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26/10/2017 | FRANCE | N°16NC01886

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC01886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Alsace Nature a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mars 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a autorisé la SARL Ferme du Schafbusch à exploiter un élevage de 692 000 animaux-équivalents de poulettes à Steinseltz et Riedseltz.

Par un jugement n° 1501088 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de l'association Alsace Nature.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2016

et des mémoires enregistrés les 12 avril et 7 juin 2017, l'association Alsace Nature, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Alsace Nature a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mars 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a autorisé la SARL Ferme du Schafbusch à exploiter un élevage de 692 000 animaux-équivalents de poulettes à Steinseltz et Riedseltz.

Par un jugement n° 1501088 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de l'association Alsace Nature.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2016 et des mémoires enregistrés les 12 avril et 7 juin 2017, l'association Alsace Nature, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501088 du 22 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association Alsace Nature soutient que :

- l'étude d'impact est insuffisante ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 512-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 décembre 2016 et 16 mai 2017, la SARL Ferme du Schafbusch, représentée par la SCP C...Cosset Bacle Le Lain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association Alsace Nature au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Ferme du Schafbusch soutient que les moyens soulevés par l'association Alsace Nature ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'association Alsace Nature ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par la SARL Ferme du Schafbrusch a été enregistré le 21 juillet 2017 et n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 6 juillet 2017, l'instruction a été close au 21 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour l'association Alsace Nature, ainsi que celles de Me B...substituant MeC..., pour la SARL Ferme du Schafbusch.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté préfectoral du 27 août 2010, la Sarl Ferme du Schafbusch a été autorisée à exploiter un élevage de 306 000 poulettes sur ses deux sites de Steinseltz et Riedseltz. Le 25 février 2013, la SARL Ferme du Schafbusch a déposé une demande d'autorisation pour l'extension de son exploitation. Par un arrêté du 4 mars 2014, le préfet du Bas-Rhin l'a autorisée à exploiter un élevage de 692 000 poulettes. L'association Alsace Nature relève appel du jugement du 22 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2014.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 mars 2014 :

2. L'association Alsace Nature soutient en premier lieu qu'en l'absence de quantification dans l'étude d'impact des émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote, il était impossible au préfet et au public d'apprécier les incidences de ces émissions, notamment sur la pollution atmosphérique.

3. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I.-Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.-L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. (...) / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ".

4. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact, laquelle doit permettre d'appréhender les incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine, présente une estimation de la quantité de fientes produites annuellement par les animaux et fait référence, à de nombreuses reprises, aux émanations d'ammoniac en résultant. L'étude d'impact décrit par ailleurs de façon suffisamment précise le processus de gestion des fientes produites par l'élevage et comporte une partie dédiée à la gestion des émanations gazeuses. Elle indique notamment que le faible taux d'humidité des fientes en sortie de poulaillers, le stockage de ces fientes en bâtiment couvert et leur valorisation en fertilisant sont de nature à réduire les émanations gazeuses, et donc à limiter l'impact de ces émanations sur l'air. L'étude d'impact se réfère par ailleurs aux résultats d'une étude d'évaluation élaborée par l'institut de veille sanitaire et publiée au Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 32/2000 présentant le risque sanitaire lié aux expositions environnementales des populations à l'ammoniac atmosphérique en zone rurale pour conclure que les " concentrations pour les tiers les plus proches sont inférieures aux concentrations de référence fixées par l'US EPA (0,1 mg/m³) " et que " l'emplacement du projet (éloignement des tiers les plus proches) permet de supprimer toute incidence potentielle " dès lors que les concentrations d'ammoniac en sortie de bâtiments vont subir un effet de dilution par l'extraction d'air des bâtiments. L'étude d'impact a donc procédé à l'analyse des incidences des émanations d'ammoniac sur la qualité de l'air et la santé humaine et précisé les mesures mises en oeuvre pour en limiter l'impact, ce qu'a reconnu l'autorité environnementale dans son avis du 17 mai 2013 en relevant que " les principaux enjeux environnementaux mis en évidence sont (...) la protection contre les émanations gazeuses dues à la fermentation des déjections animales, notamment l'ammoniac, et contre les nuisances olfactives qu'elles peuvent entraîner ". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence d'évaluation directe ou par extrapolation des quantités d'ammoniac ou de protoxyde d'azote rejetées ait été de nature à empêcher la population de faire connaître utilement ses observations sur ce document lors de l'enquête publique, ni à conduire l'autorité administrative à sous-estimer les conséquences du projet sur l'environnement, en l'état des connaissances scientifiques communément admises à la date de l'arrêté contesté.

6. Dans ces conditions et alors qu'à la date de l'autorisation litigieuse, aucune règle nationale ne fixait de limites quantitatives à l'émission d'ammoniac ou de protoxyde d'azote dans l'atmosphère, l'association Alsace Nature n'est pas fondée à soutenir que l'absence de quantification de ces rejets a nui à l'information complète de la population ou était de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet.

7. L'association Alsace Nature soutient, en second lieu, que l'autorisation a été délivrée en méconnaissance des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-3 du code de l'environnement, les prescriptions édictées par le préfet dans son arrêté du 4 mars 2014 étant insuffisantes pour limiter les effets des émanations gazeuses sur la qualité de l'air.

