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30/11/2017 | FRANCE | N°16NC02867

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16NC02867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 novembre 2016 portant remise aux autorités norvégiennes ainsi que la décision du même jour par laquelle il a été assigné à résidence, de l'autoriser à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l'autoriser à séjourner en France dans l'attente de la décision de l'Office, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui r

emettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 novembre 2016 portant remise aux autorités norvégiennes ainsi que la décision du même jour par laquelle il a été assigné à résidence, de l'autoriser à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l'autoriser à séjourner en France dans l'attente de la décision de l'Office, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours et de mettre les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 novembre 2016 portant remise aux autorités norvégiennes ainsi que la décision du même jour par laquelle elle a été assignée à résidence, de l'autoriser à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l'autoriser à séjourner en France dans l'attente de la décision de l'Office, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours et de mettre les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1603498,1603499 du 9 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions portant transfert aux autorités norvégiennes et assignation à résidence prises à l'encontre de M. A...et de Mme B... le 29 novembre 2016 (article 2), enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A...et à MmeB..., en qualité de demandeur d'asile sur le territoire français, dans un délai de quinze jours (article 3), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Richard, avocat de M. A...et MmeB..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle (article 4) et rejeté le surplus des demandes (article 5).

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, sous le n° 16NC02863, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement en ce qu'il concerne M. A...;

2°) de rejeter l'intégralité de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation au vu de la situation particulière de l'intéressé ;

- saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, la cour écartera l'ensemble des autres moyens soulevés par M.A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2017, M.A..., représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de cent euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'incompétence ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été préalablement informé de la décision qui allait être prise à son encontre, n'a pas été mis en mesure de présenter des observations, et n'a pas été entendu par les services préfectoraux sur sa situation personnelle, en violation des dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas reçu l'information prévu par l'article 4 du règlement UE n°604-2013 ;

- il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement UE n°604-2013 ;

- la décision de transfert ne pourra pas être exécutée avant son expiration le 6 décembre 2016, puisque la France devient à cette date responsable de l'examen de sa demande d'asile en application de l'article 29 du règlement UE n°604-2013, et elle encourt donc l'annulation ;

- le transfert aux autorités norvégiennes porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'expose à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Pakistan, en violation des dispositions de l'article 3 de cette convention ;

- eu égard à sa situation, le préfet aurait dû appliquer la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n°604-2013, et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'assignation à résidence est entachée d'incompétence ;

- son droit d'être entendu préalablement a été méconnu ;

- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- l'assignation à résidence encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision de transfert sur laquelle elle se fonde ;

- le préfet a commis une erreur de droit en l'assignant à résidence, alors que son transfert ne présente pas de perspective raisonnable, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II.) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, sous le n° 16NC02867, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement en ce qu'il concerne Mme B...;

2°) de rejeter l'intégralité de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation au vu de la situation particulière de l'intéressée ;

- saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, la cour écartera l'ensemble des autres moyens soulevés par MmeB....

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2017, MmeB..., représentée par Me Richard, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de cent euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'incompétence ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été préalablement informé de la décision qui allait être prise à son encontre, n'a pas été mise en mesure de présenter des observations, et n'a pas été entendue par les services préfectoraux sur sa situation personnelle, en violation des dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas reçu l'information prévu par l'article 4 du règlement UE n°604-2013 ;

- elle n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement UE n°604-2013 ;

- la décision de transfert ne pourra pas être exécutée avant son expiration le 6 décembre 2016, puisque la France devient à cette date responsable de l'examen de sa demande d'asile en application de l'article 29 du règlement UE n°604-2013, et elle encourt donc l'annulation ;

- le transfert aux autorités norvégiennes porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'expose à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Pakistan, en violation des dispositions de l'article 3 de cette convention ;

- eu égard à sa situation, le préfet aurait dû appliquer la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n°604-2013, et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'assignation à résidence est entachée d'incompétence ;

- son droit d'être entendu préalablement a été méconnu ;

- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- l'assignation à résidence encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision de transfert sur laquelle elle se fonde ;

- le préfet a commis une erreur de droit en l'assignant à résidence, alors que son transfert ne présente pas de perspective raisonnable, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A...et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 26 juin 2017.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre ;

- et les observations de Me Richard, avocat de M. A...et de MmeB....

