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24/10/2017 | FRANCE | N°16NC00073

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2017, 16NC00073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2014 par lequel le directeur du centre social d'Argonne a prononcé sa révocation et d'enjoindre à ce dernier de la réintégrer et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de l'enquête pénale.

Par un jugement no 1402372 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

nregistrée le 18 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2014 par lequel le directeur du centre social d'Argonne a prononcé sa révocation et d'enjoindre à ce dernier de la réintégrer et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de l'enquête pénale.

Par un jugement no 1402372 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 novembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juillet 2014 par lequel le directeur du centre social d'Argonne a prononcé sa révocation ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre social d'Argonne de la réintégrer ;

4°) de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de l'enquête pénale.

Elle soutient que :

- le tribunal aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale engagée devant le tribunal correctionnel ; la cour doit faire de même ; le secret de l'instruction l'empêche d'organiser efficacement sa défense ;

- l'arrêté portant révocation est illégal dès lors que les droits de la défense n'ont pas été respectés ; les dispositions de l'article 2 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière n'ont pas été respectées, pas davantage que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le conseil de discipline aurait dû faire droit à la demande de report de la réunion du conseil de discipline qu'elle a présentée dès lors qu'elle n'a pas pu organiser utilement sa défense ;

- ni la réalité des fautes qui lui sont imputées, ni la violation du secret professionnel et ses retards au travail ne sont établis ;

- la révocation est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2016, le centre social d'Argonne Emile-Thomas Guérin, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour Mme C...et celles de MeD..., pour le centre social d'Argonne Emile Thomas-Guérin.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que Mme A...C...était monitrice-éducatrice affectée à la maison d'enfants à caractère social Ferrette à Bar le Duc ; qu'en raison d'actes de maltraitance sur plusieurs mineurs (violences psychologiques, humiliations et insultes, violences physiques et punitions inappropriées), de manquement au secret professionnel, de violations des obligations du service public et de manquements à la discipline par abandon de poste caractérisé et retards itératifs, elle a été révoquée par le directeur du centre social d'Argonne par un arrêté du 10 juillet 2014 ; qu'elle a, par ailleurs, été mise en examen en partie pour les mêmes faits ;

2. Considérant qu'il appartient en principe au juge administratif de statuer sur un recours dont il est saisi sans attendre l'issue d'une procédure pénale en cours concernant les mêmes faits ; que, cependant, il peut décider de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal lorsque cela paraît utile à la qualité de l'instruction ou à la bonne administration de la justice ;

3. Considérant que Mme C... soutient qu'en refusant de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale dont elle fait l'objet, le tribunal administratif de Nancy a méconnu le principe de bonne administration de la justice, dès lors notamment que le respect du secret de l'instruction lui interdisait de produire pour sa défense devant le juge administratif des pièces figurant dans le dossier pénal ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a fait état ni en première instance, ni d'ailleurs en appel d'éléments ou de pièces qu'elle aurait été empêchée de produire par obligation de respecter le secret de l'instruction lequel, au demeurant, n'est opposable, aux termes de l'article 11 du code de procédure pénale, qu'aux personnes qui concourent à la procédure et non, par conséquent, à la personne mise en examen ; qu'en l'absence d'autres motifs invoqués par MmeC..., le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait pris sa décision selon une procédure irrégulière en refusant de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'instance pénale doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2014 par lequel le directeur du centre social d'Argonne a prononcé la révocation de MmeC... :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 7 novembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. " ;

5. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a été convoquée pour comparaître devant le conseil de discipline le 27 juin 2014 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 10 juin 2014, la convocation précisant les griefs retenus à l'encontre de l'intéressée ; que si l'appelante était en garde à vue le 11 juin 2014 à compter de 9 heures 50 pour une durée de 24 heures, il n'est pas démontré que cette garde à vue ait été prolongée quand bien même cette prolongation a été demandée par un officier de police judiciaire ; que si Mme C...bénéficiait d'un arrêt de travail courant du 13 au 29 juin 2014, elle bénéficiait d'une autorisation de sortie sauf entre 9 et 11 heures et 14 et 16 heures ; qu'elle était donc en mesure de retirer sa convocation, ce qu'elle a d'ailleurs fait au plus tard le 20 juin 2014 ; que, par un courrier daté du 19 juin 2014, le directeur du centre social d'Argonne a écrit à MeE..., conseil de MmeC..., qui avait averti l'administration dès le 27 mars 2014 qu'il représentait l'intéressée dans la procédure disciplinaire engagée à son encontre, pour lui communiquer le rapport disciplinaire, la liste des témoins et la convocation de l'intéressée, lui demandant également d'indiquer s'il avait l'intention de se déplacer ; que d'ailleurs, Me E...s'est rendu devant le conseil de discipline qui s'est tenu le 27 juin 2014 ; qu'ainsi, à supposer que la convocation du conseil de discipline n'ait pas respecté le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article 2 du décret susvisé du 7 novembre 1989 et que ce manquement puisse être regardé comme imputable à l'intimé, cette circonstance n'a eu pour effet ni de priver Mme C...de la garantie d'organiser utilement sa défense ni d'exercer une influence sur le sens de l'avis émis ; que, par suite, la procédure disciplinaire n'est pas irrégulière pour ce motif ;

