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30/11/2017 | FRANCE | N°16NC00917

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16NC00917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) Pharmacie du Centre a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en septembre 2008, 2009 et 2010 et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2010, ainsi que des majorations correspond

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Par un jugement n° 1202786 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) Pharmacie du Centre a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en septembre 2008, 2009 et 2010 et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1202786 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assorties les impositions supplémentaires en litige, le surplus des conclusions de sa requête étant rejeté.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016 sous le n° 16N00917, la Selarl Pharmacie du Centre, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du

12 avril 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en septembre 2008, 2009 et 2010 et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2010, ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les recettes non comptabilisées s'analysent comme des détournements de fonds ; or, les détournements commis par un salarié sont déductibles des charges de la société si les dirigeants n'en avaient pas connaissance ; la cour d'appel de Colmar a prononcé la relaxe de MmeA..., gérante de la Selarl, s'agissant des accusations de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, d'omission d'écriture dans un document comptable et de fraude fiscale, son époux collaborateur ayant été jugé seul responsable des manipulations comptables opérées ; lesdites manipulations ne pouvaient être décelées qu'après un examen approfondi, hors de portée des compétences d'un simple gérant, de sorte qu'aucun défaut de contrôle interne ne peut être retenu à l'encontre de la société ; M. A...ne peut par ailleurs en être regardé comme le gérant de fait, faute d'éléments justificatifs de l'administration en ce sens ;

- les conclusions tenant à l'exploitation des fichiers informatiques remis par la société au service vérificateur n'ont été présentées qu'au titre de la proposition de rectification, ce qui démontre une absence de débat contradictoire et de motivation des rappels ;

- les pièces issues du droit de communication n'ont pas été produites en contradiction avec l'article L. 76 B du code général des impôts ;

- c'est à tort que l'administration a rejeté sa comptabilité et la méthode de reconstitution de recettes utilisée n'est pas probante ; la démonstration de l'administration repose sur l'exploitation d'un fichier informatique " a_futil.d " retraçant l'effacement des opérations de vente dont le produit est détourné ; les recettes manquantes identifiées par ce fichier sont purement théoriques ; il n'y a pas eu de véritable reconstitution du chiffre d'affaires à partir des éléments économiques de l'activité ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont infondés ; les détournements opérés ne s'analysent pas comme des ventes taxables effectuées par un assujetti à titre onéreux au sens de l'article 256 du code général des impôts, la pharmacie n'ayant bénéficié d'aucune contrepartie.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 27 juin 2016, la société Pharmacie du Centre conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la Selarl Pharmacie du Centre ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2016, la société Pharmacie du Centre conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

II.) Par un recours enregistré le 24 mai 2016 sous le n° 16NC00939, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2016 ;

2°) de rétablir les majorations dont le tribunal a prononcé la décharge ;

3°) de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est entaché d'erreur d'appréciation des faits en ce qu'il a considéré que l'administration n'avait pas démontré que le comportement de la société, par l'intermédiaire de son gérant de fait M.A..., était constitutif de manoeuvres frauduleuses ;

- il est également entaché d'une erreur de droit pour avoir estimé qu'il n'y avait pas lieu de substituer à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré.

Par un courrier enregistré le 5 avril 2017, la Selarl Pharmacie du Centre, représentée par MeB..., sollicite la jonction de cette instance avec la requête n°16NC00917 qu'elle a introduite contre le même jugement.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2017, la Selarl Pharmacie du Centre demande à la cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de prononcer la décharge des pénalités appliquées au titre des exercices clos en septembre 2008, 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la Selarl Pharmacie du Centre.

1. Considérant que la Selarl Pharmacie du Centre, établie à Illzach (68), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2009, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2010 ; qu'au terme de cette vérification, la comptabilité a été écartée comme non probante et les recettes de l'officine reconstituées ; que dans le cadre de la procédure contradictoire, le service a notifié à la société requérante, par une proposition de rectification du 24 mai 2011, des rehaussements de ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période contrôlée, assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la société relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2016 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du même jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de la société tendant à la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;

2. Considérant que la requête de la Selarl Pharmacie du Centre et le recours du ministre visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions de la Selarl Pharmacie du Centre à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

