La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2017 | FRANCE | N°16NC00293

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé sur sa demande du 16 novembre 2012 par laquelle le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie pour sa période de travail dans cet établissement au mois de mai 2012, d'enjoindre au CNRS de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie pour ce mois, le cas échéant, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de

condamner le CNRS à lui payer une somme de 2 500 euros correspondant a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé sur sa demande du 16 novembre 2012 par laquelle le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie pour sa période de travail dans cet établissement au mois de mai 2012, d'enjoindre au CNRS de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie pour ce mois, le cas échéant, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner le CNRS à lui payer une somme de 2 500 euros correspondant au salaire du mois de mai 2012, de condamner le CNRS à lui payer une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice financier qu'il a subis du fait de l'absence de cotisations sociales sur cette période et du retard dans les versements au titre de l'assurance chômage, enfin de condamner le CNRS à lui payer la somme de 60 000 euros pour avoir illégalement rejeté sa candidature le 31 octobre 2012 et refusé de le recruter en contrat à durée indéterminée.

Par un jugement n° 1301043 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le CNRS avait rejeté sa demande du 16 novembre 2012. Le tribunal a, par ailleurs, condamné le CNRS à payer à M. B...la somme de 500 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence résultant du retard mis par le CNRS pour régulariser sa situation administrative pour le mois de mai 2012. Le tribunal a également condamné le CNRS à indemniser M. B...du préjudice résultant de sa perte de chance sérieuse d'être titulaire d'un contrat à durée déterminée pour la période du 31 octobre 2012 au 30 octobre 2014 et a renvoyé M. B...devant l'administration pour le calcul de cette indemnité.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 février et 19 juillet 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'infirmer partiellement le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2015 ;

2°) de condamner le CNRS à lui payer une somme de 2 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du non paiement de son salaire et la non conclusion d'un contrat de travail pour la période du 1er au 31 mai 2012 ;

3°) de condamner le CNRS à lui payer une somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail ;

4°) de mettre à la charge du CNRS le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le retard mis par le CNRS à régulariser sa situation administrative au titre de sa période de travail dans cet établissement du 1er au 31 mai 2012 lui a occasionné un préjudice financier ;

- dès lors qu'à la date de sa dernière embauche par le CNRS, il bénéficiait du droit à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée par application des dispositions de l'article 6 bis de la loi n° 84-16, il est fondé à demander à être indemnisé du refus du CNRS de le réintégrer ;

- la décision par laquelle le CNRS a rejeté sa candidature pour le recrutement sur le projet " Desox New Gen " était fautive et engageait donc la responsabilité du CNRS.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2015, au rejet de la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'avait pas été précédée d'une réclamation, était irrecevable ;

- le jugement, qui a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, est irrégulier ;

- les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés ;

- le rejet de la candidature de M. B...pour le recrutement sur le projet " Desox New Gen " n'était pas fautif.

Par ordonnance du 13 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a été employé par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en dernier lieu du 1er mai au 31 mai 2012. Par un courrier du 18 octobre 2012, il a présenté sa candidature au poste de chercheur post-doctoral ouvert par le CNRS pour une période de 24 mois dans le cadre d'un projet de recherche portant sur un procédé de désulfuration des fumées sur adsorbants régénérables. Par un courrier du 31 octobre 2012, le CNRS a informé la directrice de l'Institut de science des matériaux de Mulhouse de son refus de prolonger le contrat de M.B.... Par une requête enregistrée au tribunal administratif de Strasbourg le 6 mars 2013, M. B...a sollicité l'annulation de la décision implicite née du silence gardé sur sa demande du 16 novembre 2012 par laquelle le CNRS a refusé de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie correspondant à sa période de travail dans cet établissement en mai 2012, d'enjoindre au CNRS de lui remettre un contrat de travail et une fiche de paie pour ce mois, de condamner le CNRS à lui payer les sommes de deux fois 2 500 euros correspondant au salaire du mois de mai 2012 et à la réparation du préjudice moral et du préjudice financier qu'il a subis du fait de l'absence de cotisations sociales sur cette période et du retard dans les versements au titre de l'assurance chômage, enfin de condamner le CNRS à lui payer la somme de 60 000 euros pour avoir illégalement rejeté sa candidature et refusé de le recruter en contrat à durée indéterminée. Par un jugement du 17 décembre 2015, le tribunal, après avoir constaté que le CNRS avait remis à M. B... le 25 avril 2013 un contrat de travail et une fiche de paie correspondant à sa période de travail dans cet établissement du 1er au 31 mai 2012 et lui avait versé le salaire de 2 500 euros qui lui était dû, a prononcé un non lieu à statuer partiel. Le tribunal a, en revanche, condamné le CNRS à payer à M. B...la somme de 500 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence résultant du retard mis par le CNRS pour régulariser sa situation administrative pour le mois de mai 2012. Le tribunal a également condamné le CNRS à indemniser M. B...du préjudice résultant de sa perte de chance sérieuse d'être titulaire d'un contrat à durée déterminée pour la période du 31 octobre 2012 au 30 octobre 2014 et a renvoyé M. B...devant l'administration pour le calcul de cette indemnité. M. B... fait appel de ce jugement. Il demande la condamnation du CNRS à lui payer les sommes de 2 500 euros en réparation du préjudice subi à raison du retard mis par le CNRS à régulariser sa situation administrative pour le mois de mai 2012 et 60 000 euros en réparation du préjudice subi résultant de la rupture du contrat à durée indéterminée le liant avec cet organisme.

