qui n'avaient pas encore notifié leur acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau le 2 décembre 2010 et en exceptant de la suspension ceux qui l'avaient déjà notifiée, le décret attaqué n'a pas méconnu le principe d'égalité ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à invoquer son illégalité, par voie d'exception, à l'appui de sa contestation des décisions de suspension qui lui ont été opposées ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le décret du 9 décembre 2010 suspend l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations photovoltaïques mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 pour une durée de trois mois ; que les articles 2 et 3 de ce décret prévoient que la suspension ne s'applique pas aux installations dont la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle est inférieure ou égale à 3 kW ainsi qu'à celles dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ; qu'il ne ressort ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition à caractère législatif ou règlementaire que les demandes relatives à des augmentations de puissance d'installations existantes, pour lesquelles un contrat d'achat d'électricité a déjà été conclu avec EDF, seraient exclues, par principe, du champ d'application du décret du 9 décembre 2010 ; que la circonstance que la société ERDF n'a pas fait de proposition technique et financière à la requérante, à la suite du dépôt de sa demande de raccordement pour l'extension de son installation, et dès lors que cette extension n'impliquait pas de travaux supplémentaires mais seulement la conclusion d'un avenant à la convention de raccordement, n'a pas pour effet d'exclure la société requérante du champ d'application de ce décret ; que cette dernière ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 314-1 du code de l'énergie qui concernent la limite de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la société EDF aurait commis une erreur de droit en fondant ses décisions sur les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 subordonnent le bénéfice de l'obligation d'achat, pour les installations dont le producteur a notifié avant le 2 décembre 2010 son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau au gestionnaire de réseau, prévue à l'article 3 du même décret, à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de cette notification, lorsque celle-ci n'a pas été antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur de ce décret ; que ce délai de dix-huit mois est prolongé lorsque la mise en service de l'installation a été retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement mais que l'installation doit alors, en tout état de cause, être achevée dans ce délai et sa mise en service intervenir au plus tard deux mois après la fin de ces travaux ; qu'en l'espèce, en l'absence de proposition technique et financière formalisée dans les conditions prévues à l'article 3 du décret du 9 décembre 2010, c'est la signature le 4 octobre 2010 par la société requérante de l'avenant à la convention de raccordement avec ERDF qui doit être regardée comme déterminant la date à laquelle elle est réputée avoir accepté les nouvelles conditions de raccordement de son installation et le point de départ du délai de mise en service de la nouvelle installation ; qu'il est constant que la mise en service de cette seconde installation est intervenue plus de dix-huit mois après cette date ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la société EDF aurait commis une erreur de droit en lui opposant, pour justifier son refus, l'expiration du délai prévu par les dispositions de l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 ;
9. Considérant en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées seraient entachées d'un détournement de pouvoir ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la Société Lorraine Photovoltaïque sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société EDF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Société Lorraine Photovoltaïque demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Société Lorraine Photovoltaïque une somme de 1 500 euros à verser à la société EDF sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Société Lorraine Photovoltaïque est rejetée.
Article 2 : La Société Lorraine Photovoltaïque versera à la société EDF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Société Lorraine Photovoltaïque et à la société EDF.
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N° 16NC00296