Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Société industrielle de l'Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1202757,1202758 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg l'a déchargée, en droits, pénalités et intérêts de retard, uniquement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à une réduction de la base d'imposition de 36 430,17 euros.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée sous le n° 16NC00290 le 15 février 2016, la SARL Société industrielle de l'Est, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202757,1202758 du 15 décembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les impositions ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la demande de renseignement, adressée le 23 juin 2010, en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, n'a pas respecté le délai de trente jours accordé au contribuable pour répondre, ce qui a fait obstacle à tout débat oral et contradictoire ;
- les irrégularités observées dans les avis de mise en recouvrement rendent irrégulière la procédure d'imposition ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
II.) Par une requête, enregistrée sous le n° 16NC00291 le 15 février 2016, la SARL Société industrielle de l'Est, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202757,1202758 du 15 décembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux développés dans la requête n° 16NC000290.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par lettre du 11 octobre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'amende de 5% appliquée sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'article 1788-A-4 du code général des impôts faute de réclamation préalable relative à cette imposition, en méconnaissance de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales.
Vu
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 16NC00290 et 16NC00291 sont dirigées contre des impositions résultant du même contrôle fiscal et tendent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'amende de 5 % :
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur ne peut ni contester devant le tribunal administratif des impôts autres que ceux qu'il a contestés dans sa réclamation préalable ni solliciter une décharge ou une réduction d'impôt d'un montant supérieur à celui qui a été sollicité par cette réclamation ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que par courrier du 20 octobre 2011, la SARL Société industrielle de l'Est a adressé une réclamation préalable à l'administration fiscale ; que ce courrier précisait expressément d'une part, que la société acceptait le redressement relatif à l'amende de 5 % appliquée sur le fondement de l'article 1788-A-4 du code général des impôts et d'autre part, qu'elle demandait la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités pour manquement délibéré et des intérêts de retard ; que dans la décision de rejet de la réclamation préalable du 20 avril 2012, l'administration fiscale a pris acte de l'acceptation par la société requérante de l'application de cette amende au titre de l'article 1788-A-4 du code général des impôts ; que, dès lors, si la société a demandé à être déchargée à hauteur de 112 910 euros, cette somme incluant le montant de l'amende de 5%, il ressort des termes mêmes de son courrier du 20 octobre 2011, qui mentionne l'acceptation expresse de l'application de cette amende, que ladite réclamation doit être regardée comme ne contestant pas l'amende dont s'agit ; que l'amende prévue à l'article 1788-A-4 du code général des impôts est distincte des rappels d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités et intérêt de retard, objets de la réclamation préalable du 20 octobre 2011 ; que par conséquent, la SARL Société industrielle de l'Est ne peut présenter, pour la première fois en appel, des conclusions tendant à la décharge de l'amende de l'article 1788-A-4 du code général des impôts ; que par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, la société requérante n'est pas recevable à demander la décharge de la somme de 263 euros, à défaut de réclamation préalable devant l'administration ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions :
4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 11 du même livre : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Société industrielle de l'Est a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010 ; que les opérations de contrôle ont débuté le 9 avril 2010 et se sont achevées le 22 juillet 2010 par la notification d'une proposition de rectification établie dans le cadre de la procédure contradictoire ; que ce contrôle s'est effectué dans les locaux de l'entreprise, avec la fille de MmeB..., gérante de la société, mandatée à cet effet ; qu'au cours de cette vérification, la vérificatrice a demandé la communication de documents, par courriels des 16 et 22 avril 2010, et par courriers des 26 avril et 12 mai 2010 ; que par courrier du 9 juin 2010, adressé en recommandé avec accusé réception, la vérificatrice a sollicité, en vue de l'intervention sur place fixée au 23 juin 2010, des précisions sur certains points et la communication de la balance provisoire pour l'année 2009 ; que ce courrier n'a été retiré par la gérante que le 22 juin 2010 ; que par courrier du 23 juin 2010, la vérificatrice reprenait les termes de son précédent courrier et fixait une autre date d'intervention sur place au 29 juin 2010 ; que dans ces conditions, le rappel par cette lettre du 23 juin 2010 des documents sollicités ne peut être regardé comme l'une des demandes visées à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, pour lesquelles un délai de réponse de trente jours au minimum est prescrit, mais était seulement un élément de dialogue dans le cadre de la vérification de comptabilité ; que par suite, le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas disposé d'un tel délai pour répondre à la demande du vérificateur doit être écarté ;
