Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Bindernheim a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement les sociétés Archicub, Jort, Face Alsace et Comptoir des Revêtements de l'Est à lui verser, d'une part, la somme de 105 000 euros HT au titre des désordres affectant la salle polyvalente de la commune au regard du chauffage et du revêtement de sol et, d'autre part, la somme de 7 566,70 euros au titre des frais d'expertise.
Par un jugement n° 1005536 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné solidairement les sociétés Archicub et Face Alsace à verser à la commune de Bindernheim la somme de 2 500 euros HT au titre des désordres affectant le système de chauffage de l'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, a condamné solidairement les sociétés Archicub et Comptoir des Revêtements de l'Est à verser à la commune de Bindernheim la somme de 31 500 euros HT au titre des désordres affectant le revêtement de sol de la salle de sport, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, a mis à la charge solidaire des sociétés Archicub, Face Alsace et Comptoir des Revêtements de l'Est les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 7 566,70 euros, a condamné la société Face Alsace à garantir la société Archicub de la somme de 2 500 euros HT et a condamné la société Comptoir des Revêtements de l'Est à garantir pour moitié la société Archicub de la somme de 31 500 euros HT.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2015, la société Comptoir des Revêtements de l'Est (CDRE), représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter les conclusions de la commune de Bindernheim dirigées à son encontre ;
3°) d'appeler à l'instance son assureur, la société AXA IARD, qui devra la couvrir d'une éventuelle condamnation à hauteur d'appel ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bindernheim la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres constatés ne lui sont pas imputables alors qu'elle est dégagée de toute responsabilité par les conclusions de l'expert, qu'elle a alerté les parties sur les problèmes affectant les supports et que les prestations dont elle avait la charge ont été réalisées conformément à l'avis technique et aux règles de l'art ;
- son assureur doit la couvrir d'une éventuelle condamnation à hauteur d'appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2015, la société Jort, représentée par Me H..., conclut à ce qu'elle soit mise hors de cause.
Elle soutient que l'appel de la société Comptoir des Revêtements de l'Est concerne les désordres relatifs au revêtement du sol de la salle de sport alors qu'elle n'a pris aucune part à cet ouvrage et a été totalement exonérée de toutes responsabilités dans le cadre de sa participation à l'installation du système de chauffage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2015, la société Face Alsace, représentée par MeC..., conclut à ce qu'elle soit mise hors de cause.
Elle soutient qu'elle n'a été condamnée par le tribunal administratif qu'au titre des désordres relatifs au système de chauffage, qu'elle n'est nullement concernée par les désordres affectant le revêtement de sol de la salle de sport et qu'elle a exécuté la condamnation prononcée à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2015, la société AXA France IARD, représentée par MeD..., conclut au rejet de l'appel en garantie formé par la société Comptoir des Revêtements de l'Est à son encontre et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Comptoir des Revêtements de l'Est au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ces conclusions sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
- l'action en garantie de la société Comptoir des Revêtements de l'Est à son encontre est manifestement prescrite en application des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre 2015 et 10 mai 2016, la société Archicub, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de la société Comptoir des Revêtements de l'Est ;
2°) de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la société Comptoir des Revêtements de l'Est une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle est intervenue sur le chantier en qualité de maître d'oeuvre ;
- la société Comptoir des Revêtements de l'Est, qui a procédé à la mise en oeuvre du sol, a commis une faute, en tant qu'entreprise spécialisée dans son domaine, en n'émettant aucune réserve quant à l'utilisation et aux matériaux mis en oeuvre ;
- la société Comptoir des Revêtements de l'Est a ainsi engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à son égard ;
- le maître d'ouvrage a une part de responsabilité dans la survenance des désordres litigieux et son affirmation selon laquelle il aurait toujours maintenu l'ouvrage en mode hors gel est contestée et contredite par les constatations et les conclusions de l'expert ;
- le fait de maintenir un bâtiment en mode hors gel durant les périodes d'hiver est une mesure de bon sens pour un maître d'ouvrage normalement diligent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2016, la commune de Bindernheim, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, de réformer le jugement en portant à 92 400 euros TTC le montant de l'indemnité à lui verser solidairement par la société Archicub et la société Comptoir des Revêtements de l'Est ;
2°) de confirmer la condamnation des constructeurs à supporter les frais d'expertise ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de la société Comptoir des Revêtements de l'Est ;
4°) de mettre à la charge de la société Comptoir des Revêtements de l'Est la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux frais et dépens.