8. L'article L. 512-1 du code de l'environnement prévoit : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...). ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". L'article R. 512-28 alors applicable indique : " L'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1. / Ces prescriptions tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. (...). ". L'article R. 515-62 du même code précise : " I . Sans préjudice des dispositions de l'article R. 512-28, les conclusions sur les meilleures techniques disponibles adoptées par la Commission européenne en application de la directive 2010/75/ UE du 24 novembre 2010 servent de référence pour la fixation des conditions d'autorisation imposées par les arrêtés préfectoraux d'autorisation. ". Selon l'article R. 515-64 : " Dans l'attente de conclusions sur les meilleures techniques disponibles, les meilleures techniques disponibles figurant au sein des documents de référence sur les meilleures techniques disponibles adoptés par la Commission européenne avant le 6 janvier 2011 valent conclusions sur les meilleures techniques disponibles pour l'application de la présente section à l'exception de ses articles R. 515-66, R. 515-67 et R. 515-68. ". Enfin aux termes de l'article R. 515-70 : " I. - Dans un délai de quatre ans à compter de la publication au Journal officiel de l'Union européenne des décisions concernant les nouvelles conclusions sur les meilleures techniques disponibles relatives à la rubrique principale mentionnées à l'article R. 515-61 : - les prescriptions dont sont assortis les arrêtés d'autorisation des installations ou équipements visés à l'article R. 515-58 sont réexaminées au regard des meilleures techniques disponibles, et en tenant compte, le cas échéant, des arrêtés pris en application de l'article L. 512-5. Elles sont, au besoin, actualisées pour assurer notamment leur conformité aux articles R. 515-67 et R. 515-68 ; / - ces installations ou équipements doivent respecter lesdites prescriptions (...) ".

9. L'association Alsace Nature fait valoir en appel que, s'agissant tant de l'élevage à proprement parler que de l'activité de compostage, les modalités d'exploitation prévues par la SARL Ferme du Schafbusch et les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 4 mars 2014 se bornent à traiter la problématique des nuisances olfactives sans évoquer la pollution atmosphérique engendrée par l'exploitation. L'association requérante indique notamment que les mesures prescrites par le préfet ne correspondent pas aux meilleures techniques disponibles adoptées par la commission européenne en 2003 et 2017 qui, par application des dispositions précitées de l'article R. 515-62 du code de l'environnement, doivent servir de référence à l'autorité administrative pour fixer les conditions d'autorisation d'une installation classée. Par ailleurs, le préfet n'a pas, toujours selon l'association Alsace Nature, fixé de manière suffisamment explicite la fréquence et les modalités de retrait des fientes.

10. L'article 2.2 de l'arrêté préfectoral du 4 mars 2014 prévoit que " les installations sont exploitées conformément aux données techniques contenues dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter et des compléments apportés en cours de procédure. ". Il résulte du dossier de demande d'autorisation présenté par la SARL Ferme du Schafbusch que pour réduire les émissions d'ammoniac, elle entend limiter la fermentation des fientes en réduisant leur taux d'humidité. Le dossier prévoit ainsi de ramener le taux de matières sèches des fientes à 40 % en mettant en oeuvre un programme d'alimentation avec des teneurs en protéines adaptées, en installant un dispositif d'abreuvement par des pipettes goutte-à-goutte avec récupération de l'eau superflue par des coupelles situées sous chaque abreuvoir, en assurant l'assèchement des litières par une ventilation dynamique des locaux d'hébergement associée à des générateurs d'air chaud, enfin en stockant les fientes dans des bâtiments couverts. Il résulte également des prescriptions émises par le préfet à l'article 20 de son arrêté que les fientes fraîches devront être récupérées sur des tapis installés sous chaque cage, puis évacuées une à deux fois par semaine par le biais de bennes bâchées vers l'unité de compostage. Contrairement à ce que soutient l'association Alsace Nature, ces modalités d'exploitation sont conformes au document sur les meilleures techniques disponibles adopté par la Commission européenne en juillet 2003, qui, à la date de l'arrêté attaqué, servait de référence pour la délivrance des autorisations d'installations d'élevage intensif de volailles et de porcs. Si l'association Alsace Nature fait valoir que seule la mise en place d'un tunnel de séchage des déjections permettrait de réduire sensiblement les émissions d'ammoniac, le préfet ne pouvait, à la date de son arrêté, prescrire l'installation d'un tel système, qui est préconisé par la décision d'exécution n° 2017/302 de la commission du 15 février 2017 établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles pour l'élevage intensif de volailles ou de porcs. Or les exploitants disposent, par application des dispositions précitées du I de l'article R. 515-70 du code de l'environnement, d'un délai de quatre ans à compter de la publication au Journal Officiel de l'Union européenne de cette décision pour se mettre en conformité avec les meilleures techniques disponibles qu'elle répertorie. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation a été délivrée en méconnaissance des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-3 du code de l'environnement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Alsace Nature n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Ferme du Schafbusch qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association Alsace Nature demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. En revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'association Alsace Nature le paiement de la somme de 1 500 euros à la SARL Ferme du Schafbusch au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Alsace Nature est rejetée.

Article 2 : L'association Alsace Nature versera à la SARL Ferme du Schafbusch une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Alsace Nature, à la SARL Ferme du Schafbusch et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 16NC01886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01886
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ZIND

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;16nc01886 ?
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