1. Considérant que M. A...et son épouse, MmeB..., ressortissants pakistanais, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, le 17 mai 2016 et ont demandé, le 19 mai 2016, à être admis au séjour afin de solliciter l'octroi du statut de réfugié ; qu'après consultation du fichier Eurodac, le préfet de Meurthe-et-Moselle a saisi les autorités norvégiennes d'une demande de prise en charge qu'elles ont accepté le 6 juin 2016 ; que le 29 novembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé la remise de M. A...et de Mme B... aux autorités norvégiennes et décidé d'assigner les intéressés à résidence en Meurthe-et-Moselle durant quinze jours avec obligation de se présenter tous les mardis à 10 heures au commissariat de Toul ; que M. A...et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy, le 1er décembre 2016, l'annulation de ces décisions ; que, par jugement du 8 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions portant transfert aux autorités norvégiennes au motif que le préfet avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation particulière des intéressés, annulé par voie de conséquence les décisions d'assignation à résidence prises à l'encontre de M. A...et Mme B...le 29 novembre 2016 (article 2), enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A...et MmeB..., en qualité de demandeur d'asile sur le territoire français, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent jugement (article 3), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Richard, avocat de M. A...et de MmeB..., au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle (article 4) et rejeté le surplus des demandes (article 5) ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel de ce jugement en tant qu'il ne porte pas rejet de l'intégralité des demandes de M. A...et de Mme B...;

2. Considérant que les requêtes du préfet de Meurthe-et-Moselle, enregistrées sous les n°s 16NC02863 et 16NC02867, sont dirigées contre le même jugement et tendent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le premier juge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité " ;

4. Considérant que ni la scolarisation des deux enfants de M. A...et MmeB..., Ezhad et Mamoona, respectivement nés les 1er septembre 2007 et 15 août 2009, ni leur intégration dans la communauté évangélique de Toul ni la circonstance, enfin, que les intéressés aient un frère qui s'est vu accorder le statut de réfugié en France en 2014 ne permettent de révéler, alors que M. A...et Mme B...ont un autre frère réfugié en Norvège, que le préfet a commis une erreur manifeste en refusant, par dérogation, de permettre à ces derniers de voir leurs demandes d'asile examinées par les autorités françaises ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur l'existence d'une telle erreur pour annuler ses décisions de transfert et a annulé, par voie de conséquence, ses arrêtés d'assignation à résidence ;

5. Considérant qu'il appartient, dès lors, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...et Mme B... tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A...et MmeB... :

S'agissant des arrêtés de transfert aux autorités norvégiennes :

6. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 15.BI.48 du 25 août 2015, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 25 août suivant, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation de signature à M. Jean-François Raffy, secrétaire général de préfecture, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; qu'il suit de là que doit être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que les arrêtés litigieux, signés de M. Jean-François Raffy, émanerait d'une autorité incompétente ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) " ;

8. Considérant que M. A...et Mme B...soutiennent que les arrêtés litigieux sont insuffisamment motivés en droit et en fait ;

9. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. A...et MmeB..., les arrêtés litigieux visent le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; qu'ils comportent, de manière suffisamment détaillée, l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider le transfert des intéressés aux autorités norvégiennes ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. A...et Mme B...soutiennent qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter des observations compte tenu du très bref délai, soit 24 heures, qui leur a été imparti par le préfet ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les intéressés ont présenté le 12 septembre 2016 des observations sur les décisions de transfert envisagées par le préfet dont ce dernier a tenu compte ; que M. A...et Mme B...ne sont, en conséquence, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre de la brièveté du délai de 24 heures susmentionné et ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter des observations ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé relatif au droit à l'information : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres " ;

13. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...et Mme B...se sont vu remettre, respectivement le 24 mai 2016, lors de leur entretien en préfecture, le guide du demandeur d'asile ainsi que deux brochures en langue ourdou intitulées " A. J'ai demandé l'asile dans l'UE - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et " B. Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie " ; que M. A...et Mme B...ne sont, en conséquence, pas fondés à soutenir que le préfet ne leur a pas préalablement fourni les informations prévues par l'article 4 du règlement précité ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé relatif au droit à l'information : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / (...) " ;

15. Considérant que M. A...et Mme B...soutiennent qu'ils n'ont pas bénéficié de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement UE n° 604-2013 dans la langue ourdou qu'ils comprennent ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, l'entretien individuel dont M. A...et Mme B...ont bénéficié s'est déroulé en langue ourdou avec MmeC..., interprète ;

17. Considérant, en sixième lieu, que M. A...et Mme B...soutiennent que les décisions de transfert encourent l'annulation dès lors qu'elles ne pourront pas être exécutées avant le 6 décembre 2016, date à laquelle l'Etat Français est devenu responsable de l'examen de leurs demandes d'asile en application de l'article 29 du règlement UE n° 604-2013 ;

18. Considérant que la circonstance que les décisions de transfert n'ont pas pu être exécutées avant le 6 décembre 2016 demeure sans incidence sur leur légalité ; qu'au surplus et en tout état de cause, le délai de six mois imparti aux autorités françaises en vertu de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 à compter du 6 juin 2016 a été interrompu par les demandes d'annulation présentées par M. A...et Mme B...devant le tribunal administratif de Nancy ;

19. Considérant, en septième lieu, que M. A...et Mme B...soutiennent que leur transfert aux autorités norvégiennes porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

20. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les intéressés sont entrés récemment en France ; que, par suite, et eu égard aux conditions dans lesquelles ils ont séjourné depuis cette entrée, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...et Mme B...au respect de leur vie privée et familiale ;

21. Considérant, en huitième et dernier lieu, que M. A...et Mme B...ne peuvent utilement soutenir que les décisions de transfert les exposent à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Pakistan, en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces décisions n'ont pas pour objet de prévoir leur éloignement à destination du Pakistan ;

S'agissant des arrêtés d'assignation à résidence :

22. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ;

23. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 (...) La décision d'assignation à résidence est motivée (...) " ;

24. Considérant que les arrêtés contestés comportent de manière suffisamment précise l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles le préfet s'est fondé ;

25. Considérant, en troisième lieu, qu'ils ressort des pièces des dossiers qu'avant que n'interviennent les décisions contestées, le préfet a mis les intéressés en mesure de produire des observations écrites ou orales ; que le moyen tiré de ce que ces décisions auraient été prises en méconnaissance du droit des intéressés à être entendu doit être par suite écarté ;

26. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces des dossiers que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation individuelle des intéressés ;

27. Considérant, en cinquième lieu, que les autorités norvégiennes ayant accepté de prendre en charge les intéressés le 6 juin 2016, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en décidant d'assigner M. A...et Mme B...à résidence sur le fondement du 2° de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

28. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que les arrêtés assignant à résidence M. A...et Mme B...en Meurthe-et-Moselle durant quinze jours avec obligation de se présenter chaque mardi à 10 heures au commissariat de Toul revêtent un caractère disproportionné eu égard aux buts des mesures poursuivies ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé ses décisions du 29 novembre 2016 portant transfert aux autorités norvégiennes de M. A...et de Mme B...ainsi que les arrêtés du 29 novembre 2016 par lesquels il a assigné à résidence M. A...et MmeB... ; qu'il est , en conséquence, également fondé à demander l'annulation des articles 3 et 4 dudit jugement ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

30. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions d'appel incident tendant à ce que le préfet délivre à M. A...et Mme B...une autorisation provisoire de séjour ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que M. A...et Mme B...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1603498,1603499 du 9 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy sont annulés.

Article 2 : L'ensemble des conclusions présentées par M. A...et par Mme B...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 16NC02863,16NC02867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02867
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-30;16nc02867 ?
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