Elle soutient que :
- la cour ne pourra que confirmer le jugement en ce qui concerne les désordres relatifs au problème de chauffage et de déperdition thermiques qui n'est pas contesté sur ce point ;
- le tribunal administratif ne pouvait légalement retenir une faute de sa part exonérant les constructeurs à hauteur de 50 % en ce qui concerne les désordres affectant le revêtement de sol du local sportif dès lors que l'existence de cette faute n'est pas établie et que l'ouvrage a toujours été maintenu en mode hors gel ;
- l'existence d'un rapport de causalité entre les désordres litigieux et les conditions thermiques dans lesquelles l'ouvrage a été maintenu n'a été évoquée par l'expert qu'à titre d'hypothèse ;
- la responsabilité encourue au titre de la garantie décennale est une responsabilité de plein droit n'imposant pas la démonstration d'une faute du constructeur ce qui rend inutile la démonstration de ce que la société Comptoir des Revêtements de l'Est a commis une faute lors de l'exécution des travaux, dès lors que les désordres sont imputables à ces travaux ;
- au demeurant, il appartient à l'entrepreneur de vérifier la conformité des matériaux utilisés et de conseiller utilement le maître de l'ouvrage sur leurs spécificités ;
- la société Comptoir des Revêtements de l'Est a, de plus, décidé de passer outre l'avis défavorable du bureau de contrôle technique et de son avertissement sans utiliser les produits adaptés à la situation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Archicub et de MeG..., représentant la commune de Bindernheim.
1. Considérant qu'en 1998, la commune de Bindernheim (Bas-Rhin) a décidé de procéder à la réalisation d'une salle de sports, les travaux consistant en la construction d'une salle polyvalente avec réhabilitation d'un bâtiment existant ; que, par un acte d'engagement du 21 avril 1998, la maîtrise d'oeuvre de ce projet a été confiée à la société Archicub ; que la société Comptoirs des revêtements de l'Est s'est vu confier le lot n° 12 " Revêtement des sols " par acte d'engagement du 13 octobre 1998 ; que la réception des travaux des différents lots a été prononcée le 22 novembre 1999 ; qu'à la suite de la survenance de désordres à compter de 2007 concernant des déperditions thermiques et affectant le revêtement de sol de la salle de sports, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, par ordonnance du 17 novembre 2009, à la demande de la commune de Bindernheim, désigné un expert pour constater les désordres, identifier leur origine et évaluer les coûts de réfection ; que celui-ci a déposé son rapport le 21 juin 2010 ; que, par un jugement du 19 février 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné solidairement, d'une part, les sociétés Archicub et Face Alsace à verser à la commune de Bindernheim la somme de 2 500 euros HT au titre des désordres de déperditions thermiques et, d'autre part, les sociétés Archicub et Comptoirs des revêtements de l'Est à verser à la commune de Bindernheim la somme de 31 500 euros HT au titre des désordres affectant le revêtement de sol de la salle de sport ; que la société CDRE demande la réformation du jugement en tant seulement qu'il a prononcé sa condamnation ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Bindernheim demande que l'indemnité que les sociétés Archicub et Comptoirs des revêtements de l'Est ont été condamnées à lui verser soit portée à la somme de 92 400 euros TTC et que les frais d'expertise soient mis à la charge de celles-ci ;
Sur l'appel principal de la société Comptoir des Revêtements de l'Est :
2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement, sauf à ce que soit établie la faute du maître de l'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'au moment de la pose du revêtement de sol de la salle de sports, l'entreprise Comptoir des Revêtements de l'Est a , en raison du degré d'humidité présenté par la dalle et en accord avec la maîtrise d'oeuvre, proposé d'interposer une protection de type Sporisol destinée à ramener le taux de tolérance d'humidité de la dalle support à un niveau compatible avec celui imposé par le fabricant du revêtement ; que le cloquage de ce revêtement, détecté sept ans après la pose, mais qui présente un caractère évolutif, est imputable à l'évolution de l'hygrométrie de la dalle qui a atteint un degré de saturation d'humidité provoquant la formation de gouttelettes en sous-face du Sporisol qui, avec le temps et l'usage, ont été " pompées " vers le collage de sa surface supérieure à travers les joints, dissolvant la colle acrylique et provoquant les désordres ; que ceux-ci rendent impossible, à terme, la pratique sportive dans des conditions normales et sont susceptibles d'être à l'origine de chutes pour les pratiquants ; que ces désordres rendent ainsi l'ouvrage impropre à sa destination et sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs auxquels ils sont imputables ;
