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16/11/2017 | FRANCE | N°17NC00759

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 17NC00759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet des Vosges portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1602852 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2017, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :
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2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de cent eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet des Vosges portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1602852 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2017, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de cent euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer dans un délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire française ne satisfont pas aux exigences de motivation ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prononcée en violation de son droit à être entendue ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation individuelle ;

- il a commis une erreur en ce qui concerne la durée de son séjour en Arménie ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté préfectoral ne comporte pas de décision fixant le pays de destination ;

- le préfet s'est cru lié en ce qui concerne l'existence de risques de traitements inhumains ou dégradants par l'appréciation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et celle de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle justifie de la réalité des craintes qu'elle déclare éprouver en cas de retour en Arménie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2017, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C 383/13 PPU ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.

1. Considérant que Mme B...C..., ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 5 avril 2015 en compagnie de son fils mineur,A... ; qu'elle a sollicité l'octroi du statut de réfugié le 5 août 2015 ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que le préfet des Vosges a pris, le 3 août 2016, un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que Mme C...relève appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme C...un titre de séjour ; que le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé du refus de titre de séjour doit être, dès lors, écarté alors même que l'arrêté ne fait pas mention de certains éléments de la situation personnelle de l'intéressée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que dès lors et dans la mesure où l'arrêté contesté a également visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

6. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

7. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

8. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

9. Considérant, dès lors, que la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, en conséquence, en l'espèce, eu égard notamment aux éléments d'information dont a pu bénéficier la requérante lors de l'instruction de sa demande d'asile et d'admission au séjour, d'écarter ce moyen ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation individuelle de la requérante ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d' existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

11. Considérant que Mme C...fait valoir qu'elle parle français, russe et arménien ; qu'elle se prévaut également de ses diplômes, de ses formations, de sa volonté de progresser professionnellement, de la détention d'une promesse d'embauche, de la scolarisation et de l'intégration de son fils et de la présence en France d'une soeur ; qu'elle soutient enfin qu'elle a développé en France des liens amicaux ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait, eu égard à l'entrée récente de Mme C...en France et de ses conditions de séjour, porté au droit de l'intéressée, seule avec son enfant, mineur, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

13. Considérant, en sixième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour ;

14. Considérant, en septième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressée ;

15. Considérant, en huitième lieu, que la lecture des motifs de l'arrêté contesté révèle que le préfet a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pouvait être éloignée à l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti pour quitter volontairement le territoire français ;

16. Considérant, en neuvième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru lié, en ce qui concerne l'existence de risques de traitements inhumains ou dégradants, par l'appréciation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou celle de la Cour nationale du droit d'asile ;

17. Considérant, en dernier lieu, que MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ne justifie pas, par les différents documents qu'elle produit, de la réalité des violences conjugales dont elle soutient avoir été victime en Arménie après que son mari ait appris qu'il n'était pas le père d'A... et, en particulier, pas que son mari aurait tenté de l'assassiner avec son enfant en mettant volontairement le feu le 15 avril 2011 à l'appartement dans lequel elle se trouvait ; que la réalité des craintes qu'elle déclare éprouver en cas de retour en Arménie n'est, en conséquence, pas établie ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

19. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à son conseil de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 17NC00759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00759
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-16;17nc00759 ?
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