6. Considérant, d'autre part, que le conseil de discipline ne présente pas le caractère d'une juridiction, ni celui d'un tribunal au sens des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, la procédure disciplinaire dont Mme C...a fait l'objet n'entre pas dans le champ d'application des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est, en conséquence, inopérant ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 7 novembre 1989 : " Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou, lorsqu'elle n'est pas membre du conseil de discipline, par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ; il est décidé à la majorité des membres présents. / Le fonctionnaire et l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ne peuvent demander qu'un seul report. " ;

8. Considérant que Mme C...soutient qu'elle a été privée du droit de se défendre dans la mesure où il ne lui a pas été accordé de report de la séance du conseil de discipline fixée au 27 juin 2014 alors que son avocat l'avait sollicité au motif qu'il n'avait pas disposé du temps nécessaire pour assurer sa défense et qu'il la représentait en son absence pour cause de maladie ; que, toutefois, d'une part, il résulte de ces dispositions que le report n'est pas de droit ; que, d'autre part, le conseil de discipline s'est expressément prononcé sur cette demande pour la rejeter à l'unanimité de ses membres ; qu'enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, Mme C...ne démontre pas avoir été privée des droits d'assurer sa défense, de se faire représenter devant le conseil de discipline, de présenter des observations écrites ou orales et de faire citer des témoins, droits qu'elle tient des dispositions de l'article 2 du décret susvisé du 7 novembre 1989 ; qu'ainsi, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense n'auraient pas été respectés et que l'arrêté contesté aurait été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Considérant, d'une part, que, dans le cas où des motifs d'une décision administrative sont erronés, il y a lieu de procéder à la neutralisation des motifs illégaux s'il apparaît que la considération du ou des seuls motifs légaux aurait suffi à déterminer l'administration à prendre la même décision ; que si, pour prononcer la révocation de Mme C..., le directeur du centre social d'Argonne s'est appuyé sur le fait que l'intéressée avait méconnu l'obligation de secret professionnel ou manqué à ses obligations de service notamment en matière de présence dans le service et que ces motifs ne sont pas établis par les pièces du dossier, la révocation prononcée repose également sur le motif essentiel tiré de ce que Mme C...commettait des actes de maltraitance sur des enfants en situation de grande détresse ou au moins de fragilité ; qu'eu égard aux pièces du dossier et notamment au rapport établi le 28 mai 2014 par M.B..., responsable du pôle enfance, des témoignages des collègues de Mme C...et des enfants pris en charge dans la structure ainsi que des débats qui se sont tenus lors du conseil de discipline le 27 juin 2014, ces faits doivent être tenus pour matériellement exacts ; qu'ils constituent un manquement grave aux obligations pesant sur une monitrice-éducatrice employée au sein d'une maison d'enfants à caractère social en charge d'enfants en grandes difficultés ; que Mme C...ne les conteste pas, se retranchant seulement derrière le secret de l'instruction, qui n'a pourtant pas fait obstacle à ce qu'elle produise une attestation non probante et aux termes vagues d'une collègue de travail avec laquelle elle aurait collaboré de 2001 à 2006 ; que, dès lors, les manquements graves de Mme C... à ses obligations professionnelles sont suffisamment établis par les pièces du dossier ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que le directeur du centre social d'Argonne aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls griefs de maltraitance sur enfants ; que, par suite, la sanction infligée à Mme C...est fondée sur des faits matériellement établis ;

10. Considérant, d'autre part, que le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer pour les raisons évoquées aux points 2 et 3 du présent arrêt, que Mme C... n'est fondée à soutenir ni que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes, ni à solliciter sa réintégration ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C...la somme que le centre social d'Argonne demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre social d'Argonne Emile-Thomas Guérin tendant à la condamnation de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au centre social d'Argonne Emile-Thomas Guérin.

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N° 16NC00073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00073
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BIENFAIT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-24;16nc00073 ?
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