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26/10/2017 | FRANCE | N°17NC00303

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17NC00303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté en date du 9 mars 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai limité à trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1601016 du 27 se

ptembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté en date du 9 mars 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai limité à trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1601016 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2017, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 septembre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mars 2016 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant la durée du délai de départ volontaire à trente jours :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect dû à sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2017.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante kosovare, relève appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai, enfin lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé alors en vigueur : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a sollicité le 31 décembre 2014 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en se prévalant des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans son avis émis le 28 décembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a indiqué que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié au Kosovo. En dépit de cet avis, le préfet du Doubs a, par l'arrêté attaqué du 9 mars 2016, refusé à Mme A...la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée au motif que " les ressortissants kosovars sont indéniablement à même de trouver au Kosovo un traitement adapté à leur état de santé ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des documents médicaux produits par Mme A...qu'elle a souffert successivement d'une tuberculose pleurale en 2012, d'une lésion du segment postérieur du ménisque médial du genou droit en 2013 et de problèmes psychiatriques. Il résulte également d'un certificat établi par son médecin traitant le 6 février 2015 qu'après l'arthroscopie qu'elle a subie en 2013 pour sa lésion du ménisque du genou, Mme A...a pu reprendre la marche avec appui complet. Le même médecin ne fait par ailleurs pas mention de ce que Mme A...serait encore soumise à un traitement particulier au titre de sa tuberculose pleurale de 2012. Enfin s'agissant de ses problèmes psychiatriques, il ressort d'un certificat établi par un praticien hospitalier que Mme A...souffre de somatisation pour laquelle elle bénéficie d'un traitement médicamenteux associant un anxiolytique, un antidépresseur, un neuroleptique et des antidouleurs. Le préfet produit de son côté à l'instance une note datée du 22 août 2010 émanant de l'ambassade de France au Kosovo selon laquelle le Kosovo prend en charge la totalité des médicaments nécessaires et indispensables au traitement psychiatrique disponibles dans toutes les pharmacies du Kosovo et référencés dans la liste dite " essentielle ", où figurent précisément les anxiolytiques et les antidépresseurs. Dans ces conditions, et dès lors qu'un traitement approprié à l'état de santé de Mme A...était disponible au Kosovo, le préfet du Doubs a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A...sur ce fondement.

6. En second lieu, au soutien de sa critique du jugement attaqué, Mme A...reprend avec la même argumentation ses moyens de première instance tirés, s'agissant de la décision portant refus de séjour, de la méconnaissance des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour, s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et de la décision fixant le pays d'éloignement, de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, enfin s'agissant de la décision portant interdiction de retour de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 17NC00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00303
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;17nc00303 ?
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