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14/11/2017 | FRANCE | N°16NC01492

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 16NC01492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 00NC01444 du 30 janvier 2006, la cour administrative d'appel de Nancy a notamment condamné l'Etat à verser à la société Electricité de France, employeur de M. D...B..., une somme de 62 889,16 euros correspondant aux arrérages déjà échus de la rente d'accident du travail concédée à ce dernier, à laquelle s'ajouteront les sommes correspondant aux arrérages futurs de cette rente, au fur et à mesure de leurs échéances, ces sommes portant intérêt au taux légal avec capitalisation,

selon des modalités déterminées par cet arrêt.

Par un arrêt n° 00NC01445 du 30 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 00NC01444 du 30 janvier 2006, la cour administrative d'appel de Nancy a notamment condamné l'Etat à verser à la société Electricité de France, employeur de M. D...B..., une somme de 62 889,16 euros correspondant aux arrérages déjà échus de la rente d'accident du travail concédée à ce dernier, à laquelle s'ajouteront les sommes correspondant aux arrérages futurs de cette rente, au fur et à mesure de leurs échéances, ces sommes portant intérêt au taux légal avec capitalisation, selon des modalités déterminées par cet arrêt.

Par un arrêt n° 00NC01445 du 30 janvier 2006, la cour administrative d'appel de Nancy a notamment condamné l'Etat à verser à la société Electricité de France, employeur de M. A...Michel, une somme de 104 700,62 euros correspondant aux arrérages déjà échus de la rente d'accident du travail concédée à ce dernier, à laquelle s'ajouteront les sommes correspondant aux arrérages futurs de cette rente, au fur et à mesure de leurs échéances, ces sommes portant intérêt au taux légal avec capitalisation selon des modalités déterminées par cet arrêt.

Procédure devant la cour :

La société Electricité de France, représentée par MeC..., a le 8 janvier 2016, demandé à la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy d'assurer l'exécution de ces arrêts en enjoignant à l'Etat de lui verser, sous astreinte, le montant des condamnations prononcées à son encontre et de lui rembourser, également sous astreinte, à compter de l'année 2016 et jusqu'au décès des bénéficiaires, les arrérages qui viendront à échéance au 31 décembre de chaque année.

Elle soutient que :

- les arrérages n'ont été versés qu'en ce qui concerne les sommes pouvant être dues jusqu'au 31 mars 2007 ;

- les arrérages dus, en ce qui concerne M. B..., pour la période 2007 - 2015, s'élèvent la somme de 128 585,72 euros ;

- les arrérages dus, en ce qui concerne, M. Michel, pour la période 2007 - 2015, s'élèvent à la somme de 218 372,35 euros.

Par une ordonnance du 13 juillet 2016, la première vice-présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé l'ouverture d'une même procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de la société Electricité de France tendant à l'exécution des arrêts de la cour administrative d'appel de Nancy n° 00NC01444 et n° 00NC01445 du 30 janvier 2006.

Par des mémoires enregistrés les 13 décembre 2016 et 3 mai 2017, la société Electricité de France demande à la cour administrative d'appel de Nancy, dans le dernier état de ses écritures, d'assurer l'exécution des arrêts précités en enjoignant à l'Etat de verser :

1°) les intérêts pour la période allant du 8 janvier 2011 au 30 avril 2017 ;

2°) les arrérages échus des rentes concédées à MM. Michel et B... pour la période allant du 1er avril 2007 au 7 janvier 2011 ;

3°) les arrérages échus pour la période allant du 1er août 2016 au 30 avril 2017 pour des montants de 19 526,69 euros s'agissant de M. Michel et de 11 509,62 euros s'agissant de M. B... ;

4°) les arrérages futurs des rentes à compter du 1er mai 2017 ;

5°) une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant des intérêts pour la période allant du 8 janvier 2011 au 31 juillet 2016, la Caisse nationale des industries électriques et gazières qui assure le service des rentes, a confirmé que le versement effectif est effectué le 1er jour ouvré de chaque mois ;

- s'agissant des arrérages échus des rentes pour la période allant du 1er avril 2007 au 7 janvier 2011, la prescription quinquennale ne peut être opposée par l'Etat pour l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée, ainsi qu'en dispose l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 alors, en outre, que l'Etat a pris l'engagement d'assurer l'exécution des arrêts ;

- les certificats concernant les arrérages échus pour la période allant du 1er août 2016 au 30 avril 2017 ont été produits.