4. Considérant qu'il ressort de l'examen de la proposition de rectification adressée à la société requérante que le service a indiqué les raisons pour lesquelles la comptabilité de la requérante ne pouvait être regardée comme probante et précisé la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et les calculs effectués ; que, par suite, cette notification était suffisamment motivée pour permettre à la Selarl Pharmacie du Centre de formuler utilement ses observations ; qu'elle est ainsi conforme aux prescriptions de la loi ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; que, si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ; que, dans cette hypothèse, il appartient au requérant d'apporter la preuve que l'entreprise a été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la vérification de comptabilité de la société s'est déroulée à la fois dans les locaux de la pharmacie et, à la demande expresse de MmeA..., au cabinet de ses experts-comptables ; que la société requérante se borne à affirmer que les conclusions tenant à l'exploitation des fichiers informatiques remis par la société au service vérificateur n'ont été présentées que dans le cadre de la proposition de rectification alors que l'administration démontre au contraire que les explications relatives aux traitements effectués par l'administration pour reconstituer les montants d'espèces prélevées en caisse, ainsi que la présentation des rectifications et pénalités envisagées, ont été fournies lors de la vérification de comptabilité et rappelées lors de la réunion de synthèse du 14 avril 2011 ; que, dans ces conditions, la société requérante n'établit pas qu'elle aurait été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire avec l'administration ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un droit de communication a été exercé par le service auprès du tribunal de grande instance de Nîmes en application des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales afin de prendre copie des pièces du dossier pénal ; que le service a pu notamment obtenir la communication du rapport d'expertise concernant le logiciel Alliance Plus utilisé par les pharmacies et de la liste, sur laquelle figure la société requérante, des officines en France ayant sollicité auprès de la société Alliadis, qui commercialise ce logiciel, le mot de passe permettant d'accéder à la commande de suppression des opérations de caisse correspondant à certaines ventes payées en espèces ; que la proposition de rectification reproduit les passages utiles dudit rapport ; qu'en outre, l'administration indique sans être contestée que la copie des pièces obtenues auprès du tribunal de grande instance de Nîmes a été adressée à la Selarl Pharmacie du Centre consécutivement à sa demande du 22 juillet 2011, en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 22 août 2011 ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

S'agissant du rejet de la comptabilité et de la reconstitution de la comptabilité :

9. Considérant que pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la Selarl Pharmacie du Centre au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait un nombre important de factures manquantes, des incohérences dans les quantités vendues et un nombre important de factures présentes dans le fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements ; qu'ainsi, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification que la comptabilité de la société requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité ; que dès lors, c'est à bon droit, que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes ;

10. Considérant que pour procéder à la reconstitution des recettes de la société requérante, le service a ajouté aux recettes correctement comptabilisées et déclarées le montant des recettes éludées figurant dans le fichier trace " a_futil.d ", qui recense l'ensemble des factures supprimées ; que pour critiquer la méthode ainsi utilisée, la requérante fait valoir que sa comptabilité ne peut pas servir de soutien à la reconstitution, dès lors qu'elle a été considérée comme non probante ; que toutefois, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que des éléments tirés de cette comptabilité soient retenus pour opérer des rectifications ; que contrairement à ce que soutient la Selarl Pharmacie du Centre, la méthode de reconstitution de recettes ainsi employée par l'administration ne présente pas un caractère théorique, compte-tenu du caractère exhaustif des éléments figurant dans le fichier trace susmentionné, lequel retrace des opérations réelles ; qu'enfin, la société requérante soutient qu'il existe un écart significatif entre le différentiel résultant du fichier relatif à l'historique des ventes " a_fb1.d " et celles ressortant des bandes de caisse d'une part et, d'autre part, le fichier " a_futil.d " ; que cependant, le fichier " a_fb1.d " est limité aux trente-six derniers mois glissants à compter de la dernière sortie et ainsi ne permet pas une comparaison satisfaisante sur les premiers mois de l'exercice ouvert le 1er janvier 2007 ; que pour les deux autres exercices considérés, les données obtenues par les deux méthodes donnent des résultats comparables ; qu'en tout état de cause, le service a repris, pour la reconstitution des recettes de la société requérante, les données du fichier trace, retraçant un montant de recettes inférieur à celles résultant de la comparaison des données du fichier " produit " " a_fb1.d " avec celles des bandes de caisse ; que, dans ces conditions, la Selarl Pharmacie du Centre, qui ne démontre pas le caractère erroné de la méthode utilisée et ne propose par ailleurs aucune autre méthode d'évaluation plus précise de nature à apprécier le montant des recettes qu'il conviendrait de retenir, n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve du bien-fondé des reconstitutions opérées et, par suite, des impositions litigieuses ;