4. Considérant que la société Comptoirs des revêtements de l'Est était titulaire du lot n°12 " Revêtement des sols " ; que du fait de sa participation directe aux travaux ayant donné lieu aux désordres litigieux, en particulier s'agissant des procédés mis en oeuvre et des matériaux utilisés, et alors même qu'elle allègue que l'expertise n'aurait retenu que la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre, les désordres constatés sur le revêtement du sol doivent être regardés comme lui étant également imputables et qu'ainsi, elle était tenue par l'obligation de garantie due au maître de l'ouvrage au titre de ces désordres ; qu'il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé sa condamnation in solidum avec la société Archicub, à les réparer ;
Sur les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de la commune de Bindernheim :
5. Considérant que la commune de Bindernheim demande, d'une part, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu à son encontre une faute de nature exonératoire à hauteur de 50 % et d'autre part que le montant de l'indemnité que les sociétés Archicub et Comptoirs des revêtements de l'Est ont été condamnées à lui verser soit porté à la somme de 77 000 euros HT ;
6. Considérant que pour retenir une faute exonératoire du maître d'ouvrage, les premiers juges ont estimé que, selon le rapport de l'expert, le phénomène de condensation à l'origine du désordre a été favorisé par l'absence du maintien du chauffage de la salle de sports en mode continu hors gel ; qu'il ressort toutefois de ce rapport que si l'expert relève que le maintien en continu du chauffage selon un tel mode aurait probablement évité la survenance du désordre, il relève également, dans sa réponse à un dire, qu'il a fallu des circonstances tout à fait exceptionnelles et une conjonction de plusieurs facteurs difficilement prévisibles pour en arriver à un tel phénomène de condensation et qu'ainsi, le caractère certain et direct du lien envisagé entre les désordres et les modes d'utilisation du chauffage demeure à l'état d'hypothèse ; qu'en outre, la commune a versé les correspondances de responsables associatifs attestant, avant les opérations d'expertise, que les équipements ont été maintenus hors gel durant la période hivernale ; qu'il est, par ailleurs, constant que la salle de sports était affectée durant la même période d'importantes déperditions thermiques, désordres qui ont été imputés au maître d'oeuvre et au constructeur titulaire du lot étanchéité et bardages ; que, par suite, la commune de Bindernheim est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu à son encontre une faute exonératoire et a laissé à sa charge une partie des conséquences dommageables des désordres ;
7. Considérant que si la commune de Bindernheim demande également que le montant du préjudice indemnisable soit porté à la somme de 77 000 euros HT, elle n'apporte aucune justification au soutien de cette prétention et ne démontre pas, en particulier, l'erreur qu'auraient commise les premiers juges qui, pour retenir un montant de 63 000 euros HT, se sont fondés sur un devis de la société Comptoirs des revêtements de l'Est ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bindernheim est seulement fondée à demander que le montant de la condamnation in solidum prononcée à l'encontre des sociétés Archicub et Comptoirs des revêtements de l'Est soit porté à la somme de 63 000 euros HT, au titre des travaux de réfection du revêtement du sol de la salle de sport ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de la société Comptoirs des revêtements de l'Est :
9. Considérant que les conclusions par lesquelles la société Comptoirs des revêtements de l'Est demande à être garantie par la société AXA IARD France, qui est son assureur responsabilité civile décennale, sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 31 500 euros HT que les sociétés Archicub et Comptoir des revêtements de l'Est ont été condamnées in solidum à verser à la commune de Bindernheim par l'article 2 du jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est portée à 63 000 euros HT.
Article 2 : Le jugement du 19 février 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Comptoir des revêtements de l'Est et de la commune de Bindernheim est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Archicub, et AXA France IARD sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Comptoirs des Revêtements de l'Est, à la commune de Bindernheim, à la société Archicub, à la société Face Alsace, à la société Jort et à la société AXA France IARD.
15NC00743 2