Par des mémoires enregistrés les 27 juillet 2016, 14 septembre 2016, 20 mars 2017, 19 mai 2017 et le 14 août 2017, les ministres intéressés, et en dernier lieu, le ministre de la transition écologique et solidaire, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures, de prononcer un non lieu à statuer sur la demande d'exécution s'agissant des arrérages échus après le 8 janvier 2011 et de rejeter le surplus des conclusions.

Ils soutiennent que :

- pour les arrérages échus des rentes et les intérêts pour la période allant du 1er avril 2007 au 7 janvier 2011, les sommes demandées sont prescrites en vertu des dispositions de l'article 2277 du code civil puis, à la suite de leur abrogation par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, de celles de l'article 2224 du même code ;

- le règlement des sommes dues au titre de la période ultérieure rend sans objet les autres demandes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la société Electricité de France.

1. Considérant que M. B...et M. Michel, agents d'Electricité de France, ont été victimes, le 14 juillet 1990, d'une explosion survenue lors d'une intervention dans les installations électriques du Centre d'études techniques de l'équipement de l'Est ; que par deux arrêts n° 00NC01444 et n° 00NC01445 du 30 janvier 2006, la cour administrative d'appel de Nancy a reconnu la responsabilité de l'Etat et condamné ce dernier à verser notamment à la société Electricité de France, outre les salaires qu'elle a versés à ses agents pendant la période d'interruption temporaire de travail, les sommes, respectivement, de 62 889,16 euros et de 104 700,62 euros correspondant aux arrérages alors échus des rentes d'accident de travail qu'elle leur a ensuite concédées, auxquelles devaient s'ajouter les sommes correspondant aux arrérages futurs de ces rentes, au fur et à mesure de leurs échéances, ainsi que les intérêts dus sur ces différentes sommes, avec capitalisation ; que la société Electricité de France, n'ayant obtenu aucun remboursement des rentes versées après le premier trimestre de l'année 2007, a demandé à la cour d'assurer l'exécution complète de ces arrêts ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : (...) / Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires (...) / Des intérêts des sommes prêtées, / et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (...) " ; qu'aux termes de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 précitée : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer " ; que selon l'article 2223 du même code : " Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l'application des règles spéciales prévues par d'autres lois " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : " En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l'Administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée " ;

4. Considérant que, pour s'opposer au remboursement à la société Electricité de France des arrérages des rentes d'accident du travail de MM. Michel et B...ainsi que des intérêts correspondants, s'agissant de la période courant du 1er avril 2007 au 7 janvier 2011, l'Etat soutient que ces créances seraient atteintes par la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2277 du code civil puis, à la suite de leur abrogation par la loi du 17 juin 2008 susvisée portant réforme de la prescription en matière civile, par celles de l'article 2224 du même code ;

5. Considérant que cette exception de prescription opposée par l'Etat soulève les questions suivantes :

1°) A la suite de l'abrogation, par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, de l'article 2227 du code civil qui prévoyait que l'Etat, les établissements publics et les communes étaient soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, la prescription quinquennale de droit commun désormais prévue, en matière personnelle ou mobilière, à l'article 2224 du code civil, peut-elle être opposée par l'Etat à une demande de paiement portant sur une créance de même nature alors que selon la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, les créances sur l'Etat sont, sous réserve des déchéances particulières édictées par la loi, soumises à une prescription quadriennale '

2°) Dans l'affirmative, la prescription de l'article 2224 du code civil peut-elle être également opposée par l'Etat à des créances résultant d'une décision de la juridiction administrative passée en force de chose jugée alors que, s'agissant des créances relevant de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale ne peut, conformément à l'article 7 de cette loi, faire obstacle à l'exécution d'une telle décision '

3°) En était-il de même pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, s'agissant de la prescription de l'article 2277 du code civil, alors applicable aux créances sur l'Etat en application de l'article 2227 du même code '

6. Considérant que ces questions de droit nouvelles présentent une difficulté sérieuse et qu'elles sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; qu'il y a lieu, dès lors, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la requête de la société Electricité de France et de transmettre le dossier, pour avis, au Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête de la société Electricité de France est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies dans les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Electricité de France jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission au Conseil d'Etat du dossier de cette requête.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'au terme de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la société Electricité de France et au ministre de la transition écologique et solidaire.

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N° 16NC01492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01492
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-07-01-085 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Renvoi au Conseil d'Etat d'une question de droit nouvelle.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BOURGAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-14;16nc01492 ?
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