Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société B...Participations a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1203407 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 7 janvier 2016 et le 5 septembre 2016, la société B...Participations, représentée par le cabinet SF Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203407 du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, et n'a pu prendre position en connaissance de cause sur les redressements relatifs aux résultats de cette société, dès lors que la société B...ne détient aucune participation dans la Sci Laura ;
- le calcul du prix de revient des parts détenues dans la SCI Le Dunkerque cédées en 2008 est erroné et n'est fondé sur aucune disposition législative ou réglementaire ;
- la cession de la créance détenue par M. B...à l'encontre de la société B...Participations est opposable en application de l'article 1690 du code civil et ne peut être qualifiée d'abandon de créance à son profit ;
- la mise à disposition gratuite d'un logement au profit de MmeA..., mère de MmeB..., a des contreparties pour la société, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une location à titre permanent ;
- les sommes prélevées sur le compte courant d'associé de M. B...ne peuvent être considérées comme des revenus distribués au regard du a) de l'article 111 du code général des impôts, alors qu'un contrat de prêt avait été régulièrement conclu avec la société B...Participations ;
- l'administration fiscale ne pouvait appliquer des pénalités pour manquement délibéré à propos l'abandon de recettes concernant les loyers non perçus de MmeA..., alors que celle-ci n'avait pas la qualité de locataire du bien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Sur les conclusions à fin de décharge :
Sur la régularité de la procédure :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ; qu'il ressort de ces dispositions qu'une proposition de rectification, pour être régulière, doit comporter la désignation de 1'impôt concerné, de 1'année d'imposition et de la base d'imposition, puis énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
2. Considérant que s'agissant du rehaussement relatif au résultat imposable de la SCI Laura, la proposition de rectification du 15 juillet 2010, adressée à la société B...Participations, précise de façon détaillée les règles de droit applicables, la nature, le montant et le motif du redressement ; que si une erreur a été commise à propos de l'adresse de la SCI Laura, la proposition de rectification mentionne de manière précise que la société B...Participations est imposée en sa qualité d'associée de la SCI Laura, société de personnes ; que les montants des résultats de la SCI Laura pour les années 2007 et 2008 sont indiqués et le calcul du revenu imposable, détaillé en prenant en compte les parts sociales détenues par la société B...Participations dans le capital de la SCI Laura ; que dans ces conditions, l'erreur matérielle portant sur l'adresse de domiciliation de la SCI Laura n'a pas privé la société requérante de la faculté de formuler utilement les observations qu'elle entendait opposer au service, au regard de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance ; que, par suite, la société B...Participations n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification du 15 juillet 2010 est insuffisamment motivée ;
Sur le bien fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne la cession des titres détenus dans le capital de la SCI Dunkerque :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts: " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. / 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a) aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans (...) / 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 " ;
4. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; que, pour l'application de ces règles, ne peuvent pas être pris en compte les déficits reportables que l'associé n'a pas effectivement déduits pendant cette période ;
5. Considérant que lors de la création de la SCI Dunkerque en 2003, la société B...Participations a acquis 25 % de son capital social, pour un montant de 2 500 euros ; que le 18 avril 2008, la société requérante a cédé l'intégralité de ses parts pour une somme d'un euro ; que l'administration fiscale a corrigé le prix de revient en intégrant les déficits déduits en 2004 et en 2007 ; que l'administration fiscale a, en conséquence, imposé la société requérante sur la base d'une plus-value de 65 045 euros ; que la SCI Dunkerque étant une société de personnes, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à cette correction selon les modalités de calcul mentionnés au point 4 permettant d'éviter une double déduction fiscale pour la société B...Participations, en sa qualité d'associée d'une société transparente ; que la société requérante, qui ne conteste pas avoir déduit de son résultat imposable, au titre des années 2004 et 2007, les sommes retenues par l'administration, n'est pas fondée à contester le montant du prix de revient des titres cédés en 2008 ;
En ce qui concerne la cession de créance :
6. Considérant qu'aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, lui-même " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées " ; et qu'aux termes de l'article 1690 du code civil : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique " ;