S'agissant des charges déductibles en matière d'impôt sur les sociétés :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., qui exerçait la direction administrative et financière de la pharmacie, pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux compte tenu des délégations de pouvoir qui lui avaient été octroyées par son épouse ; qu'il bénéficiait d'une procuration sur les comptes bancaires et avait la charge de l'établissement de la situation comptable de la société, laquelle incombe légalement au seul gérant en vertu de l'article L. 232-1 du code de commerce ; qu'il devait ainsi être regardé comme le gérant de fait de la société, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, faute d'avoir la qualité de pharmacien, il ne pourrait être gérant légal de la pharmacie ; qu'ainsi, et alors même que ce dernier n'est pas associé de la Selarl Pharmacie du Centre, les détournements de fonds en cause ne peuvent être regardés comme ayant été commis à l'insu de ladite société dès lors que M. A...détenait le pouvoir de l'engager vis-à-vis des tiers et devait ainsi être regardé comme son dirigeant ;

12. Considérant, en tout état de cause, qu'à supposer même que M. A...puisse être regardé comme simple salarié de la société, les détournements de fonds commis par des salariés au détriment d'une société ne sont pas déductibles en pertes si le comportement délibéré des dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataire social, ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société, ont été à l'origine, directe ou indirecte, de ces détournements ; qu'il résulte de l'instruction que si les manipulations informatiques auxquelles s'est livré M. A...ne pouvaient être détectées, la mise en oeuvre du détournement aurait pu être identifiée par la comparaison de la quantité de produits commandés et celle, ressortant des bandes de caisse, significativement inférieure, de produits vendus ; que le nombre de factures manquantes aurait également pu être détecté à partir de la numérotation de celles-ci, des interruptions très fréquentes apparaissant dans la suite chronologique des opérations de vente ; qu'ainsi, ces détournements auraient pu être décelés par MmeA..., responsable légale de la société, si elle avait effectué, en temps utile, les contrôles qu'il lui appartenait d'exercer en sa qualité de gérante de la société, en particulier sur la comptabilité de l'entreprise ; que les détournements ne peuvent dès lors être regardés comme ayant été commis à son insu, sans qu'y fasse obstacle les mentions de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 30 octobre 2015 relaxant Mme A...au motif que les malversations en cause étaient imputables à son époux et ne pouvaient être décelées par cette dernière, dès lors que l'autorité de chose jugée par le juge pénal s'attache aux seules constatations de fait contenues dans ses décisions et ne saurait lier le juge de l'impôt quant à la qualification des faits au regard de la loi fiscale ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pertes subies ne peuvent être regardées comme déductibles des résultats de la société Pharmacie du centre ;

S'agissant du bien-fondé des impositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ;

15. Considérant que la circonstance que les recettes non comptabilisées ont été détournées par un salarié de la société ne fait pas obstacle à ce que les ventes correspondantes soient regardées comme ayant été réalisées pour le compte de la société requérante, du fait notamment que lesdites ventes ont porté sur des produits qui avaient été achetés par elle et qu'elles ont été effectuées dans le cadre de son activité commerciale ; que, par suite, la Selarl Pharmacie du Centre était imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le chiffre d'affaires correspondant à ces opérations ;

Sur le recours du ministre relatif aux pénalités :

16. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

17. Considérant qu'il appartient à l'administration et au juge de l'impôt d'apprécier si un contribuable s'est ou non rendu coupable de manoeuvres frauduleuses au sens de

l'article 1729 du code général des impôts sans que cette appréciation doive dépendre de la circonstance que le contribuable a été ou non reconnu passible par le juge pénal d'une sanction réprimant les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 1741 du même code ;

18. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 11, que M.A..., auteur des détournements de fonds litigieux, devait en l'espèce être regardé comme le gérant de fait de la société Pharmacie du Centre et donc comme son dirigeant ; qu'il s'ensuit que les manipulations comptables en cause effectuées par M. A...sont imputables à la société ; que leur caractère frauduleux n'étant pas contesté, c'est à bon droit que l'administration a fait application de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Selarl Pharmacie du Centre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices du 1er janvier 2007 au

30 septembre 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2010 ; qu'en revanche, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a déchargé la société des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assorties les impositions en litige ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2016 est annulé en tant qu'il a déchargé la société Pharmacie du Centre des pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 du code général des impôts dont ont été assorties les impositions en litige.

Article 2 : Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 du code général des impôts sont remises à la charge de la société Pharmacie du Centre.

Article 3 : L'ensemble des conclusions présentées par la Selarl Pharmacie du Centre présentées est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl Pharmacie du Centre et au ministre de l'action et des comptes publics.

9

N° 16NC00917,16NC00939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00917
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-30;16nc00917 ?
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