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26/10/2017 | FRANCE | N°17NC00150

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17NC00150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juin 2016 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601652 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 janvier 2017 et le 10 avril 2017, M. D..., représent

é par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juin 2016 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601652 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 janvier 2017 et le 10 avril 2017, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne relevait pas de l'article 3 de l'accord franco-marocain dès lors qu'il devait être regardé comme un ressortissant marocain résidant en France au sens de l'article 1er de l'accord comme titulaire d'un titre de séjour italien de durée illimitée; dans ces conditions, il pouvait présenté sa demande de visa de long séjour lors du dépôt de sa demande de titre de séjour ;

- que même s'il relevait de l'article 3 de l'accord franco-marocain, il avait droit à un titre de séjour, dès lors que le visa du contrat de travail prévu par cet article, a pour seul objet de contrôler l'existence d'un contrat de travail et ne pouvait porter sur une vérification d'autres conditions relatives à l'emploi, notamment celle tenant à l'existence de difficultés de recrutement, dès lors que cette condition n'est pas opposable aux Marocains autorisés à vivre dans un Etat membre de l'Union européenne ;

- s'agissant de la situation de l'emploi, M. D...n'exerce pas en qualité de simple cuisinier mais est employé par un employeur spécialisé en cuisine orientale ce qui exige des compétences particulières ;

- son titre de séjour est une carte de résident longue durée-CE, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; ainsi, il peut prétendre à l'application de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dès lors qu'il n'était pas tenu à la détention d'un visa de longue durée en application de l'article 22 de la convention de l'application de l'accord de Schengen, le préfet ne peut lui opposer les conditions de l'article L. 313-4-1 qui ont pour objet de remplacer la détention d'un visa de longue durée ;

- en tout état de cause, sa demande a été formée dans un délai de trois mois après son entrée sur le territoire national, il avait une activité salariée en France et donc une couverture sociale et présentait une promesse d'embauche relative à un travail à temps plein pour un salaire minimum garanti ; dans ces conditions, l'administration ne pouvait se fonder sur l'avis de la Dirrecte pour rejeter sa demande.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 14 juin 2017, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. D...ne satisfait pas à l'ensemble des conditions de l'article L. 313-4-1 dès lors qu'il ne justifie pas de ressources stables et suffisantes en France à la date de la demande, ni qu'il a présenté sa demande de titre de séjour dans un délai de trois mois suivant son arrivée, dès lors que les pièces qu'il produit montrent qu'il était en France depuis au moins 2013 ; de plus, la Dirrecte a émis un avis défavorable et n'a pas visé le contrat d'embauche ;

- M. D...n'atteste pas d'une vie privée et familiale réelle, stable et intense en France ;

- les moyens tirés de ce que M. D...pouvait entrer en France sans visa de long séjour sont inopérants, dès lors que l'arrêté contesté ne lui a pas opposé ses conditions d'entrée en France ;

- M. D...ne peut pas soutenir qu'il relève de l'article 1er de l'accord franco-marocain, dans la mesure où il ne disposait que d'un droit de court séjour sur le territoire, de même la possession d'un titre de séjour délivré dans un Etat membre de l'espace Schengen n'autorise pas, même implicitement, à travailler en France sans obtenir un titre de séjour en application des conventions et textes internes applicables ;

- aucune erreur d'appréciation sur la situation personnelle et professionnelle du requérant n'a été commise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- la directive n° 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M.D..., de nationalité marocaine qui se prévaut d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, a sollicité le 18 mars 2016 la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié pour exercer le métier de cuisinier. Il interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 juin 2016 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose la directive n° 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative aux titres de séjour de résidents de longue durée-CE et qui est applicable aux ressortissants marocains s'agissant d'un point non traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée - CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille, ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (....) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 (...) ".

3. Si l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel se réfère l'article L. 313-14-1, n'est pas applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'accord franco-marocain signé le 9 octobre 1987, les stipulations de l'article 3 de cet accord selon lesquelles : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ", qui traitent de la délivrance du titre de séjour " salarié ", sont applicables aux ressortissants marocains.

4. En premier lieu, M. D...fait valoir qu'il relève de l'article 1er de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et non de l'article 3 de cet accord qui stipule expressément qu'il ne s'applique pas aux Marocains qui relèvent de l'article 1er.

5. Toutefois, en vertu des stipulations de l'article 1er de l'accord publié par le décret n° 94-203 du 4 mars 1994 : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent accord d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. / Cette carte (...) vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non ". Ainsi, l'appelant, qui n'était pas en France le 1er janvier 1997, date d'entrée en vigueur de l'accord franco-marocain, ne peut utilement soutenir qu'il relève des stipulations de l'article 1er de cet accord.

6. En deuxième lieu, à supposer même que M. D...soit titulaire d'un titre de séjour de longue durée-CE délivré par les autorités italiennes, il doit, pour prétendre à l'attribution d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié remplir l'ensemble des conditions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains.

7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. D...n'a pas justifié de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. En effet, il n'a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour, ainsi que devant les premiers juges, qu'un bulletin de salaire d'un montant net de 246,70 euros relatif au mois de janvier 2013. De plus, dans une "lettre d'engagement" du 17 mars 2016, M.B..., qui souhaitait employer M. D...dans son restaurant, a déclaré qu'il hébergeait l'intéressé et l'avait totalement à sa charge depuis trois ans.

8. D'autre part, si M. D...a indiqué être entré en France en février 2016, soit moins de trois mois avant sa demande de titre de séjour du 18 mars 2016, il ressort des pièces du dossier que M. D...a ouvert un compte bancaire à Reims en 2013, qu'en 2015 un extrait bancaire lui avait été envoyé à une adresse à Reims, que le requérant a eu des cartes d'aides médicale d'Etat pour la période allant du 13 mars 2014 au 12 février 2016 et que ces documents mentionnaient qu'il habitait chez M. B...à Reims, ce qui corrobore la déclaration de M.B.... Ainsi, il ressort des pièces du dossier que M. D...était présent sur le territoire national depuis au moins 2013.

9. Dans ces conditions, le requérant ne remplissait pas les conditions fixées à l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il était titulaire d'un titre de séjour italien valable pour l'espace Schengen, ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de cet article.

10. En troisième lieu, et en tout état de cause, le préfet a néanmoins saisi la Dirrecte qui a pu légalement tenir compte, pour refuser d'accorder un visa ou une autorisation de travail le 25 avril 2016, de la situation de l'emploi dans la profession pour laquelle l'autorisation était demandée. Contrairement à ce que soutient le requérant, le visa des autorités compétentes sur le contrat de travail ou l'autorisation de travail n'a pas pour seul objet de vérifier l'existence d'un contrat de travail mais doit également prendre en considération la situation de l'emploi. Il résulte d'ailleurs de cet avis que pour la profession de cuisinier, Pôle emploi disposait, en décembre 2015 pour la Champagne-Ardennes de 1300 demandes d'emplois pour 51 offres.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 17NC00150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00150
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DIOP

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;17nc00150 ?
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