7. Considérant qu'une société est réputée établir qu'une créance d'un tiers n'a pas été éteinte mais transférée à un autre tiers dans le cas où ont été respectées les formalités de publicité prévues, à l'égard des tiers intéressés au maintien de la créance, par les articles 1689 et 1690 du code civil ; que, dans le cas où ces formalités n'ont pas été accomplies, elle peut cependant démontrer par tout moyen de preuve la réalité du transfert de créance ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 31 décembre 2007, la société B...Participations a constaté l'extinction d'une dette à l'égard de M.B..., d'un montant de 162 006 euros, en portant ladite somme au débit du compte courant d'associé détenu par celui-ci ; que la société a également constaté dans ses écritures une dette à l'égard de l'EURL Imvest Conseil, dont elle est l'associée unique, en créditant d'un même montant le compte " 267009 : créance EURL Imvest Conseil " ; que la société requérante soutient que ces écritures retraçaient la cession de créance intervenue entre M. B...et l'EURL Imvest Conseil et qu'elles ne caractérisaient pas un abandon de créance de la part de M. B... au profit de la société requérante ; que, toutefois, la société B...Participations ne conteste pas que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil en matière de cession de créances n'ont pas été remplies ; qu'elle ne justifie de la réalité de ce transfert de créance par aucun autre moyen de preuve ; que les seules écritures comptables constatées ne suffisent pas à démontrer la réalité de la substitution de créanciers à l'égard de la créance en cause ; que, dès lors, faute pour la société requérante d'établir que la dette litigieuse à l'égard de l'EURL Invest Conseil devait être maintenue au passif de son bilan, ses écritures comptables qui constatent l'annulation de la dette de la société requérante à l'égard de M.B..., doivent être regardées comme retraçant un abandon de créance de la part de ce dernier ; que par suite, l'administration fiscale a pu rehausser l'actif net de la sociétéB... Participations à hauteur de la somme de 162 006 euros, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2007 ;
En ce qui concerne la renonciation à recettes au profit de MmeA... :
9. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts que le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
10. Considérant que la société B...participations a acquis, le 23 décembre 2004, un appartement de 99,36 m2, à usage d'habitation situé 8 rue Schweighauser à Strasbourg (68000), pour un montant de 250 000 euros ; qu'elle a inscrit ce bien à l'actif de son bilan ; que dans le cadre de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2007 et en 2008, l'administration fiscale a établi que le logement était occupé par MmeA..., la mère de MmeB..., associée à 50 % de la société B...Participations ; qu'à la suite de l'exercice d'un droit de communication, l'administration a constaté que les factures d'électricité étaient adressées à MmeA..., à l'adresse du logement en cause, et que les charges de copropriété attestaient la présence d'un occupant dans le logement ; que l'administration fiscale, après avoir utilisé trois méthodes d'évaluation, a déterminé le loyer annuel à 12 000 euros ; que la société requérante ne conteste pas les termes de comparaison utilisés par l'administration ; que si la société B...participations se prévaut de contreparties dont elle aurait bénéficié, elle ne justifie ni du caractère temporaire de l'occupation, ni du caractère immédiatement cessible du logement occupé par MmeA... ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale est réputée apporter la preuve de l'existence d'une renonciation à recettes au profit de MmeA... ; que c'est dès lors à bon droit qu'elle a réintégré la valeur des loyers dans le bénéfice imposable de la société B...Participations ;
En ce qui concerne les sommes mises à disposition de M. B...par contrat de prêt :
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a imposé les sommes relatives au prêt consenti par la société B...Participations à M. B...uniquement au titre des revenus distribués, sur le fondement du a) de l'article 111 du code général des impôts ; qu'aucun rappel au titre de l'impôt sur les sociétés n'a été notifié pour ce chef de redressement à la société requérante ; que par suite, elle ne saurait contester le bien fondé des rehaussements notifiés à M. B...au titre du prêt qu'elle lui a octroyé ;
Sur les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette et la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
13. Considérant que l'administration fiscale a relevé que la société B...Participations n'a pas répondu aux demandes concernant la taxe d'habitation relative au bien occupé par MmeA... ; que la société détenait également un autre bien, à Paris, occupé ponctuellement par M.B..., pour lequel la société a déclaré un produit d'exploitation ; qu'ainsi, eu égard au caractère répété de la mise à disposition gratuite d'un logement au cours de deux années, au lien de parenté du bénéficiaire de la location avec les associés et au traitement comptable différent entre le logement occupé par Mme A...et celui situé à Paris, l'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt justifiant l'application aux rectifications de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société B...Participations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société B...Participations est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société B...Participations et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC00021