6. Considérant en deuxième lieu, que dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations de vérification de la SARL Société industrielle de l'Est se sont déroulées dans les locaux de l'entreprise où la vérificatrice s'était rendue à sept reprises ; que les éléments sollicités par la vérificatrice dans son courrier du 23 juin 2010, qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, avaient déjà fait l'objet d'un précédent courrier en date du 9 juin 2010, concernaient des demandes de justification relatives aux provisions, charges, et comptes de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que la production des comptes de résultats de l'année 2009 ; que depuis le 16 avril 2010, la vérificatrice avait notamment sollicité à sept reprises la justification du calcul des provisions et la disposition de l'ensemble de la comptabilité de l'entreprise ; que la société requérante ne justifie pas, qu'avant la dernière intervention du 13 juillet 2010, la vérificatrice aurait refusé tout débat avec la gérante ou ses représentants, sur les éléments que la société devait produire, avant cet entretien, qui provenaient de sa comptabilité, soumise au contrôle depuis le début de la vérification de comptabilité ; que dans ces conditions, la SARL Société industrielle de l'Est n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire durant la vérification de la comptabilité ;
8. Considérant en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige, que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire : a) Le premier dit " original " est déposé au service (...) b) Le second dit " ampliation " est destiné à être notifié au redevable (...) " ;
9. Considérant d'une part, que la société requérante soutient que l'avis de mise en recouvrement en date du 31 août 2011, annulant et remplaçant le précédent avis du 21 décembre 2010, comporte plusieurs irrégularités ; qu'elle indique à cet effet que le second avis porte le même numéro que l'avis initial, qu'il comprend des mentions manuscrites, qu'il a été établi dans un autre format que celui habituellement utilisé, et enfin, que la page comportant les délais de recours n'a pas été communiquée ; que ces circonstances sont sans incidence sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement ; que la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que seule une copie lui a été notifiée, alors que l'article R. 256-3 du livre des procédures fiscales prévoit que seule une ampliation est adressée au redevable ;
10. Considérant d'autre part, que lorsque l'avis de mise en recouvrement porte sur des montants supérieurs à ceux qui étaient mentionnés dans la dernière pièce modifiant les rehaussements figurant dans la proposition de rectification, il appartient au juge de rechercher si, dans la limite des impositions correspondant aux montants mentionnés dans la dernière pièce modifiant les rehaussements, les avis de mise de recouvrement étaient simplement entachés d'une erreur matérielle, seul le surplus des impositions devant alors être regardé comme irrégulièrement mis en recouvrement, ou si la discordance avait privé la société de la possibilité de contester utilement la totalité des montants mis en recouvrement ;
11. Considérant que l'avis de mise en recouvrement dont la régularité est contestée, mentionne, s'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, un rehaussement en droits et en pénalités d'un montant de 81 902 euros ; que la réponse aux observations du contribuable du 22 octobre 2010, dernier acte de procédure notifiant au contribuable le montant des rectifications en cause, mentionne, dans les conséquences financières, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant seulement à 79 073 euros, en droits et en pénalités ; que l'avis de mise en recouvrement porte ainsi sur une somme supérieure à celle qui était mentionnée dans cet acte de procédure ; que cependant, il ressort de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable, auxquelles se réfère l'avis de mise en recouvrement en cause, que la contribuable a bénéficié, par voie de compensation, d'une réduction à hauteur de 2 829 euros, ramenant ainsi le rappel à la somme de 79 073 euros ; que par ailleurs, il n'est pas contesté que l'avis de mise en recouvrement comporte toutes les autres mentions requises par la loi ; que, dans ces conditions, l'avis de mise de recouvrement en litige est simplement entaché d'une erreur matérielle ; que par conséquent, la discordance entre le montant mis en recouvrement, figurant sur l'avis de mise en recouvrement contesté, et le montant notifié à la société ne l'a pas privée de la possibilité de contester utilement la totalité des montants mis en recouvrement ; que par suite, la SARL Société industrielle de l'Est est seulement fondée, par ce moyen nouveau en appel, à être déchargée de la somme de 2 829 euros, correspondant à cette discordance de montants liée à l'erreur matérielle susmentionnée ;
12. Considérant enfin, que la SARL Société industrielle de l'Est soutient que la somme de 7 962 euros, mise en recouvrement par un second avis de mise en recouvrement n°12.10.0009, n'a pas été reprise par l'avis du 31 août 2011, annulant et remplaçant les deux avis initiaux n°12.10.0009 et n°12.10.0008 ; qu'il ressort de la réponse aux observations du contribuable du 22 octobre 2010, que l'administration fiscale a abandonné des chefs de redressement et a notifié de nouvelles conséquences financières, portant la rectification à la somme de 30 744 euros, en droits et en pénalités, au lieu de la somme de 38 731 euros précédemment notifiée ; que par suite, aucune irrégularité n'entache, sur ce point, l'avis de mise en recouvrement du 31 août 2011 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Société industrielle de l'Est est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg ne lui a pas accordé une réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010 à concurrence de 2 829 euros en droits ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement des sommes que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la SARL Société industrielle de l'Est la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010 à concurrence de 2 829 euros en droits ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1202757,1202758 du 15 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SARL Société industrielle de l'Est est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société industrielle de l'Est et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC00290,16NC00291