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30/11/2017 | FRANCE | N°16NC02529

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16NC02529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1601360 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne

portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1601360 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1601359 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2016, sous le n° 16NC02529,

M.C..., représenté par Me Miravete, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601360 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le préfet a estimé que le traitement approprié à son état de santé était disponible en Arménie ;

- il encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie.

II.) Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2016, sous le n° 16NC02530,

MmeC..., représentée par Me Miravete, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601359 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Marne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa situation est liée à la demande de titre de séjour de son époux en qualité d'étranger malade ;

- elle encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, le préfet de la Marne conclut au rejet des requêtes.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 6 février 2017.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.

1. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants arméniens, ont demandé, le 28 mai 2015, à être admis au séjour en qualité d'étrangers malades ; que le préfet de la Marne a, par arrêtés du 30 mai 2016, rejeté ces demandes et a assorti ces refus de titre d'obligations de quitter le territoire français et de décisions fixant le pays de destination ; que M. et Mme C...relèvent appel des jugements du 13 octobre 2016 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;

2. Considérant que les requêtes présentées par M. C...et son épouse et enregistrées sous les n° 16NC02529 et 16NC02530 tendent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;

4. Considérant qu'il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre de diabète, d'hypertension artérielle, d'hypercholestérolémie, d'une insuffisance coronarienne sévère et d'une hypertrophie bénigne de la prostate ; que, dans son avis du 18 juin 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet de la Marne, qui n'était pas lié par cet avis, a estimé, compte tenu des informations dont il disposait, que le traitement approprié à l'état de santé de

M. C...était en réalité disponible en Arménie ; qu'il a, en conséquence, refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en Arménie résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Marne se prévaut d'un message électronique du 22 décembre 2015 du conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France, lequel a indiqué que l'Arménie, et notamment le secteur d'Erevan, où étaient installés auparavant les requérants, ont des structures médicales permettant de soigner " pratiquement toutes les maladies ", que s'agissant des maladies métaboliques, (diabète, hypertension, hyperlipidémie), la pharmacopée est pratiquement la même qu'en Europe de l'Ouest et que s'agissant, enfin, des problèmes coronariens, il existe des centres de cardiologie interventionnelle susceptibles de réaliser des angioplasties et poser des stents ; que faute, toutefois, d'indiquer précisément les traitements médicamenteux que l'état de santé de M. C...nécessite, ce courrier ne suffit pas, dans les termes dans lesquels il est rédigé et avec les réserves qu'il comporte, à remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en Arménie pour le cas de M.C... ; que le préfet se prévaut également d'un document officiel établi par l'ambassade de France faisant état d'une politique de santé en matière de diabète en Arménie, de la délivrance en Arménie à une partie de la population arménienne de tests de dépistage du diabète, de décisions de cours administratives d'appel et produit, enfin, la liste des médicaments disponibles en Arménie ; que ces différents éléments ne suffisent pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment et notamment en raison de leur caractère général ou imprécis, à établir que, contrairement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, M. C...disposerait effectivement en Arménie d'un traitement approprié à son état de santé ; que dans ces conditions, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision portant obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ; qu'ils sont, en conséquence, également fondés à soutenir que c'est à tort que le préfet a refusé d'admettre au séjour MmeC..., a obligé celle-ci à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes en annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que M. et Mme C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Miravete, avocat de M. et MmeC..., renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Miravete de la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 1601359 et 1601360 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 octobre 2016 ainsi que les arrêtés du préfet de la Marne du

30 mai 2016 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. et MmeC..., leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils pourront être éloignés, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C...une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Miravete renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

5

N° 16NC02529, 17NC02530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02529
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-30;16nc02529 ?
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