Sur la régularité du jugement :

2. Le CNRS conteste la régularité du jugement en faisant valoir que les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure en se fondant, pour le condamner à indemniser M. B...à raison du rejet fautif de sa candidature, sur un moyen soulevé d'office sans avoir au préalable informé les parties de son intention.

3. Il ressort de ses mémoires de première instance que M. B...soutenait que le rejet de sa candidature au poste de chercheur post-doctoral ouvert par le CNRS était fondé sur des motifs fallacieux. Les premiers juges ne se sont donc pas fondés sur un moyen soulevé d'office en considérant que la décision du CNRS rejetant la candidature de M. B...ayant été prise pour des motifs sans lien avec l'intérêt du service, elle était fautive et engageait par suite la responsabilité de cet organisme.

Sur l'appel principal :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'indemnité due à raison du retard mis par le CNRS pour régulariser la situation administrative de M. B...au titre de sa période de travail en mai 2012 :

4. Pour demander que l'indemnité mise à la charge du CNRS à raison du retard mis par cet organisme pour régulariser sa situation administrative au titre de sa période de travail dans cet établissement en mai 2012 soit portée de 500 à 2 500 euros, M. B...se prévaut, d'une part, de la gravité de la faute commise par le CNRS, d'autre part de ce que ce retard a conduit Pôle Emploi à différer le paiement de ses allocations chômage et lui a donc causé un préjudice financier.

5. D'une part, le montant des dommages et intérêts auquel peut prétendre un requérant à raison de la faute commise par l'administration est uniquement fonction du préjudice subi et non de la gravité de la faute commise par l'administration. D'autre part, M. B...ne justifie pas d'un préjudice financier résultant de sa prise en charge différée par Pôle Emploi. Par suite, il n'est pas fondé à solliciter une indemnité supérieure à celle de 500 euros accordée par le tribunal en réparation de son préjudice moral.

En ce qui concerne l'indemnité due à raison du refus du CNRS de le réintégrer :

6. M. B...soutient que travaillant pour le compte du CNRS depuis 2004, il justifiait en mai 2012, date de sa dernière embauche par le CNRS, d'un droit à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. Il demande, par suite, à être indemnisé du refus du CNRS de le réintégrer.

7. Aux termes de l'article 6 bis de la loi susvisée n° 84-16 dans sa version résultant da la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 : " Lorsque les contrats pris en application des articles 4 et 6 sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps incomplet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. / Seul le premier alinéa s'applique aux contrats conclus pour la mise en oeuvre d'un programme de formation, d'insertion, de reconversion professionnelle ou de formation professionnelle d'apprentissage ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a été employé par le CNRS du 1er mars au 31 août 2009, du 1er décembre 2009 au 31 juillet 2010, du 1er septembre 2010 au 1er février 2011, du 1er février au 30 juillet 2011 et enfin du 1er mai au 31 mai 2012. Par ailleurs, M. B... n'établit pas par les seules pièces versées au dossier que le CNRS aurait également été son employeur entre octobre 2004 et décembre 2008 et entre décembre 2011 et mars 2012, périodes pendant lesquelles il est constant qu'il bénéficiait de contrats de travail établis respectivement par la Fondation pour l'école nationale supérieure de chimie de Mulhouse et l'université de Haute-Alsace. Ainsi M. B... ne justifiait pas au 1er mai 2012, date du dernier contrat conclu avec le CNRS, d'une durée de six ans de service effectif auprès de cet organisme. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être recruté au 1er mai 2012 sous contrat à durée indéterminée et serait en droit d'être indemnisé du refus du CNRS de le réintégrer dans son emploi.

Sur l'appel incident :

9. Par la voie de l'appel incident, le CNRS demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à payer à M. B...une indemnité en réparation du préjudice résultant du rejet fautif de sa candidature au poste créé dans le cadre du projet " DeSOx New Gen ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la directrice de l'Institut de science des matériaux de Mulhouse avait sollicité auprès du CNRS le renouvellement du contrat de travail de M. B... pour l'affecter au projet " DeSOx New Gen ". Par un courrier du 31 octobre 2012, le CNRS a informé la directrice de l'Institut de science des matériaux de Mulhouse qu'il n'était pas possible de réserver une suite favorable à sa demande au motif que " le CNRS s'est engagé à limiter la précarité des personnels qu'il recrute pour de courtes durées. Chaque demande de prolongation de contrat s'analyse à l'aune de perspectives de carrières pour les personnes concernées et des possibilités de recrutement dans notre établissement fondées sur les besoins scientifiques ". Il ressort ainsi des termes même de ce courrier que le rejet de la candidature de M. B...était uniquement motivé par la volonté du CNRS de résorber la précarité en son sein en limitant la reconduction des contrats à durée déterminée. En rejetant la candidature de M. B...pour ce seul motif sans même prendre en compte les mérites de sa candidature, le CNRS a entaché sa décision d'illégalité et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il n'est pas contesté par ailleurs que M. B... avait une chance sérieuse de voir sa candidature accueillie. Par suite, le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser M. B...de cette perte de chance.

11. Il résulte de tout ce qui précède que tant M. B... que le CNRS ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement entrepris.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre national de la recherche scientifique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme que le CNRS demande sur le fondement des mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et les conclusions d'appel incident du CNRS ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au Centre national de la recherche scientifique.

Copie en sera adressée au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

2

N° 16NC00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00293
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CABINET A et WURTH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;16nc00293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award